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L’IA est-elle la solution pour le système de santé

Hugues Foltz|Publié le 06 novembre 2023

L’IA est-elle la solution pour le système de santé

Le CHUM est en train d’essayer l’implémentation d’un premier modèle d’IA associé à la gestion des urgences. (Photo: 123RF)

BLOGUE INVITÉ. La récente crise sanitaire a confirmé quelque chose que les experts s’appliquaient à dénoncer depuis nombre d’années déjà: le système de santé du Québec est déficient et que l’accès aux soins demeure complexe. Des urgences qui débordent, des hôpitaux dont la capacité est dépassée, la difficulté d’obtenir un médecin de famille, des listes d’attente interminables pour les chirurgies… Le réseau a beau être « gratuit », il ne peut pas laisser tomber sa population de la sorte.

Et si je vous disais que les solutions à ces problèmes existent ? Que la technologie est mature et prête à apporter son aide à notre système qui croule sous la pression ? Que des décisions d’optimisation peuvent être prises plus efficacement grâce à l’IA et que des robots arrivent facilement à alléger le travail de nos praticiens surmenés ?

La Commission de l’éthique en science et en technologie (CEST) s’est récemment penchée sur la question et a rendu public des résultats confrontant. La transformation numérique du Réseau de la Santé et des Services Sociaux ne serait pas assez avancée pour permettre l’intégration de dispositifs d’intelligence artificielle dans son infrastructure.

Je vous laisse une seconde pour digérer ce constat.

L’une de nos plus grandes institutions, celle qui mange aux alentours de 40 % du budget des Québécois, n’est pas suffisamment numérisée pour incorporer les outils technologiques qui pourraient la sauver. Nous sommes en 2023. Où avons-nous fait fausse route ? Où pourrions-nous commencer, afin de rattraper le retard accumulé ?

Eh bien, pour implanter des systèmes d’intelligence artificielle, il faut tout d’abord avoir accès à des données numérisées et s’assurer que les différentes interfaces communiquent ensemble. Cela passe par l’abandon des dossiers médicaux au format papier et de l’utilisation du fax. Le quoi, dites-vous ? Oui, certaines habitudes ont la peau dure et les médecins recourent encore au fax pour communiquer.

Imaginez un monde où les dossiers des patients sont numérisés et accessibles, permettant à ceux-ci de prendre un rendez-vous en ligne ou d’aller dans n’importe quelle clinique. L’avantage n’est pas seulement notable pour ceux qui requièrent des soins, mais également pour les praticiens, qui verraient le partage d’informations entre eux facilité et la coordination des traitements améliorée.

La numérisation de tous les processus et l’utilisation des technologies qui sont déjà à la disposition du système de santé sont donc la priorité. Celui-ci devra d’ailleurs déployer un effort considérable s’il songe un jour à accueillir l’IA au sein de son infrastructure qui est présentement, selon les mots de la CEST, vétuste.

Permettons-nous d’extrapoler : quelles sont les technologies d’intelligence artificielle qui existent et qui pourraient désengorger notre réseau rapidement et efficacement ?

En tête de liste, nous pouvons parler du triage des patients à l’urgence, un processus qui engendre des maux de crâne à tous ceux qui doivent l’utiliser. S’il était automatisé grâce à l’intelligence artificielle, le patient pourrait avoir l’occasion d’indiquer ses symptômes et la raison de sa visite directement à un modèle d’IA, qui, lui, pourrait déterminer la nature du problème et le degré d’urgence. L’IA possède le savoir combiné de toutes les données existantes sur toutes les maladies potentielles, lui permettant de surpasser les connaissances d’une seule tête en plus de faire gagner énormément de temps, à la fois dans le processus décisionnel et dans les heures d’attente.

Le CHUM est d’ailleurs en train d’essayer l’implémentation d’un premier modèle d’IA associé à la gestion des urgences. Ils voudraient parvenir à prédire l’achalandage, c’est-à-dire combien de personnes viendraient aux urgences et les profils et besoins de ceux-ci. En utilisant des données historiques de fréquentation et en y ajoutant d’autres variables comme la météo ou le calendrier sportif, ils pourraient trouver des tendances qu’il n’aurait pas été possible de discerner autrement.

L’objectif de ce projet est de mieux planifier les ressources comme les lits, mais aussi le personnel présent sur place. Normalement, il serait possible d’améliorer l’efficacité des urgences de 20%, en plus de la qualité du traitement des gens qui s’y rendent.

De la même manière que pour le triage à l’urgence, l’intelligence artificielle peut s’avérer extrêmement satisfaisante pour répondre à des questions de santé à distance. Avec un modèle capable de reconnaitre des détails sur des images, il est possible pour le patient d’envoyer une photo de sa condition pour obtenir de meilleurs conseils. Par exemple, la plateforme de télémédecine québécoise Dialogue implémente déjà une IA qui permet de simplifier l’identification des soins qu’un patient doit recevoir, selon une description ou des photos de ses symptômes.

En parlant de reconnaissance d’image, certains programmes sont maintenant assez performants pour identifier des anomalies indétectables à l’œil nu et ainsi, d’accélérer le diagnostic de certains cancers et le ciblage des traitements. Même chose concernant le traitement des radiologies ; un modèle d’intelligence artificielle peut aisément les analyser et donc, alléger l’emploi du temps des médecins. La compagnie Montréalaise Imagia a d’ailleurs commencé à prendre en charge des patients, à l’aide de son modèle d’IA, pour la détection de certains types de cancer et le développement de nouveaux traitements personnalisés.

Les exemples ci-haut ne sont que la pointe de l’iceberg de ce que l’IA peut faire pour améliorer le réseau de la santé et nous serions fous de nous en passer.

Après tout, un hôpital, c’est comme une usine. Les deux doivent gérer leur production en fonction de la demande, certains postes se doivent d’être automatisés pour favoriser le déroulement des procédures et ils doivent analyser leurs données pour parfaire leur processus décisionnel. Si les entreprises privées, toutes industries confondues, profitent dès maintenant de technologies de pointe comme l’IA et entament leur virage 4.0, ne devrions-nous pas exiger de notre réseau public de santé qu’il leur emboîte le pas sans tarder ? Nous payons tous des impôts et nous méritons que notre argent soit investi intelligemment et avec le meilleur rendement envisageable.

Le futur de notre système de santé ne pourra absolument pas se passer d’IA. Mieux vaut amorcer le virage numérique dès que possible, qu’en pensez-vous ?