Certaines firmes décident d’interroger les responsables de leurs opérations régionales, qui ont entre autres pour tâche de déceler les firmes qui pourraient être de bonnes partenaires.
FUSIONS ET ACQUISITIONS. Les annonces d’acquisitions majeures à l’international se multiplient. Les entreprises québécoises ont compris tout l’intérêt qu’elles avaient à réaliser ce type de transaction pour se développer ou conquérir de nouveaux marchés. Néanmoins, les fusions et acquisitions, particulièrement celles à l’international, comportent leurs lots de défis qu’il ne faut pas sous-estimer.
Croître à l’étranger ? Oui, mais comment ouvrir les portes du marché ? Une des stratégies les plus simples consiste à acquérir un joueur déjà présent dans la région que vous convoitez. Pour avoir du succès, vous devez toutefois trouver une bonne entreprise. Comment repérer les bonnes occasions ?
Les stratégies varient naturellement d’une firme à l’autre. CGI, par exemple, procède généralement selon une des deux façons qu’elle a déterminées. «Notre première démarche consiste à interroger les responsables de nos opérations régionales, qui ont entre autres pour tâche de déceler les firmes qui pourraient être un bon fit pour nous», explique François Boulanger, vice-président exécutif et chef de la direction financière chez CGI. Étant présents sur les marchés, ceux-ci peuvent donc répertorier les cibles les plus pertinentes et les approcher pour déterminer si elles ont envie de vendre.
«Notre seconde démarche consiste à demander à nos clients quelles sont les firmes avec lesquelles ils font affaire en services technologiques», dit M. Boulanger.
L’an dernier, dans le cadre du Baromètre mondial CGI, l’entreprise a ainsi rencontré 1 400 clients. Ces rencontres, qui ont également d’autres objectifs, comme de mieux comprendre les tendances sectorielles, sont une excellente occasion de dresser une liste d’acquisitions mondiales potentielles.
«Je dirais que la majorité de la dizaine d’acquisitions que nous avons réalisées depuis deux ans venait de références clients», relate M. Boulanger. C’est le cas de Paragon, une firme américaine dont l’acquisition a été annoncée en décembre 2017, ou encore de CKC, une firme allemande dont l’acquisition s’est faite en octobre dernier.
Cette démarche est toutefois presque trop efficace : CGI se retrouve parfois avec une liste de plusieurs milliers de cibles potentielles. Comment séparer le bon grain de l’ivraie ? L’entreprise montréalaise commence par éliminer celles qui n’ont aucun sens du point de vue stratégique. «On ne considère pas, par exemple, les sociétés qui vendent du matériel informatique, comme des ordis ou des serveurs», dit M. Boulanger. CGI filtre ensuite la liste en fonction des pays et élimine les firmes basées dans des régions qu’elle ne souhaite pas pénétrer. Enfin, les hauts dirigeants discutent avec leurs gestionnaires régionaux et font des recherches à propos des firmes qu’ils ne connaissaient pas, et dressent une liste courte des firmes les plus attrayantes.
Une fois la liste courte établie, comment décider des meilleures occasions ?
«Nous communiquons alors avec les entreprises, dit M. Boulanger. En partant, plusieurs disent n’être pas intéressées.» Quand les sociétés montrent un intérêt, les deux parties signent un accord de confidentialité et CGI plonge dans l’évaluation de l’acquisition : fit culturel (l’élément le plus important), données financières, pertinence stratégique.
«Nous ciblons les firmes dans des villes où nous sommes sous-représentés», précise M. Boulanger. CGI est confiante de sa stratégie : l’entreprise vise à doubler mondialement sa taille d’ici cinq à sept ans, et la moitié de cette croissance doit se faire par acquisitions.
Terreau fertile
La stratégie de Premier Tech diffère de celle de CGI, mais semble tout aussi efficace : elle a réussi à s’implanter dans 24 des 25 pays dans lesquels elle est actuellement présente, excluant les États-Unis et le Canada, grâce aux F&A. L’entreprise annonçait d’ailleurs en janvier l’acquisition de TerreauxSTAR, un fabricant français de terreaux destinés principalement aux marchés professionnels.
Comment opère-t-elle ? Elle fonctionne surtout sur une base relationnelle. «Nos présidents d’unités d’affaires font de la démarche sur le terrain, notamment dans les salons. Nous mettons des lignes à l’eau en laissant savoir aux gens que nous souhaitons éventuellement acheter», explique Jean Bélanger, président et chef de l’exploitation. En résulte que dans 90 % des cas, Premier Tech réussit à négocier ses acquisitions d’un-à-un avec le président – souvent le propriétaire – de ses cibles. Elle se retrouve rarement absorbée dans un processus de mise en vente où elle doit faire concurrence à cinq ou six autres acquéreurs potentiels pour se faire le plus offrant.
«Notre façon de faire nourrit la confiance, dit M. Bélanger. Comme un propriétaire cherche non seulement à valoriser son patrimoine, mais aussi à assurer la pérennité de son organisation, c’est un avantage pour nos cibles potentielles de connaître notre stratégie.»
Dans le cas de TerreauxSTAR, par exemple, Premier Tech était en discussion régulière avec la direction, entre autres dans les salons et les foires commerciales. «Ils nous ont appelés, raconte M. Bélanger. Ils réfléchissaient à la vente de leur entreprise. Ils avaient reçu l’appel d’une autre société, mais ils voulaient discuter avec nous avant de décider.» C’est finalement Premier Tech qui l’a emporté.
Pour réussir, cependant, il faut s’investir. «On ne peut pas sous-traiter la recherche d’un bon partenaire, surtout outre-frontière, où la culture est différente, dit M. Bélanger. Il faut bâtir la confiance, bâtir des ponts, et avoir des atomes crochus avec les gestionnaires et le propriétaire, qui restera souvent quelques années après l’acquisition.»