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Membres de l’équipage recherchés

Simon Lord|Édition de janvier 2023

Membres de l’équipage recherchés

Le déchargement d’un navire de 3500 conteneurs, par exemple, requiert une équipe de 100 employés tels que des grutiers et des chauffeurs de camion. (Photo: 123RF)

SECTEUR MARITIME. Le manque de personnel navigant est un véritable problème dans l’industrie maritime. Et si aucune pénurie n’est notée chez les travailleurs portuaires, les besoins en planification de main-d’œuvre restent importants. Coup d’œil des solutions innovantes développées et employées pour faire face au défi. 

L’industrie maritime se compose d’environ un tiers de personnel navigant et de deux tiers de personnel terrestre, travaillant par exemple dans les ports, explique Manou Bernard, directrice générale du Comité sectoriel de main-d’œuvre de l’industrie maritime. 

Pour certains emplois, en particulier au sein du personnel navigant, une pénurie commence à se faire sentir. Elle note des besoins en particulier pour des officiers de ponts, des officiers mécaniciens, de même que pour des matelots et des timoniers.

Une situation qui présente des risques pour l’industrie. « Je pense que c’est une menace aux opérations, estime Manou Bernard. Si une entreprise ne trouve pas de chef ingénieur, le navire devra rester amarré. Il y a aussi un danger de voir les entreprises du Québec être obligées d’aller recruter ailleurs au pays. »

L’Association des employeurs maritimes (AEM) rapporte que des entreprises, comme le Groupe Desgagnés et le Groupe Océan, par exemple, connaissent actuellement de grandes difficultés en matière de recrutement.

Selon Manou Bernard, la solution devra notamment passer, à terme, par de meilleurs investissements publics en formation. D’ici là, l’industrie se tourne vers d’autres solutions innovantes pour pallier le problème de pénurie.

 

Retenir le personnel 

Pour augmenter son pouvoir d’attraction et de rétention aux yeux de la main-d’œuvre, Technopole maritime du Québec fait par exemple appel à l’application Tedy, qui permet à un employeur d’offrir une allocation à ses employés. Ces derniers peuvent l’utiliser pour avoir accès à une série de services qu’il prédétermine, comme un abonnement au gym ou une visite au vétérinaire. « Les employeurs utilisent Tedy pour attirer, recruter et retenir les meilleurs talents », explique Jean-François Lessard, cofondateur et directeur marketing de la plateforme.

 

Le défi de la planification

En ce qui a trait au segment du personnel portuaire, la main-d’œuvre se fait plus facile à trouver, surtout à Montréal. « Pour le métier de débardeur, par exemple, si l’on cherche à employer 100 personnes, on fait un affichage de postes et on reçoit de 1000 à 2000 candidatures à l’intérieur d’une semaine », illustre Robert Roy, président de l’AEM. Comme la rémunération est compétitive et que les critères d’embauche se limitent à la possession d’un permis de conduire et d’un diplôme d’études secondaires, le personnel est plus facile à trouver. 

Cela étant dit, la gestion du personnel n’en demeure pas moins difficile. Le déchargement d’un navire de 3500 conteneurs, par exemple, requiert une équipe de 100 employés tels que des grutiers et des chauffeurs de camion. Cependant, divers éléments hors du contrôle des entreprises maritimes, comme la météo, peuvent retarder l’arrivée d’un navire, compliquant ainsi la gestion du personnel. « Si le bateau est en retard, on doit retourner les employés chez eux et leur verser leur salaire aussi », explique Robert Roy.

 

Une plateforme pour mieux planifier

Depuis deux ans, l’AEM s’affaire à développer un outil de planification du déploiement de la main-d’œuvre portuaire, nommé Galileo, en collaboration avec Airudi et Scale AI.

Cet outil, que l’association souhaitait lancer en ce début d’année, devrait permettre de prévoir avec précision l’heure d’arrivée des navires jusqu’à 21 jours. Actuellement, la visibilité réelle n’est que de 24 heures. « On pourra donc mieux prévoir les besoins de main-d’œuvre », dit Robert Roy. En effet, l’application, qui tiendra compte du trafic portuaire, de la météo ainsi que de la quantité et du type de marchandise, proposera un scénario optimal de déploiement de main-d’œuvre qui respecte les conventions collectives et les disponibilités des travailleurs portuaires. « La gestion des opérations sera encore plus compétitive pour le port, mais ce sera aussi avantageux pour les employés, ajoute Robert Roy. Ils auront des horaires plus prévisibles et ils pourront donc avoir un meilleur équilibre vie-travail. »

La plateforme Galileo, propulsée par l’apprentissage machine, promet des retombées importantes. Si importantes, en fait, que l’AEM ne veut pas dévoiler pour l’instant ses estimations. « On a fait des calculs, mais les résultats sont si impressionnants qu’on n’ose pas se prononcer publiquement pour le moment de peur de créer de trop grandes attentes », explique le président de l’association.

La raison de ces gains importants est que l’optimisation accrue de la planification de la main-d’œuvre aura des effets sur toute la chaîne logistique : les navires pourront par exemple reprendre la mer plus vite, les camions perdront moins de temps à attendre et la consommation de carburant de même que les GES seront diminués en conséquence. « Une chose est sûre, en revanche, on va commencer à cumuler des données dès le jour un, dit Robert Roy. On pourra donc se reparler des retombées dans un an. »