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Jean-Paul Gagné

Droit au but

Jean-Paul Gagné

Analyse de la rédaction

Mobilité ­Infra: un gros bureau de projets, mais sans vision

Jean-Paul Gagné|Édition de la mi‑mai 2024

Mobilité ­Infra: un gros bureau de projets, mais sans vision

(Photo: Phil Desforges pour Unsplash)

DROIT AU BUT. Mobilité ­Infra ­Québec (MIQ) aura pour mission l’« analyse d’opportunité, la planification et la réalisation de projets complexes de transport collectif », a déclaré la ministre ­Geneviève ­Guilbault en présentant cette nouvelle agence. L’idée est d’isoler des activités jugées incompatibles ou ingérables avec l’appareil administratif des ministères. ­Celles-ci restent néanmoins sous contrôle ministériel.

MIQ aura pour rôle d’exécuter des commandes de l’État. Elle ne pourra pas mettre en œuvre des projets, les prioriser et les financer. Le gouvernement garde son plein pouvoir sur les projets, leur calendrier de réalisation et leur financement qui, selon la ministre, devra se faire avec ­Ottawa et les municipalités, même si, dans le passé, ­Québec a déjà payé 100 % des coûts de certaines infrastructures.

MIQ intégrera les bureaux de projet des municipalités. La ministre fait valoir leur coût excessif, mais l’idée est probablement plutôt de placer ce travail sous l’autorité ministérielle. La volonté centralisatrice du gouvernement, qui est déjà bien installée en santé et en éducation, pourrait mener au démantèlement de l’Autorité régionale de transport métropolitain (ARTM), dont certaines fonctions pourraient être intégrées à ­MIQ. Reste à savoir à qui on confierait la gestion des tarifs et de la carte ­Opus.

Créée pour planifier, organiser, financer, développer et promouvoir le transport collectif dans la région de ­Montréal, l’ARTM a vu son champ d’action se rétrécir avec l’implantation du ­REM, des mandats donnés à ­CDPQ ­Infra et des commandes politiques, tels que des achats précipités de voitures de métro, l’imposition d’un fournisseur unique d’autobus, l’interdiction d’aller en appel d’offres et des transferts de fonds au profit du projet de tramway de ­Québec et de la protection d’emplois à ­La ­Pocatière, autant de décisions incompatibles avec la saine gestion d’une société.

De plus, en permettant à ­MIQ d’acquérir des immeubles par expropriation, on affaiblira aussi la capacité des villes et des sociétés de transport à obtenir des redevances immobilières, comme le fait ­CDPQ ­Infra pour financer le ­Réseau express métropolitain (REM).

Selon la ministre, son ministère n’a pas d’expertise en transport collectif. C’est désolant, mais on s’en doutait. À preuve, les mandats donnés à la ­Caisse de dépôt et placement, dont la mission est de gérer des fonds, de créer et d’exploiter le ­REM et de proposer une solution de transport pour la ville de ­Québec incluant un lien avec ­Lévis.

L’agence sera supervisée par un conseil d’administration de neuf personnes, aura un effectif d’environ 50 employés et un budget de 9,5 millions de dollars (M $). Elle sera dirigée par un ­soi-disant topgun, qui devrait provenir du secteur privé ou de ­CDPQ ­Infra (pour référence, son ­PDG, ­Jean-Marc ­Arbaud, gagne 1,76 M $). Ses employés seront détachés de la fonction publique et rémunérés à la hauteur de leur expertise. L’écart qui pourrait être créé entre leur rémunération et celle des fonctionnaires pour des emplois équivalents pourrait devenir une source de bisbille.

 

Pas de vision

La création de ­MIQ n’a rien à voir avec la vision du transport collectif qu’on attend du gouvernement. La ministre dit vouloir se projeter dans l’avenir et réaliser les trois grands projets que sont le prolongement de la ligne bleue du métro de ­Montréal, le tramway de ­Québec et une infrastructure de transport collectif sur la ­Rive-Sud de ­Montréal.

Le gouvernement de ­François ­Legault voit le transport collectif comme une affaire budgétaire, comme l’est le réseau routier. L’arbitrage de leur financement respectif devrait continuer de se faire au gré des urgences, des enjeux électoraux, des sensibilités des électeurs en regard de l’écofiscalité et de l’acceptabilité sociale, sans exclure l’improvisation, comme en témoigne le cafouillage entourant le projet de troisième lien entre ­Québec et ­Lévis, promis sans études préalables.

 

Pas de financement

Le financement du transport collectif est évacué du projet de loi créant la nouvelle agence. Des discussions ont cours avec les municipalités pour régler les immenses déficits courants et à venir des sociétés de transport collectif, mais c’est à la question fondamentale d’un financement récurrent et prévisible que l’on devrait surtout s’attaquer.

Plusieurs nouvelles sources de financement sont connues, mais il faudra du courage politique pour en mettre en vigueur. Des mesures d’écofiscalité visant l’utilisation des automobiles auraient aussi l’avantage de contribuer à la réduction des gaz à effet de serre. Québec pourrait s’inspirer de plusieurs initiatives prises par d’autres gouvernements et certaines villes pour lutter contre l’étalement urbain et réduire le nombre des voitures sur les routes et dans les rues. Les automobilistes bénéficieraient de rues moins encombrées, d’une fluidité accrue de la circulation. L’utilisation des autobus serait plus attrayante pour les usagers.

Selon des estimations faites par l’actuaire et ­ex-PDG de la ­Standard ­Life, ­Claude ­Garcia, la contribution moyenne des automobilistes aux finances de la ­Ville de ­Montréal est d’environ 20 % du coût des services rendus aux propriétaires de voitures, alors que les usagers du transport en commun contribuent à hauteur de 30 % au financement de leur mode de transport, une « situation qui apparaît injuste sur le plan social », ­a-t-il commenté. (La ­Presse, 6 mai 2024).

 

L’« approche collaborative »

Pour soutenir ­MIQ, le ministre ­Jonatan ­Julien a présenté un projet de loi pour introduire la notion d’« approche collaborative » pour l’attribution de gré à gré et la gestion des contrats de construction d’infrastructures.

C’est l’approche qui a été retenue pour le changement de la toile du ­Stade olympique et la construction du nouveau pont de l’île d’Orléans, des contrats respectifs de 870 M $ et de 2,76 G $ qui seront gérés en partenariat avec des entrepreneurs, de la conception des ouvrages jusqu’à leur livraison, et dont les risques sont partagés.

Selon le ministre, cette approche réduira le temps de réalisation des projets de 25 % et leur coût de 15 %. C’est rêver en couleur, car les entrepreneurs sont bien mieux équipés que les politiciens et les fonctionnaires pour tirer le meilleur des négociations des contrats qui doivent se faire tout au long de l’exécution des projets. Autre facteur, les entreprises gèrent leur propre argent alors que l’État gère celui des autres.

 

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J’aime

­Hydro-Québec a présenté des excuses et signé une entente de 32 M$ sur 23 ans pour régler son différend avec les ­Innus d’Unamen ­Shipu, sur la ­Basse-Côte-Nord, relativement à la construction et à l’exploitation de la centrale du ­Lac-Robertson. Ce projet a été réalisé en 1995 sans entente avec le milieu, ce qui est « inacceptable », a reconnu ­Michael ­Sabia, ­PDG d’­Hydro-Québec. En mars dernier, ­Québec et ­Hydro avaient signé une entente avec les ­Innus de ­Pessamit pour négocier des accords de partenariats énergétiques et verser à la communauté 45 M$ pour différents projets. Ces gestes de respect et de réconciliation économique favorisent le maintien du dialogue nécessaire pour négocier les conditions de réalisation de projets hydroélectrique dans cette région.

Je n’aime pas

Selon le ­Conseil de l’innovation du ­Québec, les dépenses de recherche et développement (­R-D) du ­Québec sont en déclin depuis 20 ans. De 1,7 % en 2001, elles représentent aujourd’hui 1,3 % du ­PIB. Après des années de recul, l’Ontario et la ­Colombie-Britannique ont inversé la tendance. La ­R-D est aussi en hausse dans l’ensemble des pays industrialisés. « ­Il y a un coup de barre à donner », a dit ­Luc ­Sirois, innovateur en chef du ­Québec.