«Aujourd’hui, pour chaque personne qui part à la retraite, le Québec compte seulement sur 11 jeunes travailleurs sous la barre des 25 ans pour les remplacer, comparativement à 26 au début des années 1990.» (Photo: 123RF)
EXPERT INVITÉ. La pénurie de main-d’œuvre, on le sait, sévit aux quatre coins du Québec. Le manque de soudeurs, de camionneurs, de programmeurs, d’employés de la construction ou encore de personnel dans les restaurants et dans d’autres commerces de détail nuit à de nombreuses entreprises qui peinent à recruter et qui ont multiplié les affiches «Nous embauchons» sur les façades de leur bâtiment.
Et un peu partout au Québec, les entrepreneurs et dirigeants que je rencontre se demandent tous où sont donc passés les travailleurs, en pensant du même coup que la pandémie a amené ces derniers à revoir leurs priorités et à quitter leur emploi pour rester confortablement à la maison au lieu d’aller travailler. Or, rien n’est plus faux.
À preuve: l’emploi a connu une hausse significative et il y a 113 000 personnes de plus qui travaillent aujourd’hui au Québec par rapport à il y a un an. S’il est encore si difficile de recruter du personnel, c’est que l’économie a progressé fortement depuis deux ans, comme en témoigne le taux de chômage qui oscille autour de 4% depuis plusieurs mois déjà.
Le problème, c’est que l’emploi augmente plus rapidement que la population active. De plus, vieillissement de la population oblige, on voit de plus en plus de Québécois prendre leur retraite. Quelque 56 000 personnes ont ainsi quitté le marché du travail depuis un an. Aujourd’hui, pour chaque personne qui part à la retraite, le Québec compte seulement sur 11 jeunes travailleurs sous la barre des 25 ans pour les remplacer, comparativement à 26 au début des années 1990. Le bassin d’employés a donc largement diminué depuis 30 ans.
Les solutions
La pénurie de main-d’œuvre n’est donc pas près de se résorber. Elle devrait même s’amplifier alors qu’un travailleur sur cinq prendra sa retraite au cours des dix prochaines années. Le recrutement deviendra non seulement de plus en plus difficile, mais aussi plus coûteux comme le démontrent les hausses de salaire octroyées aux employés ces dernières années.
Il n’y a pas de remèdes miracles au problème, mais une combinaison de solutions, comme le recours à de nouvelles technologies et à l’automatisation qui s’avère plus pertinent que jamais dans le contexte économique actuel de manque de travailleurs. Le mouvement est déjà amorcé et il faut s’attendre à ce qu’un nombre croissant d’entreprises, tant dans le domaine manufacturier que commercial, prennent ce virage pour combler leur besoin de main-d’œuvre. Il ne s’agit pas là de remplacer des employés, mais surtout des tâches qui sont souvent routinières ou dangereuses pour la santé et la sécurité des travailleurs.
Cette solution est d’autant plus intéressante que les entreprises qui placent l’amélioration de la productivité au cœur de leurs processus d’affaires s’en sortent beaucoup mieux que les autres. Les 10% de PME canadiennes les plus productives génèrent six fois plus de ventes et cinq fois plus de bénéfices que les autres, indique une étude menée récemment auprès de 1000 PME au pays par BDC.
L’immigration est un autre atout dans la manche des entreprises. L’afflux de nouveaux arrivants et de travailleurs étrangers ne règle pas tous les problèmes de main-d’œuvre, mais contribue à atténuer les pressions sur le marché du travail.
Si de nombreuses personnes ont quitté leur emploi depuis le début de la pandémie, c’était la plupart du temps pour améliorer leurs conditions en allant travailler ailleurs, voire dans d’autres secteurs d’activité. Et non pas pour rester tranquillement à la maison, quoi qu’on en pense.