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L’innovation n’arrête jamais

Philippe Jean Poirier|Publié le 27 septembre 2023

L’innovation n’arrête jamais

Charles de Brabant, directeur général de l’École Bensadoun de commerce au détail, concède que la pandémie a « accéléré » la transformation du secteur. (Photo: 123RF)

Le prix d’un échec commercial « n’a jamais été aussi bas », a exprimé le fondateur de Shopify, Harley Finkelstein, à C2 Montréal en mai dernier, « excité » par l’évolution et l’énergie du commerce de détail. Selon lui, une personne peut « avoir une idée à 7 h le matin et lancer son entreprise la même journée ». D’une certaine manière, c’est ce qui est arrivé à la chaîne de magasins Carole Vintage, fondée en 2019 dans la chambre à coucher d’un ado de 17 ans.

Passionné par les vêtements « vintage », Vincent Legros a d’abord aménagé une salle de montre chez ses parents et vendu ses pièces à des amis et des connaissances, avant d’en faire la promotion sur Instagram. Deux de ses amis — Xavier Leduc et Zachary Reffo — se sont joints à lui à titre d’associés en 2021 pour l’aider à lancer une boutique en ligne. En 2022, le promoteur immobilier Cominar a proposé aux jeunes entrepreneurs de la Rive-Sud d’ouvrir un magasin au Mail Champlain. « Nous avons aujourd’hui quatre magasins et une vingtaine d’employés », dit fièrement Xavier Leduc, coassocié. 

Cet exemple illustre bien la conviction d’Harley Finkelstein que le commerce de détail peut désormais « se produire partout ». « On peut écouter une chanson sur Spotify et acheter la marchandise de l’artiste directement sur sa page. On peut regarder une vidéo sur TikTok et acheter un produit en cliquant sur un lien intégré dans la vidéo. Il y a une énergie incroyable dans le commerce de détail, et c’est très inspirant. »

Tout comme Harley Finkelstein, Damien Silès, directeur général du Conseil québécois du commerce de détail (CQCD), est lui aussi très enthousiaste quant à l’avenir du commerce de détail. En début d’année, le CQCD a d’ailleurs lancé le projet Envoi Québec, qui aide les entreprises à réduire l’empreinte carbone des derniers kilomètres de livraison. « Ce qui est intéressant, dans ce secteur, c’est que l’innovation touche absolument tout. Vous pouvez en avoir autant dans la manière de mettre en marché un produit, que dans l’expérience client et la livraison, ou même dans la vente. Prenons l’exemple du Groupe Corbeil, qui est passé de la circulaire papier à un système de marketing numérique. »

 

Vers un commerce circulaire 

En parallèle, le concept de « commerce circulaire » continue de faire son chemin aussi bien du côté des élus que des dirigeants d’entreprises. 

« Le gouvernement est actuellement en train de travailler la loi sur l’obsolescence programmée, annonce Damien Silès. Ça va changer les mentalités sur la surconsommation, en imposant au secteur de détail de récupérer et de réparer ses produits, tout en proposant aux consommateurs la possibilité de poser un geste écoresponsable en achetant du seconde main. » 

Des entreprises québécoises arrivent d’ailleurs déjà avec leur propre solution. Les entreprises Quilicot et Womance ont lancé chacune un programme de rachat de leurs produits en échange de cartes-cadeaux. Club Tissus a commencé à récupérer des fins de lignes des fabricants dans le but de les revaloriser et de les vendre. Le magasin veut aussi reprendre les retailles de ses clients pour les transformer en d’autres textiles.

 

Deux tendances qui se dessinent 

Charles de Brabant, directeur général de l’École Bensadoun de commerce au détail, concède que la pandémie a « accéléré » la transformation du secteur. Toutefois, il situe l’impulsion initiale de cette transformation autour de 2015, lorsque les premiers sites transactionnels ont vu le jour. Depuis, le DG voit deux chemins se dessiner pour une entreprise innovante qui veut « créer de la valeur » autour de sa marque. 

« D’un côté, de grandes entreprises misent sur l’aspect pratique de leur service, dit-il. Pour des joueurs comme Amazon, Walmart et Dollarama, qui vendent des biens essentiels, les coûts et l’efficacité sont très importants. Pour eux, la technologie sert à améliorer l’efficacité de l’ensemble de leurs opérations, incluant la chaîne logistique. » Ajoutons à ces exemples celui d’Altitude Sports, une entreprise de commerce électronique qui a réussi à mettre en place un système de livraison « le jour même » pour les commandes effectuées en ligne dans les marchés qu’elle dessert. 

À l’autre bout du spectre, analyse Charles De Brabant, l’autre manière de se démarquer est de proposer « une expérience ». Dans ce cas, l’éventail des entreprises est beaucoup plus hétérogène. Le DG de l’École Bensadoun donne pour exemples une grande marque comme Apple — pour son Apple Store —, mais également une entreprise « native du Web », comme la lunetterie BonLook, pour son application d’essayage de lunette virtuel.

« Aujourd’hui, la technologie n’est plus un facteur de différenciation, prévient-il. C’est une base pour participer au jeu. » De ce point de départ, les commerçants ont carte blanche pour réinventer la manière de consommer.

 

Ce texte fait partie de notre édition du 20 septembre 2023.