(Photo: Dimon Blr/ Unsplash)
BLOGUE INVITÉ. En lisant la nouvelle hier, j’étais choqué, surpris, déçu. Louis Garneau se protège de ses créanciers. Comme toute annonce de cette envergure, il faut toujours prendre un pas de recul et attendre quelques heures afin de laisser la tempête émotionnelle passer. Chaque fois que je vois un entrepreneur vivre des difficultés, j’ai, moi aussi, un peu mal. Quoique le monde des affaires soit sauvage, les liens qui nous unissent tous sont plus forts que tout. Seul un entrepreneur peut comprendre ce qu’un autre entrepreneur peut vivre comme émotions en ces moments difficiles. Seul un entrepreneur peut comprendre à quel point on sacrifie volontairement toute notre vie pour une seule et unique raison : notre entreprise.
Ce matin, en discutant avec Anik, notre directrice marketing, j’ai réalisé que pour beaucoup de Québécois, Louis Garneau ce n’est pas juste un athlète olympique, un entrepreneur ou une entreprise. Louis Garneau, c’est surtout des souvenirs d’enfance pour des dizaines de milliers d’enfants, mes filles les premières. C’est avec Louis Garneau qu’on a appris à faire du vélo. Qui ne se souvient pas de son premier casque que notre père ou notre mère nous a acheté avec de belles couleurs et des dessins d’animaux dessus ?
Pour mes parents, surtout pour mon père qui est un maniaque de cyclisme, Louis Garneau c’est surtout un grand athlète, champion canadien puis olympien. Si aujourd’hui des milliers de Québécois pratiquent ce sport d’une manière quasi professionnelle, si on a la chance d’avoir deux courses du World Tour – à Montréal et à Québec- regroupant les plus grands cyclistes de la planète, si on est fier de hurler les noms en bord de route pendant les courses de David Veilleux, Antoine Duchesne ou de Hugo Houle, les trois seuls Québécois à avoir participé au mythique Tour de France, c’est beaucoup grâce à Louis Garneau.
Aujourd’hui, Louis Garneau fait face au plus grand défi de sa vie, à sa course la plus importante. Pas une seule journée ne passe sans que l’on puisse observer à quel point le commerce au détail vit un profond bouleversement. En tant que manufacturier, Louis Garneau et des milliers d’autres entreprises du Québec doivent faire face à une avalanche de défis. Concurrence des produits de Chine, du Bangladesh, du Pakistan et d’une myriade d’autres pays qui, soyons francs, exploite leur propre citoyen dans des usines à la limite du travail forcé. Ils doivent faire face à la pénurie de main d’œuvre, à la compétition du web, aux investissements titanesques qui doivent être faits afin d’avoir un réel « pouvoir » numérique et aux problèmes que les détaillants qui vendent leurs produits font face.
De l’extérieur, Louis Garneau a pourtant bien fait au fil des dernières années. Diversification, investissement, innovation, personnalisation et j’en passe. De l’intérieur, je ne pourrais m’avancer. Cependant, de ce que je comprends, c’est principalement en raison de la fermeture de deux de ses plus grands clients, l’un en Angleterre et l’autre aux États-Unis que l’entreprise s’est retrouvée dans une situation précaire.
La prochaine guerre mondiale sera économique. Quoi de mieux afin d’affaiblir une ville, une région, une province ou un pays que de l’appauvrir ? Ce matin j’ai de la peine, mais j’ai aussi une rage à l’intérieur de moi. Nous n’aurions rien pu faire afin d’empêcher ses détaillants étrangers de mettre la clé sous la porte et d’affaiblir Louis Garneau, mais nous avons l’ultime pouvoir de le faire renaître.
Depuis des années je me bats afin de promouvoir l’achat local. Depuis des années je répète sur toutes les tribunes qu’acheter un produit d’ici c’est un investissement, acheter un produit d’ailleurs c’est une dépense. Je ne lance la pierre à personne, moi le premier, pour mille et une mauvaises raisons, je succombe à acheter parfois des produits qui ne viennent pas d’ici.
L’ultime pouvoir n’est pas dans les urnes électorales, l’ultime pouvoir il est dans nos poches. Bien que ce soit important de voter, réfléchir avant de consommer l’est encore plus.
Impossible de dire si Louis Garneau ne se serait pas retrouvé dans cette situation si les dizaines de milliers de Québécois qui s’achètent un vélo, un casque ou des gants chaque année optaient pour ses produits ou ceux de ses compétiteurs québécois, au lieu des produits de géants mondiaux beaux, bons, pas chers, mais une chose est certaine, il aurait été dans une meilleure situation qu’aujourd’hui.
Une fois de plus, nous vivons cette difficile épreuve de voir l’un des nôtres faire face à l’adversité. Louis Garneau a maintes fois prouvé qu’il avait tout pour réussir. Grâce à lui, une génération entière pédale avec confiance. Maintenant c’est à nous de lui donner un coup de main.
Pour ma part, d’ici quelques jours, je vais aller sur son site web et acheter un casque de vélo pour ma plus jeune fille qui en avait justement besoin. Soyons fier de consommer local, soyons fier de nos entrepreneurs, soyons fier de faire rouler notre propre économie avant celle des autres!