Martine Lapointe est directrice générale du bureau montréalais d’Accenture. Elle s’est jointe à l’équipe d’Accenture en l’an 2000 et possède plus de 20 ans d’expérience en technologie et dans la gestion des comptes client. (Photo: courtoisie)
Q&R. Accenture a récemment procédé à la mise à jour de son document Technology Vision 2020, écrit en début d’année, estimant que la pandémie de COVID-19 a accéléré certaines tendances. Cette mise à jour laisse notamment entendre que l’adoption de robots par les entreprises est une tendance lourde qui est là pour de bon. Mais est-ce un brin trop alarmiste ? Les Affaires en discute avec Martine Lapointe, directrice générale du bureau montréalais d’Accenture.
Les Affaires – Tout d’abord, pourquoi avoir fait une mise à jour de votre document moins de six mois après sa diffusion ?
Martine Lapointe – Notre vision technologique est habituellement valide pour trois ans, mais cette année, nous avons réalisé que certaines tendances ont été accélérées en raison de la pandémie. Nous avons donc décidé d’émettre une nouvelle version.
L.A. – Dans ce rapport, vous mettez beaucoup l’accent sur les robots, qui prennent de plus en plus de place dans les lieux de travail. Est-ce que la main-d’oeuvre «humaine» va retrouver sa place une fois la pandémie passée ou si les robots sont là pour de bon ?
M.L. – La distanciation physique est la principale raison pour laquelle les entreprises adoptent de plus en plus les robots. Il existe déjà certains exemples, comme un robot de désinfection créé en Chine et testé par le Centre universitaire de santé McGill. Le robot utilise les rayons ultraviolets (UV) pour détruire les bactéries et les virus. C’est une application concrète, mais il y en a d’autres. Selon le rapport, 61 % des dirigeants sondés affirment que la robotique dans les environnements non contrôlés (à l’extérieur des usines) augmentera rapidement au cours des deux prochaines années. La vision va donc au-delà de la pandémie.
L.A. – Une autre conclusion de votre mise à jour est la forte progression de l’adoption de l’intelligence artificielle (IA) en milieu de travail. Qu’est-ce qui a changé depuis mars ?
M.L. – Les trois quarts des dirigeants ont déclaré que s’ils ne commençaient pas à s’intéresser à l’intelligence artificielle tout de suite, ils allaient cesser leurs activités d’ici cinq ans, et 73 % disent piloter des projets d’IA en ce moment. Il y avait bien sûr un intérêt avant, mais le mouvement a pris beaucoup d’ampleur ces derniers mois. On n’a qu’à penser à la société canadienne BlueDot, qui a détecté le risque de pandémie de COVID-19 le 31 décembre, avant même l’Organisation mondiale de la Santé, grâce à l’IA. C’est une tendance lourde.
L.A. – Un autre volet de votre mise à jour porte sur la hausse des inquiétudes en ce qui concerne la protection des renseignements personnels avec la multiplication des appareils connectés. Ce problème n’est pourtant pas nouveau.
M.L. – Avec le développement accéléré de la technologie vient aussi le «fardeau des prototypes». Les produits «intelligents» doivent être mis à jour fréquemment. Qui est responsable de toutes ces mises à jour ? Certaines entreprises mettent en place une communication très claire, mais pour beaucoup d’appareils et même pour beaucoup d’applications, il y a des questionnements par rapport à la protection des renseignements personnels.
Par exemple, pour l’application Alerte COVID du gouvernement du Canada, les autorités ont été forcées de dévoiler très clairement qu’elle n’utilisait pas le GPS des téléphones et ne permettait pas de connaître l’emplacement, le nom, l’adresse et les informations de santé des utilisateurs et des personnes à proximité.
L.A. – Où se situent les entreprises québécoises dans tout ça ?
M.L. – Le rapport ne contient pas de données par province. Par contre, ce qu’on peut affirmer, c’est que toutes les tendances montrent l’importance de la mise en place d’une structure d’innovation au sein de chaque entreprise. Ça permet de rester à jour, de tester des prototypes et de nouveaux cas d’utilisation. La plupart des grandes entreprises en ont une, mais toutes les sociétés québécoises devraient miser là-dessus.