(Photo: 123RF)
ANALYSE. La vague d’achats compulsifs provoquée par la crainte qu’inspire la pandémie rappelle que, même lorsqu’on porte un coup de frein sans précédent à l’économie, on trouve toujours des entreprises qui semblent avantagées par le contexte.
Les apparentes bonnes nouvelles peuvent toutefois être trompeuses. Le détaillant Target (TGT, 104,63 $ US) a annoncé que ses ventes ont bondi d’un impressionnant 20 % au cours des quatre semaines précédant le 25 mars. Pourtant, la direction n’a pas présenté cette hausse comme une bonne nouvelle. Au contraire, les marges sont faibles dans la catégorie des aliments et des produits ménagers. Les items générant plus de profits ont souffert d’un déclin de popularité. En raison de l’incertitude, la société a décidé de suspendre ses prévisions pour 2020.
L’investisseur doit donc se montrer prudent avant de tirer des conclusions macro-économiques de ce qu’il observe. À la mi-mars, la firme Bespoke Investment Group a fait grand bruit en publiant sa liste des 21 titres pour l’«économie de la COVID».
Au premier coup d’oeil, plusieurs choix semblent aller de soi. Vous avez envie de tout désinfecter ? Il y a Clorox (CLX, 181,04 $ US) pour ça. Vous devez travailler à distance ? Vous pouvez maintenir un contact avec vos collègues à l’aide de Slack (WORK, 24,90 $ US) et Zoom (ZM, 117,81 $ US). Vous cherchez à vous distraire sans mettre le nez dehors, Netflix (NFLX, 371,12 $ US) et Electronic Arts (EA, 106,80 $ US) à la rescousse !
Derrière la plupart de ces idées, se trouvent toutefois des réalités plus complexes que la simple intuition ne le laisserait croire. La demande pour les services de Zoom a effectivement bondi, passant d’une moyenne quotidienne de 10 millions de réunions en décembre à 200 millions en mars. Le problème : la société a été prise au dépourvu par cette croissance. Elle a reconnu que la grande majorité des nouveaux utilisateurs sont des consommateurs plutôt que des entreprises, ce qui laisse entendre qu’il s’agit de personnes qui utilisent le service gratuit. Le fort achalandage sur le site a mis à jour une foule de problèmes techniques qui soulèvent des doutes sur la confidentialité du service.
Le cas de Peloton
L’optimisme entourant certaines entreprises dans la foulée de la pandémie laisse perplexe. C’est le cas du fabricant d’équipements sportifs et du diffuseur de classe virtuelle d’entraînement Peloton (PTON, 27,50 $ US). Des quinze analystes qui suivent le titre, 13 émettent une recommandation d’achat, contre seulement deux recommandations «conserver».
Peloton génère un grand enthousiasme auprès d’une clientèle en moyen et adepte du sport. La société offre des équipements de luxe : son vélo stationnaire équipé d’un écran coûte 2 950 $. La société offre aussi des classes virtuelles données qui reproduisent l’ambiance d’une salle de gym chez soi.
James Hardiman, de Wedbush, met le titre au sommet de sa liste d’achat. Il juge que de nombreux sportifs sont appelés à migrer de la salle d’entraînement à leur domicile. La période de confinement ne fait qu’accélérer une tendance inévitable. Cette thèse optimiste a de quoi surprendre. L’entreprise n’est toujours pas rentable et le moment où elle parviendra à l’être n’est pas clair. Pour devenir rentable, la société devra donc accroître son bassin de clients. Au coût de leur service, on peut se demander jusqu’à quel point la société réussira à recruter suffisamment d’utilisateurs. Un des rares analystes prudents, Rohit Kulkarni, de MKM Partners, juge que la taille du marché potentiel est incertaine et note que des offres concurrentes pointent leur nez. Il ajoute que bien peu de sociétés de consommation technologique sont parvenues à se rendre en douceur à maturité.
L’idée d’une entreprise profitant de la COVID-19 peut sembler rassurante au moment où l’ensemble du marché est ébranlé. À plus long terme, il ne s’agit peut-être pas de la meilleure protection contre la pandémie.