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L’OMS s’attaque à la désinformation

Karl Moore|Publié le 01 septembre 2020

L’OMS s’attaque à la désinformation

Dre Rosamund Lewis, médecin de santé publique formée à l’Université McGill, est à la tête du module consacré aux sciences de la santé du groupe de gestion de l’infodémie. (Photo: courtoisie)

BLOGUE INVITÉ. L’idée d’une gestion de l’infodémie circulait au sein de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) bien avant le début de la pandémie de COVID-19. Lorsque la quantité d’informations — à la fois correctes et fausses — sur le nouveau coronavirus a commencé à augmenter rapidement en janvier, le groupe de gestion de l’infodémie est devenu immédiatement opérationnel.

Une infodémie désigne une prolifération incontrôlable d’informations, telle qu’il est difficile d’identifier les faits réels et les solutions. Dans notre infodémie actuelle, les mythes, les théories du complot, les escroqueries, les épidémiologistes amateurs et les savants munis d’un compte Twitter abondent en ligne et dans les médias.

« Nous ne combattons pas seulement une épidémie, nous combattons une infodémie, a averti le directeur général de l’OMS dans un discours devant le Conseil de sécurité de Munich le 15 février 2020. Les fausses nouvelles se répandent plus vite et plus facilement que ce virus, et elles sont tout aussi dangereuses. »

La création du groupe de gestion de l’infodémie marque la première fois que l’OMS aborde le phénomène de la désinformation au niveau mondial pendant une épidémie en cours. L’équipe contribu au contenu informationnel diffusé sur diverses plateformes en collaborant à des projets qui comprennent de courtes animations et vidéos, des questions-réponses, des démythificateurs, des carreaux pour les médias sociaux et des interviews en direct sur Facebook, Twitter, TikTok et LinkedIn. L’OMS est en liaison avec les sites de recherche et les réseaux sociaux comme Facebook, Google, Twitter, Tencent, TikTok et YouTube afin de filtrer les informations erronées sur les plateformes et de fournir des informations précises grâce à des outils innovants tels que des chatbots et des jeux-questionnaires. Les responsables de l’infodémie offrent également leur soutien aux pays membres et à la société civile au niveau local et par le biais de partenariats avec d’autres agences des Nations Unies et des organisations non gouvernementales.

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Dre Rosamund Lewis, médecin de santé publique formée à l’Université McGill, est à la tête du module consacré aux sciences de la santé du groupe de gestion de l’infodémie dans le cadre de la réponse de l’OMS à la COVID-19. Elle dirige une équipe d’épidémiologistes, de scientifiques et de cliniciens qui aident à interpréter les données scientifiques sur ce nouveau virus et la maladie infectieuse qu’il provoque que les spécialistes de la communication des risques transforment ensuite en messages pour informer la population mondiale.

Face à la prolifération et à l’évolution des connaissances sur le coronavirus, l’équipe du Dre Lewis est confrontée à un barrage d’informations à traiter. Des milliers de nouvelles publications paraissent chaque jour. Dans son analyse de ces informations, elle essaie avant tout de déceler si une étude révèle quelque chose d’encore inconnu sur le nouveau coronavirus et la maladie, et quel impact cela peut avoir sur les communications et les mesures de santé publique.

« Nous avons construit ce récit de la pandémie dans nos esprits et dans les médias, explique Dre Lewis. C’est une infection respiratoire qui se propage par gouttelettes. Il faut se laver les mains. Il faut couvrir sa toux. Il ne faut pas se toucher le visage. Il faut garder ses distances. Pour aider les communicateurs à élaborer leurs messages, je veux savoir si les informations scientifiques confirment ce que nous savons déjà et donc si nous pouvons continuer avec les mêmes messages, ou si elles nous apprennent quelque chose de nouveau et si nous devrions modifier nos messages ou changer l’accent. »

L’approche du Dre Lewis sous-entend que les connaissances sur le nouveau coronavirus, aujourd’hui appelé SARS-CoV-2, évoluent avec le temps. Au début de l’année, les scientifiques se sont précipités pour comprendre le virus, mais ils disposaient de peu d’informations et de comparateurs avec lesquels travailler. Au fil du temps, ils ont pu rassembler davantage de connaissances et dresser un tableau plus complet.

S’il est rare que les spécialistes et les responsables de la santé publique aient besoin de se rétracter complètement, ils peuvent utiliser ces connaissances agrégées pour peaufiner les messages et les produits d’information autour de comportements comme le port du masque, qui est désormais considéré comme une mesure préventive clé. Pour garantir le respect des mesures de santé publique, il est essentiel de maintenir un dialogue ouvert avec le public et de comprendre leurs préoccupations.

À mesure que la pandémie évolue et que la complexité de la situation s’accroît, ce dialogue ouvert devient encore plus important. Les autorités sanitaires et les citoyens souhaitent disposer d’informations de plus en plus précises sur un large éventail de sujets. Par exemple, à l’heure actuelle, l’effet du virus sur les enfants et son comportement dans les écoles sont au premier plan pour beaucoup. Quand il n’y a pas de consensus sur les preuves scientifiques, une approche qui conjugue la santé publique et la gestion des risques devient d’autant plus importante.

« Vous devez rassurer le public en lui disant : “Voici ce que nous savons actuellement, voici ce que nous pouvons faire à partir de ce que nous savons, et voici ce que nous ne savons pas encore”, explique Dre Lewis. De cette manière les gens ont le sentiment que vous communiquez de manière transparente et honnête. L’ingrédient important est la confiance. »

Utiliser le bon ton

C’est pourquoi le groupe de gestion de l’infodémie de l’OMS gère également sa propre série de webinaires qui tisse des liens directement avec des secteurs spécifiques tels que le tourisme, les affaires et le commerce, ainsi qu’avec des dirigeants dont les organisateurs d’événements sportifs à haute visibilité, les chefs religieux et les groupes de jeunes. L’OMS les invite à devenir les co-créateurs d’informations pertinentes, précises et fiables avec lesquelles ils peuvent atteindre plusieurs millions de personnes à travers leurs propres réseaux mondiaux.

La dissimulation des inconnus liés à la pandémie actuelle peut briser la confiance que le groupe de gestion de l’infodémie cultive et encourage avec tant de soin et, en fin de compte, nuire aux efforts visant à freiner la propagation et l’assimilation de la désinformation.

« Lorsque l’on semble faire marche arrière ou changer d’avis, cela génère une perte de confiance, dit Dre Lewis. Et quand on perd la confiance du public, c’est difficile de la regagner. Mais cela crée également un terrain fertile pour que les gens puissent proposer et adopter leurs propres explications. »

Dre Lewis voit ce comportement chez un certain nombre de dirigeants mondiaux, même ceux qui sont bien intentionnés en voulant rassurer leur population sur le fait que tout ira bien. Les dirigeants qui parlent avec clarté, empathie et compassion peuvent aider à réguler les attentes et, avec un peu de chance, même apporter un réconfort à ceux qui souffrent.

« Les gens ne sont pas uniquement motivés par les faits, fait remarquer Dre Lewis. La plupart d’entre nous sont motivés par la peur et l’amour, et par toutes sortes de facteurs différents. Et lorsqu’il y a beaucoup de récits contradictoires à notre disposition, il est facile de choisir celui qui va expliquer notre douleur. »

Dre Lewis se sent dynamisée par l’approche collaborative et multidisciplinaire qu’exige la nouvelle matière qu’est l’infodémiologie. Tout au long de sa carrière, qui l’a également amenée à travailler pour l’Agence de la santé publique du Canada et l’Alliance Globale pour les Vaccins et l’Immunisation, ainsi qu’à passer de longues périodes en Afrique et dans d’autres régions à faibles ressources, elle a toujours considéré qu’il était utile de jouer un rôle de premier plan en reliant des disciplines disparates, ce qui permet de combler le fossé entre les différentes pratiques.

Le fait que des experts issus de divers domaines scientifiques et académiques se joignent aux pratiquants de la santé publique pour faire face à ces enjeux est source d’espoir pour nous tous. La première conférence de l’OMS sur l’infodémiologie, qui s’est tenue entre le 30 juin et le 16 juillet, a permis de dégager un certain nombre de nouvelles idées qui guideront la réponse à l’infodémie dans l’avenir.

Par exemple, une analyse de réseaux des opinions sur la vaccination exprimées sur les médias sociaux a révélé que ceux qui se sentent indécis à propos de la vaccination ont des liens plus proches avec ceux qui ne soutiennent pas la vaccination qu’avec ceux qui la défendent. Ce constat important aidera les autorités sanitaires à trouver des moyens de répondre aux préoccupations et de partager avec la population mondiale les informations sur les avantages de la vaccination contre la COVID-19.

« Le virus et les informations à son sujet se sont répandus très rapidement, dit Dre Lewis. Mais le fait que les gens collaborent et essaient de trouver comment répondre à cette épidémie de fausses informations est passionnant. Et ce n’est que le début de ce parcours. »

 

Karl Moore et Marie Labrosse. Karl est professeur agrégé à la Faculté de gestion Desautels et Marie est étudiante à la maîtrise en littérature anglaise, tous deux à l’Université McGill.