Vous pourriez terminer la lecture du dossier principal publié dans Affaires Plus, le magazine de finances personnelles dont j’ai la responsabilité, avec le sentiment qu’on ne présente pas la situation au sujet du transport de manière équilibrée.
Vous n’auriez pas tort. On a consacré beaucoup d’espace à déplorer les conséquences de l’usage massif de l’automobile, on n’a pas vraiment innové à cet égard, et ça pourrait vous sembler tannant : embouteillages monstres, émissions non moins monstrueuses de CO2, gouffre financier personnel, santé déclinante… Oui, encore un maudit procès du voiturage en solo ! Peut-on nous laisser tranquilles ?
C’est vrai, nous n’avons pas abordé les aspects pratiques de posséder une voiture, avec ses sièges chauffants, son système anticollision, sa capacité de chargement, ses banquettes rabattables et ses 18 porte-gobelets. Pas un mot non plus, hélas, sur ce mode d’expression de ses valeurs familiales, de son pragmatisme, de son style de vie, de son statut social, de sa virilité, de sa jeunesse et de son émancipation. On a poussé la négligence jusqu’à omettre ce formidable pouvoir que nous procure la voiture : sortir des sentiers battus. On a vraiment fait preuve de mauvaise foi en passant sous silence ce que l’automobile incarne le plus : la liberté.
Mais ça, c’est déjà dit, ad nauseam, à la télé, dans les journaux, à la radio, sur l’Internet à travers des slogans creux. Le message est bien ancré, tellement qu’on n’en remarque plus le côté grotesque, la déconnexion avec la réalité.
Nous ne sommes pas contre la voiture. Elle est nécessaire là où les options sont rares, en région, sans doute aussi quand il y a des enfants à déposer à la garderie et pour aller faire les courses le week-end. Il y a toutefois de quoi pleurer quand on voit tous ces véhicules immobiles, avec un seul être humain à bord, toujours plus nombreux, sur un réseau routier archi congestionné. Chaque jour, dans la seule région de Montréal, les automobilistes transportent près de 15 millions de sièges vides, soit cinq fois la capacité de la Société de transport de Montréal. Ce chiffre est hallucinant.
On ne fait pas que chialer, on se montre aussi constructif. L’essentiel de notre dossier porte sur ceux qui ont réussi à se libérer de ce qui semble être une dépendance à l’auto, et parfois dans des conditions qui ne sont pas des plus favorables.
On renonce souvent à s’engager dans une telle démarche de désintoxication, à trouver des solutions, à sortir du confort de son VUS, du fait que la majorité ne s’en préoccupe pas. «Pourquoi devrais-je, moi, faire des efforts pour explorer d’autres options ?», se dit-on en regardant son voisin aussi bloqué que soi dans l’embouteillage.
Les exemples ne se trouvent pas dans le trafic. Vous aurez plus de chances dans notre dossier signé par le toujours excellent journaliste Simon Diotte. Désolé, c’est seulement pour nos abonnées.