Mettre l’humain au coeur des entreprises du secteur de la santé
Karl Moore|Publié le 24 novembre 2020«Si on ne prend pas en compte la partie humaine de l’équation, on oublie des questions importantes», indique la directrice mondiale de VINEx Inez Jabalpurwala. (Photo: Owen Egan)
BLOGUE INVITÉ. Depuis son enfance, Inez Jabalpurwala, directrice mondiale de VINEx, est passionnée par la science. Sa mère et son père, tous deux scientifiques dans des domaines différents, lui ont insufflé dès son plus jeune âge un intérêt pour les processus scientifiques et la collaboration interdisciplinaire.
« J’ai toujours été intriguée par l’idée que les éléments du tableau périodique s’assemblent de différentes manières pour former de nouveaux composés, comme l’hydrogène et l’oxygène qui s’assemblent pour former de l’eau, dit Mme Jabalpurwala. La science a éclairé ma vision de la puissance d’un écosystème, où différentes personnes et organisations peuvent collaborer de façon innovatrice et construire des sociétés plus fortes et plus résistantes. »
En tant que PDG fondatrice de Brain Canada et maintenant directrice mondiale de Viral Neuro Exploration (connu sous le nom de « VINEx »), une entreprise à impact social qui a été lancée par Rocket Science Health, une société privée d’appareils médicaux, Mme Jabalpurwala agit en tant que catalyseur, en collaborant étroitement avec une communauté de scientifiques de différents domaines et disciplines. Elle est convaincue que les grandes idées audacieuses émergent aussi bien aux points d’intersection qu’aux points de divergence.
« La science et notre société progressent en éclairant les faits, en ouvrant un dialogue et en encourageant un débat vigoureux, dit Mme Jabalpurwala. Cela ne peut se faire que si nous embrassons la diversité et donnons la parole aux personnes qui ne font pas partie de la majorité. »
Mme Jabalpurwala a rejoint VINEx en avril 2020, juste au moment où la pandémie de Covid-19 se faisait sentir dans le monde entier. Cette initiative vise à faire progresser la recherche sur l’impact direct ou indirect des virus sur le système nerveux central, y compris le virus à l’origine de la pandémie de Covid-19, grâce à une approche coordonnée, collaborative et multidisciplinaire.
« Bien que le COVID-19 puisse être mortel, plus de personnes survivent que ne meurent de cette infection virale. Et un sous-ensemble de ces survivants, y compris les personnes qui font des rechutes, présente des symptômes sur le long terme, souvent neurologiques, explique Mme Jabalpurwala. Nous devons mieux comprendre ce phénomène qui a un impact sur la qualité de vie, car cette pandémie pourrait avoir un impact à plus long terme sur la santé du cerveau dans les mois et les années à venir. »
En tant que dirigeante, Mme Jabalpurwala est consciente de la nécessité de recueillir des idées auprès de sources variées. VINEx donne vie à ce concept de leadership catalytique, car l’initiative est née en grande partie du désir de réunir des experts en virologie, immunologie, neuroscience, neurologie et science des données. VINEx vise à relier les différents domaines, souvent cloisonnés, qui doivent être réunis afin d’accélérer sa recherche sur les effets des virus sur le cerveau.
« Les idées viennent d’endroits inattendus et il faut être ouvert à cela, dit Mme Jabalpurwala. »
La pertinence de la vision de VINEx face à la pandémie actuelle n’est pas la seule clé de son succès. L’accent mis par l’initiative sur le recrutement de talents à la fois créatifs et prêts à prendre des risques a également été essentiel pour soutenir et renforcer le rôle du Canada en tant que leader dans le domaine scientifique.
Au cours de la période précédant la pandémie et la récession économique qui l’a accompagnée, il est devenu de plus en plus difficile pour les entreprises d’attirer du personnel qualifié. Avec un taux de chômage record de 5,6 % au Canada en décembre 2019, les employeurs avaient du mal à trouver et à retenir les meilleurs talents dans un contexte de concurrence accrue. Toutefois, dans le nouvel environnement de travail actuel, les entreprises modifient les conditions de travail de leurs employés, notamment l’exigence de leur présence physique.
VINEx a profité de ce changement de modèle. Depuis sa création, l’initiative fonctionne de manière totalement virtuelle. Mme Jabalpurwala est située à Montréal, au Québec, tandis que les autres membres de l’équipe résident en Colombie-Britannique, à New York et en Arizona. Les membres canadiens du conseil consultatif scientifique de VINEx sont basés à London, Kingston, Montréal, Winnipeg et Edmonton. Le groupe a élaboré avec succès une stratégie, lancé ses activités et cherche actuellement à recruter de nouveaux collaborateurs, tout en travaillant à distance.
« Il est clair qu’il est possible d’être une organisation ou une équipe très performante et ne pas être tous situés dans une même région physique, dit-elle. VINEx en est la preuve. »
Les études de Mme Jabalpurwala en sciences humaines complètent le soutien scientifique qu’elle recherche. Sa formation en littérature anglaise nourrit sa lecture vorace, comme en témoigne la façon dont elle ponctue ses idées sur la gestion et le progrès par des citations d’auteurs classiques variant de Dante à Melville. Elle espère que sa sensibilité pourra contribuer à corriger l’angle mort dont sont souvent victimes les entreprises scientifiques lorsqu’elles se focalisent seulement sur le progrès scientifique.
« La science est au service des gens, dit Mme Jabalpurwala. Si on ne prend pas en compte la partie humaine de l’équation, on ne pose pas de questions importantes sur les implications éthiques, sociales et juridiques de la recherche, par exemple si les modèles animaux ou les participants aux essais cliniques représentent les deux sexes et, dans le cas des essais, la diversité des personnes desservies. Poser ces questions fait autant partie de l’avancement de la science que de l’expérimentation en laboratoire. »
Karl Moore et Marie Labrosse. Karl est professeur associé à la Faculté de gestion Desautels et Marie est étudiante en maîtrise de littérature anglaise, tous deux à l’Université McGill.