Minéraux critiques: Trump est proactif, Biden sous-estime l’enjeu
François Normand|Publié le 07 octobre 2020Le 30 septembre, le président Trump a signé un «Executive Order» dans lequel il demande qu'on réduise la dépendance des États-Unis aux fournisseurs comme la Chine. (source photo: Getty Images, montage: Les Affaires)
Une plus grande autonomie de la chaîne nord-américaine d’approvisionnement en minéraux critiques est cruciale pour réussir à terme la décarbonisation de l’économie des États-Unis et du Canada, affirment les spécialistes. Si le président Donald Trump a posé des gestes pour accroître cette autonomie, le candidat démocrate Joe Biden accorde relativement peu d’importance à cet enjeu même si sa plateforme propose un ambitieux plan vert de 2 000 milliards de dollars américains en quatre ans.
Certes, la politique de l’administration Trump ne vise pas directement à favoriser la transition énergétique, mais elle atteint indirectement cet objectif. Les minéraux critiques sont utilisés dans plusieurs secteurs liés à cette transformation économique.
Par exemple, des industriels utilisent du graphite, du lithium, du cobalt et du nickel pour fabriquer des batteries pour les voitures électriques et le stockage d’énergie, sans parler des terres rares pour concevoir des aimants permanents que l’on retrouve entre autres dans les éoliennes.
Cette volonté d’accroître l’autonomie de la chaîne d’approvisionnement est donc un enjeu de taille pour l’économie américaine, mais aussi pour le Québec, dont le sol abrite la plupart des minéraux critiques en forte demande dans le monde, mais dont la transformation se fait en grande en Chine et en Asie.
Car plus la chaîne d’approvisionnement nord-américaine se développera, plus le Québec pourra l’intégrer, et ce, de l’extraction de minerais à la production des produits finis comme le graphite.
Chez nos voisins, les minéraux critiques sont non seulement importants pour l’économie, mais aussi pour la défense américaine, dans un contexte où la rivalité économique et militaire entre les États-Unis et la Chine est de plus en plus importante.
Le 30 septembre, le président Trump a d’ailleurs signé un «Executive Order» dans lequel il demande qu’on réduise la dépendance des États-Unis aux fournisseurs comme la Chine, et qu’on favorise à terme des approvisionnements nord-américains.
«Bien que ces minéraux soient indispensables à notre pays, nous n’avons actuellement pas la capacité de les produire sous forme transformée dans les quantités dont nous avons besoin», écrit le président.
En juin 2019, l’administration Trump avait publié «A Federal Strategy to Ensure a Reliable Supply of Critical Minerals» afin de rendre l’économie et la défense américaines plus sûres. En janvier, Ottawa et Washington avaient aussi finalisé leur plan d’action afin de réduire à terme leur dépendance aux importations de métaux critiques, notamment en améliorant le partage d’information sur les ressources et le potentiel minier.
À l’heure actuelle, les États-Unis dépendent complètement d’autres pays pour plus d’une douzaine de minéraux essentiels à leur économie et à leur sécurité. (Source: U.S. Geological Survey)
La plateforme de Biden aborde à peine cet enjeu
Pour sa part, Joe Biden est plus discret sur cet enjeu, même si le candidat démocrate à la présidence en glisse quelques mots dans sa plateforme électorale pour décarboner l’économie américaine, «The Biden Plan to Build a Modern Sustainable Infrastructure and an Equitable Clean Energy Future».
Aussi, s’il est élu le 3 novembre, l’ancien vice-président du président Barack Obama compte accélérer l’innovation dans la résilience de la chaîne d’approvisionnement, notamment en résolvant des problèmes tels que «la dépendance [des États-Unis] aux minéraux de terres rares».
C’est toutefois la seule allusion à cet enjeu dans sa plateforme.
Les minéraux critiques sont d’ailleurs un angle mort de nombreux plans climatiques, car l’enjeu de la fiabilité de la chaîne d’approvisionnement pour ces minéraux essentiels à la décabornisation de l’économie y est souvent sous-estimé, souligne le magazine Forbes, en faisant allusion à la stratégie démocrate.
«Joe Biden a présenté un plan audacieux de décarbonisation. Il a adopté un excellent cadre politique d’emplois et de prospérité. Mais Biden doit trouver des solutions solides pour résoudre le problème d’une «transition juste» et d’une chaîne d’approvisionnement fiable pour soutenir l’industrie des énergies renouvelables», insiste la publication économique.