Demander «comment vas-tu?» ne sera pas suffisant. (Photo:123RF)
EXPERTE INVITÉE. Katherine croise Florence dans un corridor et lui demande machinalement comment elle va. Florence répond (encore) qu’elle est bien fatiguée. Ce n’est pas surprenant ; hier elle était épuisée à cause d’un manque de sommeil. Aujourd’hui, elle vous explique qu’elle n’a pas d’énergie. Parfois, elle ne parvient pas à justifier son état.
Katherine est une joueuse d’équipe. Elle apprécie sa gang et souhaite sincèrement collaborer efficacement avec tous ses collègues. Au début, elle faisait la sourde oreille aux commentaires réplétifs de fatigue de Florence, puis ça a commencé à influencer sa façon de travailler avec elle.
Depuis quelques mois, elle ne lui demande plus de services. Cette semaine, elle s’est surprise à faire une partie du travail qui ne lui revient normalement pas pour éviter de créer une charge de travail supplémentaire à sa collègue de peur de la fatiguer davantage.
Katherine se demande si c’est normal. Devrait-elle parler avec son patron de l’incidence de la perpétuelle fatigue de Florence sur son travail? Florence pourrait-elle avoir besoin d’aider?
Du chialage aux enjeux de santé: quand se soucier de la fatigue d’un collègue?
Pas facile de déterminer si les commentaires incessants de Florence émanent d’habitude de communication (c’est devenu un sujet de discussion facile), du chialage (qui permet d’attirer l’attention inconsciemment sur elle) ou d’un enjeu de santé.
Il est normal de ressentir de la fatigue après une activité physique intense ou une période de concentration soutenue. Comme le rappelle ce papier du magazine français Santé, la fatigue devient problématique lorsque le phénomène devient chronique, envahissant ou qu’il affecte la qualité de vie. Cela se produit lorsque les périodes de récupérations normales (pauses, nuit de sommeil, fins de semaine, vacances) ne suffisent plus pour retrouver la pêche.
Patrons et collègues de travailleurs éternellement fatigués, il serait intéressant d’avoir une discussion avec la personne épuisée à propos de son niveau d’énergie.
- Qu’est-ce qu’elle veut vraiment dire? Des enjeux linguistiques peuvent brouiller les faits, certains confondent ennui et fatigue. On croit alors à tort que «je suis fatiguée de faire cette tâche» signifie «je suis tannée de faire cette tâche».
- Qu’est-ce qu’elle ressent concrètement?
- Pourquoi sent-elle le besoin de nous partager son niveau d’énergie? Le fait-elle consciemment?
- Quelles incidences souhaite-t-elle que ces propos aient sur l’équipe (ou réalise-t-elle qu’ils ont des impacts sur son équipe de travail?)
- Quelles conséquences sa fatigue a-t-elle sur son travail ou sa vie? Tendez l’oreille ; soyez attentif à des réponses impliquant des troubles de concentration, des erreurs fréquentes, des manifestations physiques telles que la perte ou le gain d’appétit.
Après, que fait-on?
Une fatigue perpétuelle résistante aux périodes de pauses est anormale et peut mener à des enjeux de santé. Recommander de consulter un spécialiste est donc avisé. Il reste que pour l’équipe, il est intéressant de démystifier si c’est le résultat du mode de vie de l’employé ou des pratiques d’affaires de l’entreprise ou de l’équipe.
Ce n’est pas un hasard que dans l’introduction, Florence peine à dormir. Selon des chercheurs de l’Université Montréal, près de 50% des gens se disent victimes de troubles du sommeil. Voici de premières pistes qu’une personne boudée par Morphée peut explorer pour rétablir son cycle :
- Se coucher à des heures régulières.
- S’exposer à la lumière le jour et l’obscurité la nuit (réguler les hormones d’éveil et de sommeil).
- Se lever en cas d’épisodes d’insomnie.
- Éviter l’exposition aux écrans bleus avant d’aller au lit (tablette, cellulaire, ordinateur). Favoriser les lumières rouges.
- Éviter les produits énergisants avant de dormir, comme l’alcool.
- Bien manger, s’hydrater et faire de l’exercice.
Si la réalité professionnelle est en cause, il est alors d’autant plus pertinent de se demander ce qui génère spécifiquement cette fatigue. On identifie généralement quatre sources à la fatigue professionnelle: la fatigue physique, la fatigue cérébrale, la fatigue numérique ou la fatigue de compassion.
Le Centre canadien d’hygiène et de sécurité au travail (CCHST) vient de mettre à jour ses recommandations aux employeurs pour réduire la fatigue au travail. Voici quelques idées :
- Varier les tâches.
- Imposer le respect des périodes de récupération (s’assurer que les employés prennent leurs pauses).
- Réduire la chaleur indésirable.
- Améliorer l’éclairage des endroits obscurs.
Autre piste, l’Institut national de santé publique du Québec propose un guide pour réduire les risques psychiques. Voici deux exemples (sur six) de risques psychosociaux qui pourraient causer de la fatigue et être corrigés.
- Évaluer la charge (ou surcharge) de travail : naturellement, vos pensées vont vers les tâches de l’employé et le temps imparti pour les réaliser. Il faut aussi s’intéresser à ce qui le dérange, comme qui sont les individus qui l’interpelle pour lui assigner du travail, quels sont les changements en cours qui influent ses méthodes de travail et quels sont les imprévus auxquels il fait face. La charge de travail est-elle adéquatement évaluée?
- Cerner l’impact de l’information et des communications : une surcharge d’information nuit à l’efficacité de l’emploi et peut contribuer à une lourde charge mentale.
Demander «comment vas-tu?» ne sera pas suffisant pour déterminer si un collègue fatigué a besoin d’aide. Gardons en tête que les enjeux de fatigue peuvent être une problématique dormante dans l’organisation. Il est important de s’éveiller au fait que parler de fatigue n’est pas que du chialage ; ça peut être une façon de prévenir des problèmes de santé (et des absences prolongées).