1 start-up sur 2 est en difficulté... (Photo: Gregory Hayes pour Unsplash)
CHRONIQUE. Et les start-ups? Comment vivent-elles la pandémie du nouveau coronavirus? Affamées d’argent, ont-elles vu leurs vivres coupés du jour au lendemain?
Paul Gompers est professeur d’économie à la Harvard Business School. Avec Will Gornall, professeur de finance à l’Université de Colombie-Britannique, Steven Kaplan, professeur de finance et d’entrepreneuriat à l’Université de Chicago, ainsi qu’Ilya Strebulaev, professeur de finance à l’Université Stanford, il a tenu à en avoir le coeur net et, ensemble, ils ont mené à bien une étude intitulée «Venture capitalists and COVID-19».
Les quatre chercheurs ont tout simplement procédé à un sondage auprès de 1.000 capital-risqueurs américains – ces investisseurs qui débloquent des fonds propres pour soutenir le démarrage et la croissance des start-ups et qui, de surcroît, leur font bénéficier de leurs réseaux de connexions et de leur expérience professionnelle – et ont comparé leurs réponses à celles qu’ils leur avaient données en 2016 concernant leurs activités du moment. L’objectif? Voir si la COVID-19 et la consécutive «mise sur pause» de l’économie avait eu un impact financier particulier sur les start-ups soutenues par ceux-ci, ou pas.
Résultats? Ils tiennent en une poignée de chiffres révélateurs:
> Les capitaux-risqueurs ont nettement ralenti leur rythme d’investissement. Il fonctionne à présent à 71% par rapport a la normale. À noter à ce sujet que le quart d’entre eux reconnaissent avoir plus de mal qu’auparavant pour identifier les start-ups dans lesquelles il est intéressant d’investir.
> Pour 2021, ça devrait être à peu près la même chose: les capitaux-risqueurs estiment qu’ils vont continuer de lever le pied, à hauteur de 81% par rapport à la normale.
> Si l’argent circule moins vite, en revanche ce n’est pas le cas de la dimension conseil de l’activité des capitaux-risqueurs: la plupart d’entre eux disent qu’ils consacrent maintenant davantage de temps aux start-ups dans lesquelles ils ont investi, la priorité étant de les conseiller pour leur permettre de survivre à la brutale «mise sur pause» de l’économie et à l’actuelle récession économique.
> C’est que 38% des start-ups sont «significativement affectées» par la récession, selon les capitaux-risqueurs sondés. Et 10%, «gravement touchées». Autrement dit, 1 start-up sur 2 est actuellement en difficulté, l’existence même de certaines d’entre elles étant carrément en jeu.
On le voit bien, les temps sont durs pour les start-ups. Chez notre voisin du sud, et aussi, sûrement, chez nous. Cela veut-il pour autant dire que les temps sont tout aussi durs pour les capitaux-risqueurs? Hum, pas sûr…
> Globalement, les capitaux-risqueurs pensent en effet voir le taux de rentabilité interne de leur portefeuille (IRR, pour Internal Rate of Return) reculer de 1,6% en 2020 et la valeur totale de leur portefeuille (MOIC, pour Multiple of Invested Capital) rester stable, avec un infime recul de 0,07% en 2020. Ce qui signifie que le coup devrait être moins rude qu’il n’a été lors de la crise financière de 2007 – l’investissement des capitaux-risqueurs avait alors chuté de 30% aux États-Unis – et que lors de l’effondrement des dotcoms de 2001 – l’investissement avait, là, fondu de 50%.
«Les prévisions les plus désastreuses de l’impact de la COVID-19 sur le capital-risque ne se sont pas concrétisées et ne le seront sûrement pas dans les temps qui viennent. Même si la pandémie n’est pas encore enrayée et si nombre d’incertitudes sanitaires et économiques planent toujours, nos données montrent que les acteurs du capital-risque font preuve d’une résilience certaine, d’une résilience supérieure à nombre d’autres secteurs économiques et financiers. Et qu’en conséquence, on peut être raisonnablement optimiste pour son avenir», notent les quatre chercheurs dans leur étude.
Alors, les start-ups sont-elles frappées de plein fouet par la COVID-19? Eh bien, comme tout le monde, elles sont frappées, mais il semble que les crises précédentes ont appris au secteur à se montrer résilient face aux ventes mauvaises, à plier sans rompre, à tenir bon ensemble. Ce qui est clairement un signe de progression en termes de maturité.
Certes, certaines start-ups ne parviendront pas à traverser la tempête. Mais il ne devrait pas y avoir d’hécatombe. Fort heureusement.
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Un rendez-vous hebdomadaire dans Les affaires et Lesaffaires.com, dans lequel Olivier Schmouker éclaire l’actualité économique à la lumière des grands penseurs d’hier et d’aujourd’hui, quitte à renverser quelques idées reçues.
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