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Martin Lalonde

Gestion alternative

Martin Lalonde

Expert(e) invité(e)

L’histoire se répète pour le FNB Ark Innovation

Martin Lalonde|Édition de la mi‑juin 2022

L’histoire se répète pour le FNB Ark Innovation

(Photo: 123RF)

GESTION ALTERNATIVE. Les cinq premiers mois de 2022 ont été particulière-ment difficiles pour les investisseurs, notamment ceux n’ayant pas accès aux fonds alternatifs qui sont moins corrélés aux marchés. Cependant, le véhicule d’investissement qui a le plus déçu durant cette période est certainement le fonds négocié en Bourse (FNB) Ark Innovation (ARKK, 45,17 $US), géré par la célèbre Cathie Wood.

À son sommet en février 2021, le fonds présentait un rendement cumulatif de plus de 700 % depuis son lancement en 2014, devançant l’indice S&P 500 de plus de 600 %. Cette surperformance a été anéantie depuis le début de l’année, le fonds ayant perdu environ 75 % de sa valeur.

Pour ceux qui suivent un peu l’histoire financière, cette situation catastrophique pour les détenteurs de parts était pleinement prévisible. Le phénomène des gestionnaires étoiles dans un secteur précis est bien documenté et fascinant.

Le plus connu de tous est sans contredit Gerry Tsai, qui débuta chez Fidelity au début des années 1960, une période qui recevra plus tard le qualificatif d’«années à gogo»sur les marchés. Tout comme la danse du même nom, les marchés boursiers peuvent rapidement devenir une source de joie intense. Un parallèle évidemment facile à faire avec ce qu’on a vécu depuis 2010.

Gerry Tsai a révolutionné la gestion des fonds communs, qui était à cette époque excessivement conservatrice. À ce moment, la prudence est de mise, les dividendes sont la principale source de rendement, la diversification est nécessaire et la conservation du capital est l’objectif ultime.

Dans une décision qui chamboulera la finance, Tsai décide d’opter pour des entreprises technologiques en forte croissance. Après un rapide succès éclatant, il quitte Fidelity pour créer son propre fonds:le Fonds Manhattan. Alors qu’il espérait obtenir des fonds totalisant 25 millions de dollars américains (M $US), la somme de départ est dix fois plus élevée, soit 250 M$US, un chiffre jamais vu à l’époque.

Dans la gestion de son fonds, Tsai favorise les entreprises qui promettent de changer la façon de vivre des Américains. Mais en période d’incertitude, ce sont les entreprises ayant les profits les plus minces qui sont habituellement les plus affectées. Le marché haussier ralentit à la fin des années 1960, puis il s’effondre totalement au printemps 1970. Les futures vedettes telles que Xerox (XRX, 19,08$US), Electronic Data System ou Polaroid, qui composent le fonds Manhattan, sont les plus touchées. Le Fonds Manhattan perd 90 % de sa valeur et sera éventuellement liquidé.

Cathie Wood a évidemment suivi le même chemin pour construire son portefeuille. L’objectif du fonds Ark Innovation est d’investir activement dans des entreprises publiques cherchant, à long terme, à modifier la façon dont le monde fonctionne. Les secteurs favorisés sont ceux de l’intelligence artificielle, des véhicules autonomes, des biotechnologies ainsi que de la robotique. Évidemment, les entreprises de ces secteurs sont habituellement en grande croissance et l’ensemble des capitaux est investi en recherche et développement. Les profits, lorsque présents, sont minces et trouvent rarement le chemin des actionnaires.

Par exemple, à l’heure actuelle, les plus importants investissements du fonds Ark Innovation sont:

  • Tesla (TSLA, 782,11$US)
  • Coinbase (COIN, 73,45 $US)
  • Teladoc Health (TDOC, 36,40 $US)
  • Roku (ROKU, 97,21 $US)
  • Zoom (ZM, 113,03 $US)
  • Block (SQ, 87,53 $US)
  • Exact Sciences (EXAS, 51,00 $US)
  • Unity Software (U, 44,03 $US)
  • Twilio (TWLO, 110,11 $US)
  • Spotify (SPOT, 116,90 $US)

 

En période de marché haussier et lorsque les capitaux abondent, ces entreprises, qui vendent du rêve et qui sont synonymes d’avenir pour la plupart de gens, sont généralement celles qui vont le mieux performer, car le narratif est intéressant et facilement compréhensible par les investisseurs. Cependant, quand on regarde sous le vernis doré, on ne peut qu’être horrifié par l’absence de profits et de flux monétaires liés aux opérations.

Dans le cas du Fonds Manhattan, ce sont ceux qui ont investi vers la fin du marché haussier qui seront les plus touchés. Et c’est ici que le lien avec Cathie Wood est particulièrement révélateur. La majeure partie des détenteurs de parts actuels du fonds Ark Innovation n’ont pas profité des gains spectaculaires du fonds, car ils viennent tout juste d’y investir. Extraordinairement, la firme de Cathie Wood a en effet vu une entrée nette de fonds dans son produit phare depuis le début de l’année. Il semble que les investisseurs devront ressentir encore plus de douleur pour enfin comprendre que le pire réflexe, en Bourse, est de tenter d’attraper un couteau qui tombe.