Dans les faits, le gouvernement Legault n'a fait que redistribuer à ceux qui en ont le plus besoin les fruits de sa bonne gestion de la pandémie et de la relance économique qui s’en est suivie. (Photo: Getty Images)
BLOGUE INVITÉ. La bonne humeur était au rendez-vous, jeudi, alors que le ministre des Finances Eric Girard présentait un «mini-budget» rempli de bonnes nouvelles et même de quelques surprises pour les contribuables québécois.
Certains accuseront le gouvernement caquiste de jouer au «père Noël» en déliant les cordons de sa bourse juste avant les Fêtes. D’autres feront allusion au fait que le Québec entre en année électorale et que le gouvernement tenterait d’acheter sa réélection avec les fonds publics.
Dans les faits, le gouvernement Legault n’a fait que redistribuer à ceux qui en ont le plus besoin les fruits de sa bonne gestion de la pandémie et de la relance économique qui s’en est suivie.
L’économie tourne à plein régime
La première bonne nouvelle concerne l’état de l’économie québécoise qui, après un ralentissement dû à la pandémie, croît désormais à vitesse grand V: 6,5% de croissance attendue cette année, soit plus que le reste du Canada et les États-Unis.
Le niveau de vie des Québécois est aussi en hausse. François Legault, qui souhaite depuis des années combler l’écart de richesse avec les Ontariens, s’approche tranquillement de son objectif: cet écart a fondu de 3,5% par rapport à 2017, pour s’établir à 12,9% cette année. Le gouvernement espère maintenant rétablir l’équilibre avec l’Ontario d’ici 15 ans.
Autre bonne nouvelle: la santé économique du Québec permet de générer des revenus fiscaux supplémentaires pour le gouvernement. Le déficit anticipé pour l’année en cours sera donc réduit de près de la moitié par rapport à ce qui était prévu dans le dernier budget. Le déficit structurel, qui n’est pas lié à la pandémie, est également en baisse alors que le gouvernement prévoit toujours un retour à l’équilibre budgétaire d’ici 2028, et ce, sans avoir à augmenter les taxes et impôts ou à couper drastiquement dans les services publics.
Mais la bonne nouvelle que plus de 3 millions de Québécois retiendront certainement de cette mise à jour économique, c’est que ces revenus supplémentaires pourront en partie être utilisés afin de soutenir les citoyens les plus vulnérables qui ont été durement affectés par la crise au cours des 18 derniers mois. Ce sont ainsi plus de 2 milliards de dollars qui seront retournés dans les poches des Québécois à faible ou à moyen revenu au cours des prochains mois dans le but de les aider à faire face à la hausse drastique du coût de la vie, alors que l’inflation galopante suscite de vives inquiétudes pour l’avenir de notre économie. Les aînés et les familles bénéficieront particulièrement de nouvelles mesures, dont un généreux crédit d’impôt pour la garde d’enfants en milieu non subventionné.
Oppositions à court d’arguments
Annoncer d’aussi bonnes nouvelles à moins d’un an de l’échéance de son mandat est toujours un sujet sensible pour un gouvernement. On court facilement le risque de se faire accuser d’agir par électoralisme. Or, le gouvernement Legault n’a fait jeudi que ce pour quoi il a précisément été élu en 2018: bien gérer les finances publiques et aider les Québécois dans le besoin. C’est ce que tout bon gouvernement, peu importe sa couleur politique, devrait chercher à faire en tout temps.
À (re)lire: Mise à jour économique: réactions de différents milieux
Si la situation économique s’était améliorée sans que le gouvernement réinvestisse une partie des revenus supplémentaires engrangés, les oppositions se seraient sans doute empressées d’affirmer qu’Eric Girard a laissé pour compte les plus vulnérables de notre société. Un moment donné, il faut savoir ce qu’on veut.
Et puis, soyons honnêtes: ce petit coup de pouce financier sera certes bienvenu pour de nombreuses familles et aînés à faible revenu, mais ce n’est pas avec des chèques de 200 à 275 $ par habitant que la CAQ va «s’acheter» un second mandat dans un an.
La sortie de la cheffe libérale Dominique Anglade fut particulièrement décousue par moments. L’ex-ministre de l’Économie sous Philippe Couillard a déclaré que François Legault était «pris dans le passé» avec un mini-budget «qui aurait pu être déposé il y a 20 ans», notamment parce qu’il n’aborde pas suffisamment la question de la lutte aux changements climatiques. Tout un détour pour trouver quelque chose à reprocher à son adversaire…
Pour une cheffe qui espère donner un nouveau souffle à son leadership en remettant l’économie au cœur des valeurs libérales lors du congrès de son parti, qui se tiendra cette fin de semaine à Québec, on se serait attendus à un peu plus de substance sur cet aspect.
Et la pénurie de main-d’œuvre?
Dominique Anglade a toutefois raison lorsqu’elle aborde la question des quelque 280 000 postes que les entreprises d’ici tentent de pourvoir de peine et de misère: les mesures proposées dans la mise à jour budgétaire ne suffiront pas à répondre à court terme aux enjeux énormes du milieu des affaires québécois en matière de main-d’œuvre.
Au-delà des investissements en automatisation et des incitatifs visant la formation et la requalification de la main-d’œuvre ou le retour des retraités sur le marché de l’emploi, il faudra inévitablement trouver des solutions viables afin d’augmenter à court et moyen terme le bassin de travailleurs actuels au Québec. Qu’on le veuille ou non, cela passe notamment par l’immigration.
«En prendre moins, mais en prendre soin», disait François Legault. Il est vrai qu’on doit s’assurer d’être en mesure de bien intégrer les nouveaux arrivants. Mais à l’heure où le manque de main-d’œuvre freine le développement des entreprises québécoises, il faudrait peut-être déployer des efforts supplémentaires afin d’augmenter rapidement notre capacité d’intégration et ainsi, pouvoir se permettre d’accueillir davantage de nouveaux travailleurs en sol québécois.
La bonne nouvelle dans tout ça, c’est que le ministre du Travail s’est justement vu confier cette semaine de nouvelles responsabilités à titre de ministre de l’Immigration. En cumulant les deux chapeaux de manière complémentaire, on peut espérer que Jean Boulet aura les coudées franches afin d’arrimer les besoins réels du marché de l’emploi aux efforts de recrutement et d’intégration de la main-d’œuvre étrangère.