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FINANCEMENT D’ENTREPRISES. Après la frénésie des fêtes, janvier et février sont des mois creux dans le secteur du commerce de détail. Élie Bilodeau en sait quelque chose. Pour le président de Projet Maison, une chaîne de magasins spécialisés en design d’intérieur, ce moment de l’année est synonyme de pertes financières. «Ce sont des mois qui ont un impact négatif sur mon fonds de roulement. C’est aussi pendant cette période que je prépare mon inventaire en vue de mars, avril, mai et juin, où je réalise une bonne partie de mon chiffre d’affaires annuel», raconte l’entrepreneur.
À la fin de février, la nervosité le guette. Et si les ventes n’étaient pas au rendez-vous ?
Avec les années, M. Bilodeau a développé des réflexes pour éviter que ces problèmes de liquidités ne menacent la survie de ses entreprises – il est aussi fondateur d’Agua Canada, des produits de plomberie haut de gamme distribuée par Projet Maison. Il se fait par exemple un devoir d’examiner les options de financement qui s’offrent à lui sur une base régulière. «Je suis toujours un peu en mode recherche, affirme-t-il. Cela me permet de ne pas avoir les mains liées. Si j’ai besoin de fonds pour faire face à mes obligations ou pour croître, j’ai les coudées franches.» Il négocie également des termes de paiement différents avec ses fournisseurs, de manière à se dégager de la marge de manoeuvre.
Pour redresser la situation…
Perte d’un gros client, rupture de contrat, mauvaises créances : les tuiles susceptibles de s’abattre sur la tête d’une entreprise sont aussi nombreuses qu’imprévisibles. Pour éviter que la tempête ne fasse couler le bateau, Martin Roy, associé, Financement et transfert d’entreprises chez Capital Conseil, suggère de ne pas tarder à réagir. «Se croiser les bras trop longtemps est un moyen tout indiqué pour se retrouver aux prises avec un problème de fonds de roulement», met-il en garde. Qui plus est, un tel contexte de redressement rend très difficile l’obtention de financement. «Comme elle ne génère plus les mêmes revenus, la capacité de remboursement de l’entreprise s’en trouve affectée.»
Dès que les voyants de l’entreprise virent au rouge – ou pour éviter qu’ils ne le fassent -, M. Roy conseille de procéder à l’analyse financière des douze prochains mois. Le but est de s’assurer de disposer de suffisamment d’argent pour en assurer les opérations normales. «Cet examen approfondi des finances permet de cibler les actions à prendre pour stabiliser la situation de l’entreprise, explique le spécialiste. Cela pourrait vouloir dire d’aller chercher de nouveaux partenaires financiers.» Dans les faits, une entreprise gagne à procéder à un tel exercice au moins une fois par année, et ce, peu importe sa situation.
… ou soutenir la croissance
Judith Fetzer, présidente et cofondatrice de Cook it, l’a bien compris. Récemment, l’entreprise québécoise de repas prêt-à-cuisiner a avalé sa rivale MissFresh, dont le propriétaire majoritaire était Metro. Pour effectuer cette acquisition, Mme Fetzer a planifié, puis mise en branle une ronde de financement, avant même de négocier avec la chaîne d’alimentation. Un exercice qui a pris «de quatre à six mois à boucler» et qui n’a eu «aucun impact» sur le fonds de roulement de Cook it. «Une fois que tu as des investisseurs en place, cela facilite et accélère la recherche de financement», spécifie-t-elle.
M. Roy recommande d’ailleurs de tenir au fait les partenaires financiers de ses prévisions, ainsi que des projets qui sont dans les cartons. «On veut jauger leur faisabilité, notamment en matière de financement. Qui plus est, cela est synonyme de transparence, un petit rien qui fait néanmoins toute la différence auprès de ces acteurs», pense-t-il.
Que ce soit pour soutenir un essor fulgurant ou prévenir une faillite imminente, peu importe : une entreprise devrait toujours disposer d’une marge de manoeuvre suffisante et éviter, autant que possible, de fragiliser son fonds de roulement, conclut l’expert.