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L’innovation en prescription

Simon Lord|Édition de la mi‑novembre 2020

L’innovation en prescription

Frédéric Alberro, directeur pour le Québec de Médicaments novateurs Canada (Photo: courtoisie)

PHARMACEUTIQUE ET VALORISATION DE LA RECHERCHE. Les nouveaux traitements ne se découvrent pas d’eux-mêmes; il faut Frédéric encourager le développement de médicaments et d’avenues thérapeutiques inédites. Une chose est sûre, la pandémie a forcé les gouvernements à faciliter le développement de traitements pour combattre la COVID-19. Frédéric Alberro, directeur pour le Québec de Médicaments novateurs Canada, mentionne d’emblée la qualité de la science. «Le développement de médicaments implique de la recherche fondamentale et appliquée, dit-il. Avoir des infrastructures de recherche de calibre mondial et des centres universitaires hospitaliers avec des cliniciens à la fine pointe, ce sont des éléments fondamentaux.»

Selon celui qui est à la tête d’un organisme qui représente 41 entreprises pharmaceutiques canadiennes, la province est déjà bien positionnée à cet égard, notamment avec ses grands hôpitaux universitaires et des instituts de recherche de calibre mondial comme l’Institut de cardiologie de Montréal. «On a des experts et des stars au Québec», estime Frédéric Alberro.

Accès aux données Il reconnaît toutefois que la compétition mondiale est féroce et estime que de permettre un meilleur accès aux données de santé à des fins de recherche permettrait d’aider la province à se démarquer. «Le Québec est assis sur une mine d’or», assure le directeur en soulignant que le système de santé québécois produit des données cliniques et administratives de masse. Il estime qu’il existe une occasion «inouïe»au carrefour des secteurs des sciences de la vie, des pharmaceutiques et de l’intelligence artificielle.

Si l’on veut que des traitements novateurs soient développés, explique Frédéric Alberro, il importe que ces traitements soient éventuellement remboursés à leur «juste prix»et que le processus d’approbation soit raisonnablement rapide. «Si l’on décide de ne pas vraiment intégrer les nouveaux traitements dans le réseau de la santé, ou de ne pas les rembourser rapidement à leur juste valeur, ça n’envoie pas un message encourageant pour le secteur qui innove.»Actuellement, au Québec, il faut compter presque un an et demi entre l’émission de l’avis de conformité de Santé Canada et la décision de rembourser le médicament, note-t-il. «Sur 20 pays comparables de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), on est au 18e rang, dit-il. Le Québec devrait au moins viser la médiane des pays de l’OCDE.»

Pour y arriver, Médicaments novateurs Canada estime que les autorités provinciales pourraient modifier le processus d’approbation. Les patients pourraient par exemple avoir accès aux médicaments aussitôt que l’Institut national d’excellence en santé et en services sociaux du Québec recommande au gouvernement provincial de le rembourser, plutôt que d’attendre l’issue des négociations avec l’Alliance pancanadienne pharmaceutique (APP), comme c’est le cas actuellement. Ces négociations permettent de déterminer les ententes concernant le prix que paieront les gouvernements pour ces médicaments. Médicaments novateurs Canada suggère que les sommes payées dans l’intérim soient ensuite ajustées rétroactivement.

 

Faire la liaison

Une autre façon de stimuler le développement de nouveautés pharmaceutiques est de s’assurer qu’il est possible, et relativement facile, de trouver les patients qui pourraient bénéficier d’un nouveau traitement donné, de façon à pouvoir leur proposer d’en faire l’essai.

C’est un peu ce que tente de faire Catalis Québec. «Ce que nous faisons, c’est de la coordination. Nous travaillons avec les hôpitaux et les centres de recherche pour les aider à trouver des patients atteints de certaines maladies incurables afin qu’ils puissent leur proposer de faire l’essai de nouveaux traitements novateurs», explique Jacques Hendlisz, président exécutif de cet organisme financé par l’industrie et le gouvernement provincial, qui vise à faciliter la collaboration entre les différents acteurs des sciences de la vie pour accélérer le développement de traitements novateurs.

Éventuellement, Catalis Québec voudrait bien automatiser ce travail, autant que possible. Plus spécifiquement, l’organisme aimerait piloter la mise sur pied d’un logiciel qui, tout en assurant le respect de la confidentialité, permettrait de recruter des patients plus facilement. En théorie, cela serait possible, puisque les diagnostics sont déjà inscrits aux dossiers des patients, précise Jacques Hendlisz. «Le logiciel saurait également quelles études se font actuellement au Québec, et il serait alors facile de faire l’appariement.»Pour le moment, ce projet n’en est qu’à ses balbutiements, indique le président exécutif. «Nous sommes à l’étape d’étudier des logiciels similaires, de déterminer qui pourrait développer le nôtre, et de voir comment ficeler le financement.»Mais l’initiative pourrait donner un bon coup de pouce au développement de nouveaux traitements.

 

Vaccin en accéléré

Dans le contexte d’urgence lié à la pandémie mondiale, les mesures et les incitatifs usuels de soutien à la recherche ne suffisent toutefois pas à faire progresser assez rapidement le développement d’un traitement. Par conséquent, les autorités gouvernementales ont avancé des sommes importantes pour accélérer la recherche.

À la fin octobre, Ottawa a par exemple annoncé un soutien financier de 18,2 millions de dollars (M$) à Precision NanoSystems dans le but de l’aider à développer un vaccin contre la COVID-19. L’entreprise vancouvéroise a précisé par voie de communiqué que cette somme serait notamment consacrée à la réalisation d’études précliniques et d’essais cliniques.

Une société biopharmaceutique, Medicago, doit quant à elle recevoir un soutien plus important encore:elle a conclu un accord avec le gouvernement fédéral – assorti d’une subvention de 173 M $– afin de poursuivre le développement de son vaccin candidat contre la COVID-19, puis d’en produire 76 millions de doses à ses installations de Québec et de RaleighDurham, en Caroline du Nord, aux États-Unis. Un autre 23,2 M $, puisé à même le Programme d’aide à la recherche industrielle du Conseil national de recherches du Canada, sera consacré à faire progresser la mise au point de six vaccins candidats pour combattre le nouveau coronavirus, qui se trouvent actuellement à divers stades d’essais cliniques.