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EXPERT INVITÉ. Vous commencez à me connaître, mon opinion est que l’approche traditionnelle qui est offerte et encouragée par le milieu financier québécois est loin d’être optimale. Il semble que plusieurs croyances sur la construction idéale d’un portefeuille sont enracinées et tenues pour acquises. Cela fait en sorte qu’encore une fois, l’investisseur individuel en paie le prix.
Combien de fois au cours des derniers mois a-t-on entendu publiquement plusieurs conseillers financiers des grandes entreprises canadiennes affirmer comme si c’était une vérité de La Palice qu’il est important de demeurer pleinement investi et de ne pas réagir aux fluctuations des marchés ? Il existe une seule et unique situation où c’est effectivement le cas:lorsque l’objectif du portefeuille est de minimiser les coûts. L’investisseur utilisera alors des fonds négociés en Bourse (FNB) à faibles frais de gestion et rééquilibrera le portefeuille à période prédéterminée, souvent annuelle. Comme un investisseur peut certainement le faire lui-même, vous comprendrez que ce ne soit pas dans l’intérêt de l’industrie financière de trop en parler.
Dans toutes les autres situations, si vous payez un conseiller pour qu’il s’occupe de votre portefeuille et qu’une gestion active est offerte, que ce soit de façon pleinement discrétionnaire ou en utilisant des fonds communs de placement, alors la gestion des liquidités doit être étudiée et possiblement utilisée.
J’entends déjà certain dire qu’il est très difficile de prédire les mouvements à court terme des marchés boursiers et que manquer les 10 meilleures journées chaque année a une incidence non négligeable sur le rendement du portefeuille. Il est vrai qu’il est difficile de prédire la direction des marchés, mais le fait de manquer les 10 pires journées boursières de l’année a un effet encore plus grand.
Un article de finance n’est pas complet sans parler du célèbre Oracle d’Omaha, le milliardaire Warren Buffett. Comme plusieurs, il a déjà affirmé que la meilleure option pour la majorité est possiblement l’approche passive et l’utilisation des FNB, notamment le SPY, qui réplique le rendement de l’indice américain S&P 500 (SPY, 380,54 $US). En revanche, ce n’est certainement pas ce qu’il a fait, et sûrement pas ce qui l’a enrichi non plus. La fondation de la stratégie de Buffett, qui a été copiée à maintes reprises et qui est aussi appelée l’approche fondamentale, est d’acheter des entreprises, à capital ouvert ou non, dont le prix est inférieur à la valeur intrinsèque de celle-ci. Ces prix sont habituellement bas lors des récessions et lorsque les perspectives économiques sont moins reluisantes. Sans surprise, l’envers de la même médaille est de ne pas acheter lorsque les valorisations sont particulièrement élevées.
Mais pour profiter des occasions, il faut évidemment avoir les liquidités disponibles, de la poudre sèche, comme on dit en finance. Et pour avoir ces liquidités, pour le commun des mortels, il faut avoir vendu à un moment donné. En d’autres mots, si on ne vend jamais et que l’on reste pleinement investi en tout temps, il est alors impossible de profiter des occasions que le marché boursier nous présente. Warren Buffett l’a clairement compris. En 2021, au plus fort des derniers élans du marché haussier postpandémique, celui-ci a augmenté ses liquidités de plus de 80% par rapport à l’année précédente, pour ensuite utiliser ces montants disponibles pour profiter des occasions qui, selon lui, se sont présentées à la suite de la baisse que nous avons vécue sur les marchés boursiers en 2022, entre autres pour les titres de Taiwan Semiconductor (TSM, 76,42 $US) et d’Occidental Petroleum Corporation (OXY, 62,52 $US).
Il est effectivement difficile de prédire la direction des marchés boursiers à court terme. Par contre, historiquement, une méthode fonctionne:l’évaluation des marchés et des entreprises relativement à leurs profits futurs. Et il ne fallait pas être le plus grand des devins pour voir qu’à la fin de 2021, plusieurs entreprises voyaient leurs cours atteindre des niveaux insoutenables, notamment dans le domaine de la haute technologie américaine. Comme l’a souvent mentionné le dirigeant du fonds spéculatif Kynikos Associates, James S. Chanos, durant la dernière année, si des entreprises comme Doordash (DASH, 51,33 $US), Zoom (ZM, 68,56$US) ou DocuSign (DOCU, 54,10$US) ne se sont pas enrichies durant la pandémie, elles ne le feront jamais.
Surtout en période de hausses de taux comme on le vit présentement, il est primordial, selon moi, de considérer les liquidités comme une catégorie d’actifs à part entière dans la construction d’un portefeuille. Plus les taux d’intérêt des titres à revenu fixe sont élevés, plus le rendement espéré des actions doit être élevé pour compenser le risque additionnel que représente cette catégorie d’actifs. Si ce rendement espéré n’est pas plus élevé en raison de l’évaluation des marchés boursiers, comme c’est le cas en ce moment, les actions sont plus risquées, car la volatilité est plus grande pour un rendement espéré pas nécessairement plus important.
En d’autres mots, il existe maintenant d’autres outils pour atteindre une portion des objectifs de rendement. Ne pas les considérer est de la paresse de la part de plusieurs conseillers.