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Mines d’hier par la lorgnette technologique d’aujourd’hui

Émilie Parent-Bouchard|Édition de la mi‑mai 2022

Mines d’hier par la lorgnette technologique d’aujourd’hui

Selon Michel Jébrak, l'exploration minière est désormais chirurgicale grâce aux avancées technologiques. (Photo: 123RF)

INDUSTRIE MINIÈRE. Lamaque, Odyssey, Horne 5: en Abitibi-Témiscamingue, les mines du futur sont aussi celles du passé. Les nouvelles technologies, dont l’intelligence artificielle et l’automatisation, offrent en effet une nouvelle perspective quant à l’exploitation de gisements historiques.

«Plusieurs vous le diront : si on veut trouver une mine, on va aller chercher là où il y en a déjà une», lance d’emblée la directrice générale de l’Association de l’exploration minière du Québec, Valérie Fillion. Selon elle, les nouvelles technologies permettent d’appréhender les données historiques des «camps miniers matures» sous un jour nouveau.

«C’est un outil de plus pour valoriser les données disponibles, poursuit-elle. On ne voit plus de tables lumineuses dans les bureaux de géologues.» Elle ajoute que la possibilité de forer de plus en plus en profondeur redonne du lustre aux gisements exploités dans le passé, là où l’acceptabilité sociale est généralement au rendez-vous et les infrastructures, déjà existantes.

 

Rayon X en profondeur

À ce chapitre, Valérie Fillion cite deux exemples. L’imminente mine Odyssey, adjacente à la fosse de la mine Canadian Malartic, dont le chevalement de 93 mètres est visible de la route 117 depuis l’automne, ainsi que le projet Horne 5, de Ressources Falco, un gisement polymétallique situé sous l’ancienne fonderie du même nom. «On parle vraiment de mines du futur, automatisées», rappelle-t-elle.

Le géologue Michel Jébrak, professeur émérite à l’Université du Québec à Montréal, abonde dans le même sens. «On est bien plus capables de faire des modèles géologiques 3D prévisionnels près des zones qui ont déjà été explorées que dans des zones vierges. » Il estime qu’il y a encore quelques années, « l’exploration qui se faisait environ moitié-moitié dans le brown field (près des mines) et dans le green field (où il y a moins de mines) », se fait aujourd’hui à « 70 % dans le brown field ».

À son avis, l’avancée technologique est à l’industrie minière ce que la radiologie a été à la médecine : l’exploration minière est désormais chirurgicale. «On pouvait passer à côté d’une mine à 50 centimètres ; aujourd’hui avec la géophysique et la géochimie, on va la voir, illustre-t-il. En profondeur, on peut maintenant aller jusqu’à 500 mètres, 1 km, voire 3 km si on prend l’exemple d’Agnico Eagle.» Il rappelle que même si la faille de Cadillac est connue depuis 100 ans, « on n’a regardé que les 100 premiers mètres » de profondeur.

 

Une ruée vers l’or nouveau genre

Ainsi, en 2015, la junior Integra Gold, au lieu de miner de la roche, a invité les firmes de géologie à miner les six téraoctets de la base de données issus des 75 ans d’exploitation et d’exploration des anciennes mines Sigma et Lamaque, d’où ont déjà été extraites 9,5 millions d’onces d’or. À la clé de ce concours baptisé Goldrush : un million de dollars.

Coup de marketing pour raviver l’intérêt autour de cette propriété, certes, mais pas exclusivement. Déjà, ce concours a forcé la numérisation des résultats de 40 000 trous de forage, note Sylvain Lehoux, vice-président et directeur général d’Eldorado Gold, qui a acquis la propriété en 2017. Il croit que ce coup d’éclat a aussi permis à l’entreprise de s’ouvrir aux possibilités de l’intelligence artificielle.

«À l’époque, l’objectif était de démarrer la mine le plus vite possible, se souvient-il. Quand je suis arrivé ici, en 2017, on me disait qu’il n’y avait plus grand-chose à Lamaque. On avait déjà découvert Triangle en 2017 (dont les données n’étaient pas incluses dans la base de données du Goldrush), puis Ormaque en 2019. » Il estime que la mise en commun de toutes les données « a amené des gens à penser différemment». Sans compter que l’acquisition de Corporation aurifère QMX, l’été dernier, offre un nouveau terrain de jeu à Eldorado Gold. «On est excités, car dans 5 à 10 ans, ça va être encore plus intéressant !»

 

Repli sur soi… et recherches de nouveaux territoires

Le géologue Guy Desharnais, capitaine de l’équipe gagnante de Goldrush et aujourd’hui l’une des têtes dirigeantes de Redevances aurifères Osisko — qui perçoit entre autres des redevances de la mine Lamaque —, continue de travailler étroitement avec l’équipe d’Eldorado Gold. Selon lui, le contexte mondial des deux dernières années, peu propice aux déplacements, a aussi forcé les minières à s’intéresser de nouveau à ce qu’elles avaient sous les pieds.

«Par contre, je pense que pour faire de nouvelles découvertes d’importance, on devrait essayer de chercher plus loin, dans des secteurs plus difficiles à explorer, sous la couverture où il y a peu d’affleurements, plus loin dans la Baie-James, nuance le géologue. Là, on risque de trouver des mégagisements comme on a connu dans les premières années de développement de l’Abitibi. »

Il ajoute que les sociétés doivent « se forcer pour trouver de nouvelles choses en même temps que des gisements qui sont à côté des projets déjà connus ». Valérie Fillion abonde dans le même sens. «Quand tu te promènes en hélico, tu vois le potentiel de la forêt, mais pas celui du sous-sol. Il faut aller voir, faire de l’acquisition de connaissances, sinon on ne saura jamais ce qu’il y avait sous nos pieds.»