L’esprit d’«outsider» est-il à l’origine du parcours du Canadien?
Dominic Gagnon|Publié le 30 juin 2021Le gardien de but des Canadiens de Montréal, Carey Price (Photo: Getty images)
BLOGUE INVITÉ. La victoire du Canadien de Montréal en demi-finale la semaine dernière m’a donné envie de parler de ce qu’on appelle en anglais les «négligés» ou les «outsiders». En effet, qui aurait prédit l’arrivée de notre équipe favorite de hockey en finale de la coupe Stanley après une saison qualifiée de catastrophique par la plupart des analystes sportifs?
Un bon exemple, Francois-Pierre, mon chef des opérations chez Connect&GO, avait lancé à la blague à ses filles que si le Canadien se rendait en finale, il leur achèterait un animal de compagnie. Il n’avait jamais même pensé que c’était une possibilité.
Voilà la définition même d’un/e «outsider»: une personne ou un groupe dans une compétition dont on s’attend généralement à ce qu’il/elle perde.
Les gens adorent généralement l’histoire d’un «outsider» avec un parcours qui est défini par des défis importants et des probabilités apparemment insurmontables.
Il y a quelque chose d’intrinsèquement humain dans l’histoire d’un «outsider», et cela puise dans notre capacité à avoir confiance en l’avenir et à rêver grand. Il nous apprend également à perturber les croyances communes et à surmonter et affronter les standards de la société.
La plupart des start-ups débutent en mode «outsider». Le chemin vers le succès est parsemé d’obstacles importants. Dans la plupart des incubateurs, on nous rappelle que les chances d’obtenir un financement en capital de risque sont presque impossibles et que la majorité des projets finiront aux oubliettes. Pour plusieurs, cela serait décourageant, mais lorsque tu as l’esprit de l’«outsider», c’est une motivation profonde. C’est possiblement une partie de la raison de la victoire de nos Canadiens: ils étaient clairement négligés et cela les a poussés à offrir une performance mémorable.
L’esprit de l’«outsider»
Vous n’êtes probablement pas nés avec une cuillère en or dans la bouche, vous avez peut-être été refusé dans la majorité des universités, mais une force lorsqu’on a l’esprit de l’« outsider », notre motivation pour la réussite est plus forte que tout.
La détermination à améliorer votre vie ou à transformer votre passion en une entreprise rentable devient votre motivation principale, pour ne pas dire, une obsession.
Ne pas avoir de filet de sécurité sur lequel se rabattre et mettre toute votre énergie dans un projet signifient que vous pouvez avoir plus à perdre si votre projet ne décolle pas.
Cela me fait penser à l’histoire de mon ami, Remi Richard, président de Pomelo Santé (anciennement Chronometriq), une entreprise bien vue dans le domaine des technologies médicales à Montréal. Lorsque son associé, Yan, et lui ont lancé l’entreprise qui visait à révolutionner la gestion de l’attente dans les cliniques médicales, tout le monde (et je ne généralise pas) leur a dit «non, non et encore non». Que c’était impossible, une mauvaise idée, qu’ils n’avaient pas les compétences pour réussir dans le domaine, et j’en passe. Pire encore, le compte de banque des fondateurs était dans le rouge et ils croulaient sous les dettes. Étant incapable de se payer un billet d’autobus, Remi a parcouru Longueuil jusqu’à Laval pour rencontrer un client potentiel!
Effectivement, les chances de réussite de Remi et Yan étaient probablement plus basses que la moyenne. Pourtant, l’entreprise a bouclé l’an dernier une ronde de financement de plus de 20 millions de dollars et a maintenant le vent dans les voiles. Pourquoi? Selon Remi, «nous avions tout et rien à perdre en même temps, c’était impossible pour nous d’abandonner. Lorsque tu n’as plus un sou, ce n’est pas le temps de te plaindre, tu dois avancer, c’est une question de survie!». La persévérance est un trait clair des «outsiders» : ils ont aussi envie de faire mentir les pronostics.
Comme la vie, les affaires ne sont jamais simples, mais ce sont les défis que la vie nous lance qui nous rendent plus forts, plus résistants et encore plus affamés de réussir.
Les « outsiders » peuvent se permettre d’expérimenter
Lorsqu’on lance une start-up et durant les premières années de vie d’une entreprise, on se sent parfois un peu bipolaire. Nous pouvons vivre des moments euphoriques de succès et quelques jours après avoir l’impression que nous sommes sur le point de tout perdre. Vous êtes aussi confronté à des concurrents de taille, généralement bien implantés et avec 100 fois plus de ressources que vous.
Ces situations permettent de voir le vrai caractère d’un entrepreneur. Être un «outsider» peut donner une grande flexibilité et une agilité qui vous permettra d’être beaucoup plus créatifs et efficaces qu’une grande entreprise. Vous pouvez ainsi plus facilement perturber le statu quo.
Prenez par exemple les connaisseurs de crème glacée Ben & Jerry’s . Ils ont suivi un cours en ligne au coût de seulement 5$ en fabrication de crème glacée et ont commencé à vendre leurs premières saveurs dans une station-service locale à Burlington, dans le Vermont. Lorsqu’ils ont commencé à se diversifier dans les restaurants et les magasins locaux, Häagen-Dazs a commencé à réagir. Elle a essayé de les pousser hors du marché, mais Ben & Jerry’s avait un produit unique que les gens adoraient.
Ben & Jerry’s a continué à fabriquer de plus en plus de produits locaux en utilisant du lait, de la crème et des fruits locaux et a expérimenté des emballages brillants et éclatants qui sont désormais immédiatement reconnaissables par les consommateurs du monde entier.
L’une des caractéristiques les plus distinctives de la marque Ben & Jerry’s est qu’elle mise sur des noms de crème glacée amusants et ironiques. Ils ont réussi à se démarquer du reste du terrain par leur personnalité.
D’un cours de 5$ à des centaines de millions de dollars, Ben & Jerry’s pouvait se permettre d’être différent et d’utiliser son statut d’«outsider» et son histoire locale pour se connecter avec les clients.
Plus près de nous au Québec, c’est un peu l’histoire de Nicolas Duvernois avec Pur Vodka et ses différents spiritueux. Sans même avoir été accepté pour vendre ses produits à la SAQ, il remportait le prix de la meilleure vodka au monde. Il n’avait aucune expérience ou expertise dans la production d’alcool, mais il avait une vision qu’il a aujourd’hui transformée en une entreprise prospère qui distribue ses spiritueux aux quatre coins du globe. Outre la qualité des produits, c’est l’histoire de Nicolas qui touche les gens et qui a contribué à son grand succès.
Les «outsiders» ont une perspective unique
En fin de compte, être un « outsider » permet de voir une image plus grande et plus claire. Il y a tellement d’occasions pour bouleverser des industries et changer le cours des choses, et commencer par le bas vous donne une perspective unique sur ce qu’il faut pour faire passer votre entreprise à un niveau supérieur.
Être un « outsider » peut être difficile, mais cela vous permet aussi d’acquérir des compétences importantes en tant qu’entrepreneur et être humain dans votre gestion. La capacité d’être humble, empathique et compréhensif fait partie d’un ensemble de compétences émotionnellement intelligentes que vous pouvez développer lorsque vous débutez et que vous n’avez pas de supports sur lesquels vous appuyer.
En vérité, les autres se connectent aux gens lorsqu’ils sont ouverts, honnêtes et authentiques. Être transparent sur votre statut ou vos vulnérabilités en tant qu’entreprise vous aidera à convaincre vos clients de vous faire confiance et d’entrer en relation avec vous.
Dernièrement, je demandais à un très grand groupe avec qui nous sommes en discussion pour un projet à l’international ce qui les avait convaincus de nous considérer comme fournisseur comparativement aux grands joueurs historiques. Leur réponse fut: «par rapport aux grands joueurs du marché, vous êtes des ‘outsiders’ qui viennent dépoussiérer les solutions de billetterie en plus de votre réactivité et votre capital sympathie».
Le pouvoir de l’«outsider» peut être ce qui rend votre entreprise distinctive et qui se démarque des autres.