L’intelligence artificielle au service de la surconsommation?
Hugues Foltz|Publié le 06 Décembre 2021On compte aujourd’hui plus de 100 millions d’assistants virtuels dans les maisons des États-Unis et 50% des utilisateurs disent leur parler tous les jours. (Photo: 123RF)
BLOGUE INVITÉ. Nous sommes à l’aube de Noël, une période de rassemblements entre amis et de réunions de famille, qui évoque partage, réjouissance et festivités.
Pour plusieurs, cependant, le temps des fêtes est plutôt synonyme d’achats et de course aux rabais. Si bien qu’il y a maintenant des journées dédiées à cette consommation de masse, et leur nombre ne cesse d’augmenter. On a maintenant le Black Friday, le Cyber Monday, et le Boxing Day, durant lesquels on se rue sur internet pour profiter d’aubaines toutes plus alléchantes les unes que les autres.
D’ailleurs, les ventes en magasin ont drastiquement diminué comparativement à 2019, avant la pandémie. Mais détrompez-vous: notre consommation connaît un essor fulgurant et les ventes en ligne partout dans le monde ont bondi de plus de 45% au cours de la dernière année! Nos boîtes courriel et nos réseaux sociaux sont envahis par des promotions, et peu d’entre nous réussissent à échapper à la tentation.
Vous ne serez peut-être pas surpris d’apprendre que l’intelligence artificielle à un grand rôle à jouer dans cette croissance démesurée des ventes sur internet et également dans cette triste tendance à la surconsommation. Mais comprenez-vous vraiment la technologie derrière cette machine à vendre en ligne? Saisissez-vous l’étendue des mécanismes qui nous poussent à acheter toujours plus? Cet engrenage bien huilé de marketing et de publicités ciblées est uniquement possible grâce aux nombreux algorithmes d’intelligence artificielle qui utilisent nos données personnelles pour nous analyser, nous profiler et ensuite nous proposer du contenu sur mesure!
Le pouvoir de l’IA et des données est extrêmement puissant, et les géants du web l’ont bien compris. Amazon, par exemple, est passé maître dans l’art de prédire nos habitudes de consommation et de tourner la situation à son avantage. Dans un autre article, j’ai déjà abordé l’omniprésence des assistants virtuels dans notre quotidien. Amazon n’y fait pas exception avec «Alexa», qui nous écoute et nous analyse constamment pour comprendre ce que l’on aime et nous proposer du contenu adapté à nos besoins et à nos envies.
On compte aujourd’hui plus de 100 millions d’assistants virtuels de ce genre dans les maisons des États-Unis et 50% des utilisateurs disent leur parler tous les jours. Vous pouvez donc imaginer la quantité de données qui sont recueillies et qui servent à entraîner des algorithmes toujours plus puissants, capables de prédire vos achats et de vous proposer les meilleures publicités pour vous faire consommer…
À (re)lire: Les appareils intelligents ont la cote au Québec
Pour vous donner une idée, au cours de la dernière année, plus de 35% des ventes totales d’Amazon ont été réalisées grâce aux recommandations faites aux acheteurs. Alors, pensez-vous vraiment que nous achetons uniquement ce dont nous avons réellement besoin?
Et c’est loin de s’arrêter là… D’ailleurs, trois nouveaux gadgets ont fait tout récemment leur sortie sur le marché, soit Astro, un robot qui peut vous suivre partout dans la maison, Ring Always Home, un petit drone qui assure la sécurité de votre maison, et Glow, un projecteur interactif pour les enfants. Tous ces objets, munis de caméras et de micros, accumulent toujours plus d’information sur vous et votre famille, et n’hésitent pas à les utiliser.
Voyez-vous venir la suite? En 2013, Amazon a déposé un brevet de «livraison anticipée», qui lui donne la possibilité de vous envoyer des marchandises avant même que vous les ayez achetées ou commandées. Si vous ne les voulez pas, vous n’aurez qu’à en informer Amazon et retourner le paquet. Toutefois, si leur prédiction s’est avérée juste et que vous décidez de le garder, le montant vous sera facturé automatiquement. Le projet est encore embryonnaire, mais pourrait révolutionner le monde de la consommation de demain.
Pourtant, Amazon ne représente qu’une partie de ce vaste écosystème qui est venu ébranler l’industrie du commerce de détail tel que nous le connaissons. Les entreprises en tous genres continuent d’accumuler, d’affiner, et surtout d’utiliser vos données personnelles dans un contexte de prédiction et de vente.
En quelque sorte, nous sommes devenus une partie prenante d’un système bien plus grand que nous. Il est donc plus crucial que jamais de se conscientiser à la puissance de l’intelligence artificielle, pour repenser nos habitudes de consommation, oui, mais également pour trouver des solutions qui peuvent avoir un impact significatif sur la société.
L’IA est certes une technologie magnifique, avec le pouvoir d’accomplir de grandes choses. Si elle est parfois utilisée à mauvais escient, elle peut également être à la base d’avancées technologiques avant-gardistes qui contribuent à la santé de notre planète, comme la diminution des GES et la gestion des déchets. Je vous invite d’ailleurs à lire mon billet de blogue pour Les Affaires du mois de juin dernier. Vous y découvrirez comment l’IA peut avoir un impact positif pour la planète et pour les générations futures, au lieu de n’être qu’une machine à nous faire surconsommer!
Ainsi, je vous propose de profiter du temps des fêtes pour vous ressourcer en famille et entre amis, prendre de la distance avec tous vos gadgets technologiques et vous questionner sur les raisons qui motivent vos achats…
Le contenu de votre panier est-il le fruit de nombreuses recommandations d’un algorithme qui vous connaît trop bien? Pour vous aider à y voir plus clair, pourquoi ne pas vous poser la bonne vieille question de Pierre-Yves McSween: en avez-vous vraiment besoin?