Manifestations antivaccins: l’heure n’est pas au triomphalisme
La Presse Canadienne|Publié le 24 septembre 2021«Oui, protéger nos enfants, le personnel ou des personnes vulnérables, c’est quelque chose qu’il faut absolument faire». (Photo: La Presse Canadienne)
QUÉBEC — Faut-il claironner sa fierté d’avoir interdit toute manifestation en lien avec la COVID-19 à moins de 50 mètres de milliers d’établissements au Québec? Le député Andrés Fontecilla, de Québec solidaire, ne le croit pas.
«De là à dire que c’est une journée glorieuse pour la démocratie québécoise parce qu’on restreint un droit fondamental, je n’irai pas jusque-là», a-t-il déclaré en entrevue à La Presse Canadienne, vendredi.
Il est revenu sur la journée de jeudi, qualifiée de «grandiose» par la ministre de la Sécurité publique, Geneviève Guilbault, au moment de faire adopter à toute vapeur et à l’unanimité son projet de loi 105.
La nouvelle loi éloigne temporairement les manifestants antivaccins des garderies, des écoles, des cégeps et de tous les établissements de santé et de services sociaux, y compris les cliniques de dépistage et de vaccination.
Elle permet également aux policiers d’imposer des amendes salées à quiconque organise, incite à organiser ou participe à une manifestation anti-mesures sanitaires dans un périmètre de 50 mètres de ces lieux.
«Il y a eu une surenchère sécuritaire et punitive, surtout de la part du Parti libéral, qui appelait même à mettre les gens en prison, à poursuivre les gens par tous les moyens sur les réseaux sociaux», déplore M. Fontecilla.
«Oui, protéger nos enfants, le personnel ou des personnes vulnérables, c’est quelque chose qu’il faut absolument faire, mais il y a une sorte de triomphalisme qui se manifestait.
«Il fallait être plus sobre dans les réactions, et non pas manifester une joie absolue, estime-t-il. À les entendre, on dirait que c’était une journée fantastique. En tout cas, ce n’était pas mon sentiment.»
Débats internes à QS
M. Fontecilla l’admet sans détour: le projet de loi 105 a suscité des discussions animées au sein de son propre parti, dès l’instant où le premier ministre François Legault a annoncé son intention de légiférer.
C’est que la nouvelle loi ratisse large; ainsi, des parents mécontents qui voudraient manifester contre la piètre qualité de l’air dans les écoles ne pourraient le faire qu’à plus de 50 mètres d’un établissement visé.
La qualité de l’air fait l’objet d’une recommandation de la Santé publique qui est en lien avec la pandémie, a expliqué le gouvernement, jeudi.
Québec solidaire aurait voulu que la loi encadre uniquement les manifestations qui visent à dissuader une personne de se faire vacciner contre la COVID-19 ou de respecter les mesures sanitaires.
«Est-ce qu’on a agi trop rapidement? s’interroge M. Fontecilla. Ça va être à l’Histoire de le dire. Je pense qu’on aurait pu discuter plus longuement de certains éléments de cette loi-là qui portent à interprétation.»
Il reconnaît toutefois qu’il y avait «urgence d’agir» pour empêcher que des enfants, notamment, se fassent intimider par des complotistes sur l’heure du midi.
Par ailleurs, Andrés Fontecilla se dit «fâché» qu’on ait inclus dans la loi les cégeps, des endroits où mineurs et majeurs se côtoient, mais que désormais on «infantilise» de façon «paternaliste».
«Pour nous, c’est inacceptable, dit-il. Ça concerne des jeunes qui sont parfaitement capables d’être exposés à un débat politique et prendre des décisions éclairées.
«On a eu des discussions assez franches entre tous les députés (du caucus) et les instances du parti», admet-il.
«Personne n’était en désaccord avec le principe de protéger les élèves et le personnel. On a discuté beaucoup des meilleurs moyens de l’atteindre.
«Des discussions, il y en a eu. Je crois que nos membres vont comprendre les contraintes dans lesquelles nous nous trouvions et vont considérer que nous avons pris la bonne décision», a-t-il ajouté.
Mesures «autoritaires»
Le député de Laurier-Dorion se demande toutefois si la nouvelle loi ne risque pas d’attiser la colère et les «réactions excessives» d’une frange de la population «éjectée complètement en dehors du débat politique».
«Il revient au gouvernement d’établir un climat de dialogue social, et non pas seulement de se réfugier sous les mesures autoritaires et coercitives afin de contrôler ces débordements-là», plaide-t-il.
Tous les partis représentés à l’Assemblée nationale ont voté pour le projet de loi 105. La députée indépendante Claire Samson, qui a rejoint le Parti conservateur du Québec, s’est quant à elle abstenue de voter.