(Photo: Denis Lalonde)
BLOGUE INVITÉ. Depuis plusieurs mois, voire quelques années, l’univers du taxi est au centre d’un profond bouleversement, et ce pour une raison fort simple: mis à part quelques détails, le taxi traditionnel n’a pas évolué depuis plusieurs décennies.
D’un côté, les nouveaux services de «co-voiturage» essaient, à coup de milliards de dollars, de réinventer cette industrie moribonde. De l’autre, des entreprises, comme feu-Téo, essaient de rivaliser en inventant de nouveaux modèles d’affaires hybrides.
Nous assistons aujourd’hui à l’explosion d’un modèle qui a tristement été mis en place par les autorités publiques. Comment avons-nous pu autoriser une telle spéculation sur la valeur des permis de taxi? Pourquoi avons-nous accepté qu’une telle inflation s’installe année après année?
En interrogeant les personnes autour de moi, je réalise que rares sont ceux qui soient solidaires envers la cause. Bien que la plupart reconnaissent qu’il s’agit d’une situation bien triste, tous, incluant moi, disent qu’ils avaient vu venir la crise à vitesse grand V.
À l’heure de la technologie, de l’efficacité et surtout du service personnalisé, la majorité des chauffeurs de taxi n’ont pas vu le train passer. Des entreprises telles Über où Lyft se sont emparées de clients en mal d’amour.
La promesse était alléchante. Terminé, la voiture avec 400 000 km au compteur, les problèmes d’entretien, de propreté ou d’odeur, les fils et les terminaux de paiements offerts du bout du bras avec un soupir… Terminé, l’attente interminable, les discussions (avec une oreillette) interminables avec «je-ne sais-qui» à l’autre bout du fil… Les nouveaux modèles d’affaires semblaient prometteurs.
Malheureusement, nous sommes passés d’un extrême à un autre. Au lieu de réinventer une industrie, les «taxitech» comme je les appelle n’ont fait qu’ajouter d’autres problèmes. Non-respect des lois, chauffeurs non qualifiés, gestion obscure, graves problèmes criminels de harcèlement, de vols et j’en passe.
Et que dire de leur modèle financier. Savez-vous qu’Über a perdu près de 2,5 milliards de dollars américains (G$US) seulement en 2018, tandis que son concurrent Lyft, près de 1,4G$US? Savez-vous que même si la spéculation des marchés leur donne des valeurs pharaoniques en Bourse, les jours de rentabilité sont encore loin selon leurs propres propos?
Pouvons-nous donc vraiment les considérer comme le futur du taxi connaissant leur avenir aussi précaire?
Le grand perdant dans toute cette histoire est Alexandre Taillefer. L’idée de Téo était, à mes yeux, idéale. Des voitures écologiques et propres, une image de marque forte (me faisant penser aux taxis jaunes de New York), des chauffeurs courtois, une technologie de réservation digne de l’ère technologique dans laquelle on vit et, surtout, un réel désir de réinventer le modèle.
Cependant, avec la réalité climatique du Québec qui réduit grandement l’efficacité des voitures électriques, avec le souhait d’offrir un salaire minimum à 15$ de l’heure aux chauffeurs (même quand le taxi ne roulait pas), avec la réglementation ultra rigide tant à la tarification qu’au nombre de taxis disponibles, sans oublier l’impossibilité de trouver un financement adéquat, Téo ne fut qu’un mirage.
Quel est donc l’avenir du taxi? Allons-nous devoir abdiquer et accepter de se soumettre au dictat des taxitech américaines, voir une industrie traditionnelle au bord du gouffre se réinventer ou espérer voir naître un nouveau modèle révolutionnaire qui viendrait nous redonner le goût de prendre le taxi? Seul l’avenir nous le dira, mais j’ai l’impression, comme dans n’importe quel chaos, qu’il faut y voir superbe occasion d’affaires!