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Les voyages forment la vieillesse

Emilie Laperrière|Édition de la mi‑mai 2022

Les voyages forment la vieillesse

La possibilité d’annulation et de remboursement sans frais constitue un élément primordial pour les aînés. (Photo: 123RF)

MARCHÉ DES AÎNÉS. Les 60 ans et plus voyageaient plus que jamais avant la pandémie. Sécurité et flexibilité seront toutefois de mise pour leur redonner envie de partir.

Plus vulnérables à la COVID-19, les Québécois plus âgés ont préféré le confort de leur foyer à l’appel du large. Une étude réalisée par la Chaire de tourisme Transat révèle que 68% des baby-boomers sondés jugent n’avoir pas voyagé autant qu’à leur habitude à l’été  2020, contre 50% des 18-54 ans.

«Dans les deux dernières années, c’est surtout l’envie de parcourir le monde qui faisait défaut à cette portion de la clientèle», constate le titulaire de la Chaire, Marc-Antoine Vachon. Pour expliquer leurs nouvelles tendances casanières, 76% affirmaient en effet manquer d’envie de partir dans le contexte actuel, alors que 61% citaient la peur de contracter le virus.

L’observation est partagée par Marc-Olivier Gagné, directeur des développements numériques chez Voyages Gendron. «La crainte principale de nos clients se rapportait surtout aux tests et à toute la lourdeur administrative provoquée par la pandémie.»

Afin de redonner la piqûre du voyage aux aînés, ce dernier estime que les acteurs de l’industrie devront se concentrer sur l’effort client. «Avant la pandémie, c’était l’âge d’or du tourisme. Les gens n’avaient jamais autant voyagé, la machine était bien huilée, tout fonctionnait bien», souligne-t-il.

Le système n’a donc pas besoin d’être entièrement revu. «On sent qu’il y a un intérêt très fort pour le voyage. Pour le réactiver, il faut rassurer les baby-boomers sur la réponse sanitaire ou même sur la conscience sanitaire à destination.» En d’autres mots, l’industrie devra démontrer qu’elle prend la situation au sérieux, particulièrement auprès des aînés, qui sont plus inquiets de contracter le virus que les générations plus jeunes.

 

Réassurances requises

En matière de tourisme, les personnes âgées sont très organisées, selon Marc-Antoine Vachon. «Elles aiment planifier chaque moment du voyage. Il faut les rassurer sur le fait que chaque étape est pensée sous scellé sanitaire, qu’aucun détail n’a été laissé au hasard.» Il faut ainsi s’attarder non seulement au vol, mais aussi à l’intervalle entre l’aéroport et la destination, comme le centre-ville ou la route jusqu’à l’hôtel. 

Hélène Carbonneau, professeure titulaire au Département d’études en loisir, culture et tourisme de l’Université du Québec à Trois-Rivières, croit pour sa part que l’accès à des soins en cas de pépin fait partie des besoins essentiels des aînés. «Les personnes âgées à qui j’ai parlé dans le cadre du programme RÉEL (retraite épanouie et loisirs) avaient des craintes par rapport au flou qui entoure le voyage: les soins de santé offerts, la couverture des assurances, etc.»

Même son de cloche du côté de Martin Soucy, PDG de l’Alliance de l’industrie touristique du Québec. «Il y a un élément de prudence dans le cas des 60 ans et plus. Peu importe le marché ou la destination, il faut démontrer que c’est sécuritaire, qu’il y a des normes sanitaires en place», dit-il. Tous les acteurs québécois, des terrains de camping aux festivals, ont déployé un plan de mesures important pour répondre aux inquiétudes des voyageurs, promet le dirigeant. 

Martin Soucy se réjouit que la perception de sécurité ait poussé un bon nombre de Québécois à explorer la belle province depuis 2020. «Les escapades locales, notamment dans les parcs nationaux ou régionaux, ont augmenté pendant la pandémie.» Les nouveaux retraités, plus en forme, ont d’ailleurs acheté de l’équipement sportif — comme des skis ou un vélo de montagne — pour en profiter.

 

Pleins feux sur leurs besoins

La possibilité d’annulation et de remboursement sans frais constitue un autre élément à considérer. «C’est devenu un point très fort dans toutes les couches de la population depuis la pandémie, mais c’est un souci encore plus important pour les aînés, qui voyagent souvent en groupe», remarque Marc-Antoine Vachon. 

Celui qui est aussi professeur au Département de marketing de l’École des sciences de la gestion de l’Université du Québec à Montréal (ESG-UQAM) miserait également sur l’abordabilité pour leur redonner envie de parcourir le monde. «C’est un aspect crucial pour les retraités, contrairement aux jeunes professionnels», dit-il.

Selon l’étude sur les habitudes de voyage des baby-boomers réalisée par la Chaire de tourisme Transat, en collaboration avec le ministère du Tourisme en 2021, une offre d’attraits, d’hébergement et de restauration bon marché trône en tête de liste des attentes de ce groupe d’âge. 

Le titulaire de la Chaire conseille donc d’offrir des expériences avec un bon rapport qualité-prix. «Dieu sait qu’avec l’inflation et l’augmentation du coût de la vie, ça peut jouer dans les intentions de voyage.» À bon entendeur…