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Ian Gascon

Les FNB démystifiés

Ian Gascon

Expert(e) invité(e)

L’investissement factoriel, trop beau pour être vrai?

Ian Gascon|Édition de la mi‑novembre 2019

L’investissement factoriel, trop beau pour être vrai?

(Photo: 123RF)

Depuis quelques années, les manufacturiers de fonds d’investissement nous bombardent de publicités. Celles-ci déclarent que l’investissement à l’aide de facteurs est une démarche à adopter, que cette démarche de gestion active est de loin préférable à celle de suivre les grands indices de marchés, tels que le S&P 500 et le TSX composite. Qu’en est-il en réalité ?

Tout d’abord, la notion d’investissement factoriel, qui consiste à investir dans un panier de titres qui correspondent à certains critères quantitatifs tels que valeur, momentum, qualité, taille, volatilité minimale, n’est pas nouvelle. En fait, les premiers articles théoriques sur le sujet ont été publiés dans les années 70. Depuis cette époque, il y a eu une multitude de publications et une accélération du rythme de publication depuis 2004. À ce jour, plus de 300 facteurs ont été documentés dans la littérature académique.

Ces dates de publication sont importantes, car elles permettent de déterminer, plus ou moins précisément, les dates à partir desquelles certains facteurs sont devenus connus de plusieurs investisseurs, notamment les investisseurs institutionnels. Les marchés étant relativement efficaces, une fois qu’un facteur montre une capacité à battre les marchés sur une longue période, il n’est pas surprenant que beaucoup de capitaux soient investis dans une stratégie répliquant ce facteur. Le résultat est que la surperformance démontrée historiquement diminue rapidement par rapport aux rendements obtenus à la suite de leur publication.

D’un point de vue théorique, si une anomalie est détectée et que suffisamment de capitaux sont dirigés vers cette anomalie, le rendement futur de ce facteur se rapprochera du rendement du marché. Plus le temps passe, plus la performance excédentaire attribuable à un facteur devrait diminuer. C’est d’ailleurs à ce résultat que Robert Arnott, de la firme Research Affiliates, est arrivé dans une étude publiée plus tôt cette année : à partir de sa date de publication, le rendement excédentaire d’un facteur diminue constamment.

À la recherche d’une solution miracle

Dans toutes ces recherches sur les stratégies avec facteurs, il faut aussi prendre en considération un autre élément. À savoir qu’il est fort possible que certains résultats, parmi les 300 facteurs découverts, puissent sembler statistiquement valides, mais que dans les faits, les résultats sont le fruit du hasard. C’est ce qui arrive lorsqu’on examine trop longtemps et trop souvent les mêmes données, à la recherche d’une solution miracle.

Le constat est donc brutal. Plus il y a de ressources vouées à la recherche de rendements excédentaires, plus le processus de découverte des prix sera efficace. Par conséquent, plus les grands indices de marchés pondérés en fonction de la capitalisation boursière des titres seront difficiles à battre, surtout lorsqu’on tient compte des frais de transaction et des frais de gestion supplémentaires liés à la gestion d’une stratégie active.

Revenons donc à la multitude de produits grand public qui ont été lancés au cours des cinq dernières années et qui sont basés sur des facteurs découverts il y a cinq ans, dix ans, voire plus, soit plusieurs années après que des milliards provenant d’investisseurs institutionnels ont déjà tenté de profiter de ces facteurs. Il est fort probable que la plupart de ces nouveaux fonds ne seront pas en mesure de répéter les rendements historiques qui ont justifié leur mise en marché.

Il est préférable d’être sceptique quant à la capacité des démarches avec facteurs à générer des rendements nettement plus élevés que ceux des grands indices. Il semble évident que les écarts observés dans le passé ne se reproduiront pas à l’avenir. Mieux vaut avoir des attentes réalistes.

L’effet de diversification

Plusieurs stratégies utilisant des facteurs sont vendues comme étant décorrélées aux marchés boursiers, à savoir que leurs rendements n’évolueront pas toujours dans la même direction que les grands indices. Lorsqu’elles sont combinées avec, par exemple, une exposition indicielle au marché, elles permettraient de générer des rendements similaires avec moins de risque, donc de profiter d’une meilleure diversification de portefeuille.

Or, plusieurs études montrent que ces facteurs peuvent réagir de façon inattendue et drastique, amplifiant les pertes au moment où ces stratégies sont censées protéger les portefeuilles. Les deux facteurs s’exposant le plus à ces réactions inattendues sont le momentum et le facteur de liquidité. À titre d’exemple, en avril 2009, la stratégie momentum a subi une correction de 24 %… en un seul mois !