Certaines des entreprises les plus couronnées de succès ont fait leurs débuts en Bourse en tant que microcaps, notamment Walmart. (Photo: 123RF)
EXPERT INVITÉ. Les microcapitalisations, communément appelées «microcaps», sont les plus petites entreprises cotées en Bourse. Au Canada, on qualifie une entreprise de microcap lorsque sa capitalisation se situe sous les 300 millions de dollars (M $).
Bien qu’une importante partie de ce secteur soit composé d’entreprises très immatures et spéculatives, telles que des sociétés d’exploration minière ou des entreprises de biotechnologies sans revenus, on peut également y dénicher des entreprises rentables qui génèrent de la croissance année après année. Certaines des entreprises les plus couronnées de succès ont fait leurs débuts en Bourse en tant que microcaps, notamment Walmart (WMT, 160,92 $US), Netflix (NFLX, 495,02 $US), Apple (AAPL, 185,92 $US) et Berkshire Hathaway (BRK.B, 364,14 $US).
Plusieurs des meilleurs investisseurs que nous connaissons aujourd’hui ont entamé leur carrière en investissant dans les microcaps: Warren Buffett, Peter Lynch et Joel Greenblatt en sont de bons exemples. Qu’est-ce qui a donc attiré de tels investisseurs de renom vers cette catégorie d’actifs à leurs débuts ?
De meilleurs rendements
Premièrement, il a été démontré que la catégorie d’actifs des microcaps est celle qui a historiquement rapporté les meilleurs rendements en Bourse. Ce sont les économistes Eugene Fama et Kenneth French qui ont établi, au début des années 1990, grâce à leur modèle à trois facteurs, qu’il existe une prime de rendement lorsqu’on investit dans les entreprises de petite capitalisation.
Depuis, de multiples recherches ont confirmé la performance supérieure à long terme de cette sous-catégorie d’actions. Par exemple, selon un rapport de recherche de Perritt Capital, un investisseur ayant un horizon à long terme aurait obtenu le meilleur rendement possible dans les microcaps pour n’importe quelle période de 20 ans entre 1926 et 2017.
Pour l’investisseur actif qui cherche des aubaines, les microcaps représentent un terreau fertile en raison des nombreuses inefficiences qu’il est possible d’y trouver. Comme ce sont de très petites entreprises, il est structurellement impensable pour les grands gestionnaires d’actifs d’y déployer d’importantes sommes de capital. Le petit investisseur de détail ou le gestionnaire de portefeuille émergent reste donc à l’abri de la plupart des professionnels de la finance.
Bien que les microcaps aient historiquement offert des rendements plus intéressants que les grandes capitalisations sur des périodes à très long terme, celles-ci connaissent tout de même à l’occasion des périodes sévères de sousperformance. Nous nous trouvons présentement dans l’une de celles-ci.
Si on regarde du côté du marché américain, les petites capitalisations (représentées par l’indice Russell 2000) ont sous-performé par rapport aux grandes capitalisations (indice Russell 1000) lors de neuf des dix dernières années, dont les sept dernières consécutives. Cette sousperformance crée un écart de valorisation grandissant. Au cours de cette période, les valorisations des petites capitalisations américaines n’ont jamais été aussi attrayantes qu’en ce moment, relativement aux grandes capitalisations.
Certaines sources avancent même que l’écart actuel se situe aux mêmes niveaux que lors de la bulle technologique du début des années 2000. Que s’était-il passé lors de l’éclatement de cette bulle ? Vous l’aurez probablement deviné:les petites capitalisations ont connu une surperformance importante pendant les cinq années suivantes.
Concentration élevée en techno
Un autre élément intéressant à considérer présentement est la concentration extrêmement élevée des indices dans les grandes entreprises technologiques, celles que plusieurs surnomment les sept magnifiques:Apple, Microsoft (MSFT, 388,47 $US), Amazon (AMZN, 154,62 $US), Alphabet (GOOGL, 142,65 $US), Meta Platforms (374,49 $US), Tesla (TSLA, 218,89 $US) et Nvidia (NVDA, 547,10 $US).
Deux professeurs de l’Université de Rotterdam se sont récemment penchés sur la concentration du marché boursier américain et de son effet sur l’écart de rendements entre les petites et grandes capitalisations. Leur étude, publiée en octobre 2023, indique qu’il faut remonter au début des années 1970 pour trouver un marché américain aussi concentré dans une poignée de grandes entreprises que ce que nous voyons actuellement.
Un niveau de concentration élevé a pour effet de réduire le capital alloué aux petites entreprises, et donc de rendre leurs valorisations plus attrayantes. Évidemment, lorsque les valorisations sont attrayantes, les rendements potentiels sont alors plus élevés dans l’avenir.
Il est cependant impossible de garantir que la sous-performance des sept dernières années ne va pas se poursuivre pour les petites capitalisations. Une avenue potentielle pour réaliser la pleine valeur de ces titres sous-évalués se trouve du côté des acquisitions. Au cours des derniers mois, nous avons vu une hausse marquée du nombre de transactions dans le secteur des microcaps canadiennes. Les sociétés de capital-investissement américaines ont notamment été très actives dans le marché québécois en procédant entre autres aux acquisitions de H2O Innovation, Logistec et OpSens, offrant au passage des primes substantielles aux actionnaires de ces entreprises.
Si les investisseurs boursiers ne reconnaissent pas les excellentes occasions qu’ils ont sous le nez, d’autres entités vont s’en charger et en tirer avantage. Les investisseurs canadiens pourraient profiter d’une vague d’acquisitions et de privatisations, gracieuseté de nos voisins du Sud. Bien que les micros et les petites capitalisations se négocient actuellement à des valorisations attrayantes, autant en absolu qu’en comparaison aux grandes capitalisations, il reste difficile de déterminer à quel moment nous verrons un renversement de tendance. C’est pourquoi nous continuons de privilégier une construction de portefeuille bien diversifiée.
Cela dit, les microcaps représentent selon nous un ajout fort intéressant à un portefeuille autant pour ses avantages de diversification que pour les rendements élevés que la catégorie d’actifs pourrait offrir au cours des années à venir.