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BLOGUE INVITÉ. Un billet en toute vulnérabilité…
Postulat 1 : La majorité des familles aspirent à l’harmonie familiale, et les familles en affaires ne font pas exception à la règle.
Postulat 2 : Quand un dirigeant d’entreprise veut quelque chose, habituellement, il met tout en œuvre pour l’obtenir.
Alors, quelqu’un pourrait-il bien m’expliquer pourquoi tant de familles en affaires ne consacrent pas le temps et les ressources nécessaires pour atteindre et maintenir l’harmonie au sein de leur famille?
Cinq fausses croyances sur l’harmonie familiale
- On s’aime, donc notre relation devrait être harmonieuse.
Désolée, mais l’harmonie n’a rien à voir avec l’amour. Ce n’est pas parce que vous devez travailler pour créer l’harmonie familiale que vous êtes une mauvaise famille. - Moi, je m’occupe de la «business». C’est à d’autres de s’occuper de l’harmonie.
Encore une fois désolée, mais l’harmonie, c’est l’affaire de TOUS les membres de la famille. Ce n’est pas une tâche que l’on peut déléguer. - On ne peut pas être bon dans tout.
Oui, on n’est pas obligé d’être un bon cuisinier, jardinier, joueur de hockey, danseur de salsa, bricoleur… Mais pas doué pour l’harmonie? Allez, faites un petit effort! - Qu’est-ce que les gens vont dire s’ils apprennent que la famille engage un accompagnateur pour nous aider?
On dirait que c’est encore plus tabou que d’aller en thérapie chez le psy. C’est tout à votre honneur de vous faire accompagner. Et entre vous et moi, l’opinion des autres, on s’en balance royalement! - Je n’ai pas le temps de m’occuper de ça.
J’en conviens, vous devez gérer des urgences tous les jours, et l’harmonie familiale n’en fait pas partie. Elle est toutefois TRÈS importante. Et si vous ne voulez pas qu’un conflit magistral éclate à tel point que cela devienne aussi une urgence, vaut mieux vous en occuper dès maintenant.
Des bonnes intentions dévastatrices
Permettez-moi de vous raconter une infime partie de mon histoire. Native d’un village aux valeurs patriarcales, j’ai été élevée par des parents qui croyaient que pour que je sois heureuse, je devais trouver un bon mari et faire des enfants. Malheureusement, lorsque j’étais enfant et adolescente, personne ne m’a demandé ce qui me rendait heureuse ni ce que je voulais faire de ma vie.
Je sens que mes parents m’aiment, mais qu’ils essaient de m’imposer une vision du bonheur qui ne me convient pas.
Ma mère est tellement sur ses positions qu’elle n’a pas l’ouverture pour voir qui je suis vraiment. Mon père se dit que l’épanouissement d’une fille, ça passe par sa femme, ma mère. Mes frères ont bien d’autres choses à faire que de s’occuper de leur petite soeur.
Que de solitude malgré toutes les bonnes intentions de tous!
Lorsque j’avais 13 ans, mon père m’a nommée actionnaire, tout comme mes cinq frères. Il ne savait pas trop quoi faire avec moi concernant sa succession. Après tout, ma place était à la maison, entourée d’une ribambelle d’enfants!
Malgré les sentiments d’incompréhension et de révolte que je ressentais (vous n’imaginez même pas à quel point j’ai été rebelle et délinquante!), j’ai travaillé toute mon adolescence dans l’entreprise familiale. Ai-je besoin de préciser que je ne m’épanouissais pas vraiment?
Et puis un jour, lors d’un lac-à-l’épaule où toute la famille était réunie, j’ai lu une lettre dans laquelle j’expliquais aux gens que j’aimais, mais qui ne me comprenaient pas et qui doutaient de mes capacités à diriger une organisation, que je quittais l’entreprise familiale pour suivre ma propre voix et étudier la psychologie.
J’ai dû quitter ma famille pour devenir qui je voulais être. Pour ce faire, j’ai emprunté bien des chemins de traverse… et certains m’ont parfois amenée à me perdre plus qu’à me trouver. J’ai longtemps été en thérapie et je consulte encore un psychologue aujourd’hui. Bref, ç’a été ma façon de me reconstruire, de me retrouver pour vrai.
Mais vous n’êtes pas obligé d’emprunter le même chemin que moi, car je vous jure qu’il est douloureux.
Se parler pour mieux se comprendre
Et si on arrêtait de croire que l’on sait ce qui est bon pour l’autre? Et qu’à la place, on l’aidait à trouver sa place en fonction de sa personnalité, de ses valeurs et de ses forces.
Et si on arrêtait de mettre de côté celui ou celle qui n’a pas la fibre entrepreneuriale? Et qu’à la place, on profitait des ressources familiales pour l’aider à s’épanouir.
Et si on arrêtait de supposer ce qui est bon ou mauvais pour l’autre? Et qu’à la place, on lui demandait quels sont ses besoins et aspirations.
Je suis bien consciente que l’entreprise familiale prend beaucoup de place dans votre vie de famille et que vous avez sûrement mille et un dossiers à gérer. Je sais aussi que ce n’est pas toujours facile d’avoir certaines discussions. Après tout, vous aimez les membres de votre famille et ne voulez surtout pas leur faire de peine. Mais si tout le monde reste silencieux et que personne n’ose faire le premier pas, rien ne change.
Avant de vous laisser, j’aimerais vous partager une citation de l’écrivain Bernard Werber que j’affectionne particulièrement et qui résonne beaucoup auprès de mes clients :
« Entre ce que je pense, ce que je veux dire, ce que je crois dire, ce que je dis, ce que vous avez envie d’entendre, ce que vous entendez, ce que vous comprenez… Il y a dix possibilités qu’on ait des difficultés à communiquer. Mais essayons quand même… »
Si vous voulez arriver à vous comprendre mutuellement et à améliorer votre cohésion, n’hésitez pas à vous faire accompagner par un accompagnateur spécialisé dans les familles en affaires. J’espère que mon témoignage vous aura donné le goût de faire le saut et de faire de l’harmonie familiale une priorité.