Il y a une raison pour laquelle Microsoft a repris ces derniers jours une position de tête parmi les géants technos américains en Bourse. L’entreprise a effectué un virage prononcé vers le nuage, et a appliqué une stratégie unique pour toutes ses divisions autour de cette technologie, avec un soupçon d’intelligence artificielle.
Alors que le mobile plafonne (Apple), que la pub en ligne (Google) et le web social (Facebook) traversent une crise de confiance au niveau de la gestion des données et que même le commerce électronique s’essouffle (Amazon), l’investissement dans le numérique, via l’infonuagique et l’IA n’en est qu’à ses débuts.
Satya Nadella, PDG de Microsoft, a profité de sa conférence annuelle Build, destinée aux créateurs d’applications, de jeux vidéo et de logiciels en tout genre, pour pousser plus loin cette harmonisation qui a longtemps fait cruellement défaut à Redmond et imposer sa vision d’un futur où le numérique envahit encore un peu plus le monde réel. On imagine aisément comment les divers robots conversationnels, les assistants personnels numériques en tout genre (de la maison à la voiture…) et toutes ces autres applications localisées ou pas mettent l’emphase sur une interopérabilité qui n’existe pas, et qui n’existera peut-être jamais.
Un superagent numérique nommé… Cortana?
«À quoi ressemblera un monde où on doit interagir avec des interfaces vocales qui n’ont pas toutes le même nom, la même spécialité ni les mêmes capacités?», s’est demandé le dirigeant sur scène. « La bonne nouvelle, c’est que nous avons hâte de vivre dans ce monde éclaté.»
Évidemment, Microsoft souhaite que Cortana devienne la principale interface entre l’utilisateur et tous ces autres agents. Ça comprend les chatbots qui apparaissent à un rythme effréné sur les sites web de nombreuses entreprises faisant des affaires en ligne. Ça comprend l’agent qui dort dans la console centrale de votre future voiture connectée. Ça comprend Siri et l’Assistant Google, au besoin, et même Alexa, avec qui Cortana est déjà colocataire, pour ainsi dire.
Pouvoir converser naturellement avec un seul et unique agent numérique pour effectuer plusieurs tâches au fil d’une seule et même discussion plus ou moins décousue a l’air banal, à première vue, mais assembler toutes les pièces de ce qui prend la forme d’un imposant casse-tête numérique est le défi que semble s’imposer Microsoft, qui a l’œil sur tous les composants de la chaîne.
Après tout, pourquoi se contenter d’offrir une seule interface au consommateur quand on peut offrir tous les outils en arrière-scène aux créateurs des autres applications avec laquelle elle se connectera sous peu?
C’est un peu ça, le futur selon Microsoft.
Le défi d’une mer de données universelle
Naturellement, pour que deux robots communiquent entre eux, il leur faut quelques atomes crochus. D’abord, ils doivent parler plus ou moins le même langage. C’est déjà un détail important. Ensuite, ils doivent pouvoir échanger des données qui seront bien comprises par un et par l’autre.
Pour une poignée d’agents, c’est simple. Pour les milliers d’agents qui verront le jour progressivement dans les prochaines années, ça commence à faire lourd. D’où l’importance de créer une plateforme ouverte d’échange de ces données, à laquelle plusieurs entreprises peuvent s’abreuver, ou participer. Celles-ci n’auraient qu’à ajouter leur propre couche logicielle pour créer les applications de leur choix.
«L’objectif est que même si vos données viennent d’un endroit, il soit possible d’améliorer les processus à un autre endroit», illustre Satya Nadella. De là à parler d’un standard d’industrie, il n’y a qu’un pas… que ne seront sans doute pas près de faire quelques rivaux de Microsoft. Ça aussi, ça fait partie de la stratégie de la maison, qui se distingue ainsi de rivaux qui préfèrent être moins ouverts sur leurs façons de faire à l’interne.
Peut-être que Mark Zuckerberg regardait l’allocution de Satya Nadella, puisqu’elle était diffusée en direct en ligne. Après la conférence F8 de la semaine dernière, on lui souhaite d’avoir pris quelques notes.
L’éternel défi du respect de la vie privée
Une des interfaces les plus directes entre le public et les services numériques qui les pistent dans leurs activités en ligne (et parfois même hors ligne) est celle du navigateur web. S’il y a un logiciel qui a défini l’évolution de Microsoft au fil des 25 dernières années, c’est bien son navigateur web. D’Internet Explorer à Edge, disons simplement que Microsoft espère se repositionner du côté de l’internaute, peu importe où il se trouve (lire : peu importe l’appareil qu’il a entre les mains).
On a d’ailleurs vu les premières images d’un navigateur Edge pour macOS, dans le Centre des congrès de Seattle, plus tôt lundi.
«Prenons les publicités ciblées. Des gens les trouvent suspectes, des gens les adorent, d’autres s’en foutent. Nous avons donc créé des outils simples limitant ou pas leur portée», explique la responsable du fureteur de Microsoft. «Mais peu importe, nous bloquerons les demandes malicieuses.»
Naturellement, parler des réglages de sécurité d’un fureteur web pour définir le futur de l’économie des données frise un peu l’absurde, vu les nombreux autres moyens qu’il existe pour les Facebook et Google de ce monde pour collecter des données sur leurs utilisateurs. Mais Microsoft ne possède pas de plateforme mobile à proprement parler, Windows 10 était exclusif aux PC et aux tablettes.
À moins que ça ne change dans un avenir éventuel. Mais en même temps, vu l’insistance de Redmond sur les outils logiciels comme l’IA et les assistants numériques, il serait sage de parier que Microsoft tente de se démarquer de ses rivaux de la Silicon Valley en misant davantage sur l’infonuagique comme principale plateforme pour ses opérations.
Vu sa situation boursière et financière actuelle, ça semble satisfaire ses actionnaires et les investisseurs. Si jamais ça permet de simplifier un futur qu’on imagine saturé de chatbots et autres agents numériques avides d’attention et de données personnelles, ça fera sans doute le plaisir du public également.
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