L’industrie pétrolière n’a pas passé «Go», mais clame le gros lot
Le courrier des lecteurs|Publié le 25 mars 2022(Photo: 123RF)
COURRIER DES LECTEURS. Un texte d’Hugo Cordeau, étudiant au doctorat en économie à l’Université de Toronto
Le projet de loi 21 prévoit de mettre fin à l’industrie pétrolière, mais il y a un mais! Le gouvernement propose de rembourser 75% des frais afin de fermer les puits. Ça représente des centaines de millions de dollars. Et encore, le président de l’Association de l’énergie du Québec quémande davantage: «Si vous gagnez à la loterie et qu’on vous rembourse seulement votre billet, ce n’est pas une compensation, c’est une confiscation». Son billet gagnant remet en cause la vie humaine telle que nous la connaissons, mais il veut tout de même toucher son gros lot… J’éprouve un certain malaise.
Je crois que le gouvernement fait fausse route. Je crois qu’il est désirable de mettre fin aux projets polluants sans les indemniser ; ça rend les projets polluants risqués, et ça, c’est gagnant pour notre société. «C’est winner», comme dirait Fitzgibbon.
Effectivement, tel que le démontre l’invasion russe en sol ukrainien, les firmes, la finance et les pays répondent négativement à l’incertitude ; au risque. Depuis cette invasion, le secteur énergétique est bouleversé. L’occident a riposté à cette dernière en diminuant de façon draconienne leurs importations de pétrole russe. Les pays européens — ainsi que les États-Unis avec la résurgence du plan Build Back Better — voient dorénavant la transition énergétique, non seulement comme une action climatique, mais comme une sécurité énergétique. Ils cherchent à diminuer leurs risques.
La finance n’aime pas le risque. Plus une action est risquée relative à son rendement, moins elle obtiendra de capitaux. Le Ratio Sharp, diront certains. C’est exactement pour cela qui ne faut pas indemniser les pétrolières. Il faut envoyer un signal clair que cette industrie est non désirable. Il faut que les fonds de capitaux comprennent: polluer, c’est risqué.
Le bon côté est que la finance répond en investissant dans les industries peu polluantes. C’est ce qui explique l’augmentation de la valorisation boursière des énergies renouvelables dans le dernier mois. La finance peu aider la transition énergétique, il ne faut que l’accompagner.
D’ailleurs, selon la firme Léger, 70% des Québécoises et des Québécois croient que les pétrolières devraient payer pour les dégâts que leurs forages ont causés à l’environnement.
Cette demande n’a rien d’étrange, c’est ce que nous avons fait dans le passé! En 2011 le gouvernement du Québec a adopté un projet de loi afin d’annuler les permis d’exploration dans le fleuve et dans l’estuaire du Saint-Laurent et n’a pas indemnisé les pétrolières. Alors, pourquoi faire différent? Ah oui, les sacro santo investissements étrangers.
À ce sujet, je ne crois pas que cela les repousserait, du moins pas ceux que nous désirons acquérir. En fait, cela pourrait attirer les entreprises intéressées à participer à la transition énergétique via, par exemple, les industries d’hydrogène vert, des batteries ou même du béton vert. Quelle entreprise verte ne désire-t-elle pas avoir un gouvernement qui soit partie intégrante de la solution? En outre, cette approche se voit cohérente avec le Plan pour une économie verte ainsi que les zones d’innovation mises de l’avant par le gouvernement.
Nous sommes à une époque charnière de notre histoire. Nous pouvons continuer le business as usual, ou nous pouvons prendre les moyens de nos ambitions et sauver notre planète. Il n’y a plus de demi-mesures.