«Trop souvent, nos frustrations quotidiennes d’entrepreneurs peuvent nous pousser à prendre des décisions nous menant tout droit vers l’échec.» (Photo: Antonio Guillem pour 123RF)
EXPERT INVITÉ. Trop souvent, nos frustrations quotidiennes d’entrepreneurs peuvent nous pousser à prendre des décisions nous menant tout droit vers l’échec.
Mon équipe de direction pourra en témoigner: l’une des choses les plus difficiles à accepter pour moi est que le succès prend toujours plus de temps que je le souhaiterais! Tout me semble long, trop long, toujours long: l’accélération des ventes, la réalisation d’une fonctionnalité, la possibilité d’attaquer une nouvelle niche, etc.
Dans mon texte «Trois ans avant que votre idée soit dépassée!», j’ai écrit sur la rapidité avec laquelle les entrepreneurs doivent exécuter leur idée de démarrage. Il n’y a qu’une petite fenêtre de temps pour agir avant même que les idées les plus innovantes ne deviennent obsolètes. Mais cela reste aussi très dangereux: c’est un peu comme courir avec une paire de ciseaux! Vous devez aller très rapidement, mais si vous trébuchez, il est fort possible de vous blesser gravement!
Après quelques décennies de succès, mais surtout d’échecs, et une tonne de temps passé à courir vers la prochaine étape, j’ai finalement compris que cette forte ambition qui alimente le succès peut aussi parfois avoir des conséquences néfastes lorsque votre frustration vous incite à prendre des décisions qui ne sont probablement pas dans l’intérêt supérieur de l’entreprise.
Si comme moi, vous faites parfois de l’insomnie en vous demandant pourquoi nous n’êtes pas plus avancé et en tentant de trouver milles et une solutions pour aller plus vite: vous devez apprendre à prendre plus de recul. Cette frustration momentané, basé sur l’instant présent, qu’elle soit causée par le manque de clients, le manque de revenus, le manque de traction — quelle que soit la manière dont elle se présente aujourd’hui — peut mettre en péril les opportunités de demain.
Si vous pouvez anticiper les mauvais comportements que la frustration peut faire apparaître, vous pouvez ainsi éviter la plupart des pièges. Voici donc les quatre comportements frustrants que j’ai vus conduire le plus souvent à l’échec.
Mauvais comportement n° 1: mettre un maximum de pression sur les ventes et le marketing.
Pourquoi cela se produit? J’ai vécu cet exemple la semaine dernière. Les ventes de notre premier trimestre sont plus faibles que nos prévisions. Je deviens donc rapidement frustré. Je me dis que les résultats ne sont pas au rendez-vous et qu’on doit faire quelque chose maintenant (voir même hier dans ma tête).
Trop souvent, le premier réflexe lorsque les revenus ne sont pas au rendez-vous est de tenter de combler le tout soit en embauchant rapidement de nouveaux commerciaux ou en augmentant le budget marketing — probablement par espoir que par magie, de nouveaux prospects arriveront, ce qui nous aidera à rapidement combler le manque à gagner. C’est aussi la réponse classique de votre responsable en vente et marketing: nous avons besoin de plus de budget, toujours et encore!
Mais nous oublions trop souvent qu’il y a une nature organique incontournable dans les ventes. Le seul moment pour accélérer vos investissements en vente et marketing, c’est quand vous pouvez prouver qu’une méthode fonctionnera pour un certain type de canal ou de prospect. Tout le reste produit des rendements décroissants et contribue à creuser votre tombe, n’augmentant souvent pas les ventes, mais vos pertes!
Ce que je fais à la place. Plutôt que de rapidement injecter de l’argent en vente et marketing, vous devriez plutôt revoir votre stratégie de vente et affiner votre message et votre approche. Peut-être que vous pourriez utiliser un canal différent? Peut-être que le marketing Web n’est pas la meilleure solution pour vous et qu’au contraire, vous devriez participer à la prochaine foire commerciale? Peut-être que vous n’avez pas la bonne équipe en place? Les ventes trimestrielles tirent de la patte, c’est un fait, mais réagir trop rapidement ne vous aidera pas. Réfléchissez déjà aux actions responsables que vous pouvez prendre pour rattraper ce retard sur les trimestres suivants.
Mauvais comportement n° 2: Inventer de nouvelles fonctionnalités!
Je suis certain que plusieurs d’entre vous, qui évoluez comme moi dans le monde des technologies, ont le même comportement: celui-ci de se mettre à inventer des fonctionnalités. C’est aussi souvent une conséquence d’un retard des revenus. Nous avons l’impression que cela ne va pas assez vite commercialement, et par conséquent, nous tentons d’inventer des fonctionnalités aléatoires et souvent inutiles en pensant que cela augmentera notre traction et nos revenus. Le résultat débouche généralement plutôt sur des expériences mal pensées qui nuisent à l’expérience utilisateur et qui distraient votre équipe sur son objectif réel.
Pourquoi cela se produit? Je dépense des ressources pour développer l’activité d’une clientèle qui ne s’est pas encore concrétisée. Quand j’ai 100 clients, mais que je construis l’entreprise pour qu’elle convienne à 1 million de clients, j’ai tendance à le faire aux dépens des 100 clients réels.
Ce que je fais à la place. Plutôt que de me lancer dans la course aux nouvelles fonctionnalités visant à attirer de nouveaux clients, je me concentre sur les clients que j’ai et j’apprends d’eux plutôt que de toujours penser aux prochains. Avant d’avancer rapidement sur le développement de nouvelles fonctionnalités, je vérifie auprès de mes clients pour m’assurer que je leur donne ce dont ils ont besoin et qu’ils verront de la valeur dans les prochaines étapes. Le résultat est simple. Si vos clients sont heureux, ils deviendront des références et cela accélérera votre traction et votre capacité à attirer de nouveaux clients. Si vos clients sont insatisfaits, vous pouvez bien en conquérir de nouveaux, mais vous allez à la fois perdre vos précieux clients et avoir plus de difficulté à en convaincre d’autres de vous faire confiance.
Mauvais comportement n° 3: Pousser l’équipe trop fort
L’un des moyens les plus rapides de détruire votre entreprise est de brûler votre équipe en raison de votre impatience et votre désir d’aller toujours plus rapidement.
Pourquoi ça arrive? J’ai accepté le fait que je n’arrêterai jamais de me mettre trop de pression. C’est aussi d’une certaine manière la personnalité de nombreux entrepreneurs. Mais quand je ne peux pas contrôler cette pression, il est fort probable que tout le monde autour de moi la ressente, ce qui n’est pas souhaitable.
Ce que je fais à la place. Lorsque je suis submergé par un manque de progrès, j’arrête de penser où mon entreprise est censée être et je commence à réfléchir à la prochaine étape pour atteindre mes objectifs. Je pense en petits morceaux, sans trop me soucier de ce que ces petits morceaux signifient pour la grande image. Certains progrès valent mieux que pas de progrès du tout. S’inquiéter de l’ampleur des progrès que vous faites entraîne généralement une progression inverse — vous reculez, et ça, il n’y a rien de pire.
Doucement, j’ai appris à estimer le chemin parcouru, même si la destination n’arrive pas aussi vite que voulu. Il est aussi primordial de prendre le temps de fêter ses petits progrès en équipe. Sans cela, vous allez aussi rendre votre équipe insatisfaite. Il y a aussi le risque de voir l’équipe tenter d’aller trop vite, causant souvent des dommages au passage, juste pour vous satisfaire.
Mauvais comportement n° 4: Diluer la vision
Le moyen le plus simple d’arrêter de s’inquiéter d’un manque de progrès est de faire des choses qui ressemblent à du progrès. Une façon d’y parvenir est de commencer à générer des affaires qui ne correspondent pas à la vision que vous avez définie pour votre entreprise. Vous avez ainsi l’impression d’avancer, mais vous n’avancez pas dans le bon sens.
Pourquoi cela se produit? On oublie trop souvent que l’innovation, c’est de faire quelque chose que personne n’a jamais fait avant et par conséquent, cela augmente l’incertitude de réussir. Si vous avez une vision audacieuse et innovante, il est fort probable que plusieurs personnes vous diront que votre vision est utopique, qu’elle ne tient pas la route. Par conséquent, vous aurez une tendance à dévier de votre vision.
De plus, lorsque vous tentez d’innover et de perturber un secteur d’activité, il est incroyablement facile d’assouplir ces normes et de faire des affaires «à l’ancienne». Cela peut résoudre beaucoup de problèmes à court terme, en particulier des problèmes de revenus. Un bon exemple chez Connect&Go est le suivant: nous sommes une entreprise de produit, par conséquent, tout ce que nous développons doit répondre à un besoin commun. Très souvent, des clients nous demandent de développer des fonctionnalités qui n’ont pas réellement de sens dans notre vision du produit. Cependant, ceux-ci seraient prêts à payer 150$ de l’heure pour ce développement, permettant de combler le trou à court terme. Trop souvent, j’ai envie de dire oui. Cela nous permet de réaliser de meilleurs revenus sur le moment, mais cette approche risque d’affecter beaucoup plus négativement l’entreprise et le produit à long terme, et donc ronger notre valeur.
Ce que je fais à la place. Il est toujours difficile de garder confiance en vous et en votre vision lorsque tout le monde vous dit le contraire, incluant l’information que vous avez devant vous. Ce qui rend les choses pires, c’est qu’il n’y a souvent rien sur quoi vous appuyer pour vous dire que vous avez raison et qu’ils ont tort.
Lorsqu’une occasion ou un événement m’amène à dévier de la vision de l’entreprise, je reviens à la base: pourquoi faisons-nous ce que nous faisons? Quel est notre objectif? Comment prendre une décision à court terme qui affectera notre destination? J’ai aussi la chance d’avoir une équipe de direction qui me ramène à l’ordre, me rappelant qu’à force de diluer notre vision, nous allons devenir une firme de services et que ce n’était pas l’idée de départ.
En conclusion
L’entrepreneuriat vient souvent d’une insatisfaction et d’une impatience. Les meilleures entreprises sont souvent celle qui vient d’un besoin du fondateur qui n’était pas comblé et dont il trouvait inacceptable que cela reste ainsi. Il n’est donc pas surprenant que plusieurs entrepreneurs, dont moi, soient rarement satisfaits de la vitesse à laquelle vont les choses. Et plus l’entreprise grandit, plus on a l’impression que tout est long.
En revanche, il est vrai que les choses prennent du temps. Et trop souvent, l’impatience nous amène à prendre de très mauvaises décisions qui auront des conséquences sur l’entreprise. Cela me ramène à un proverbe que j’aime bien: «Celui qui va trop vite va lentement, car il lui faut revenir sur ses pas».
Et vous, avez-vous appris à canaliser vos frustrations pour ne pas avoir de mauvais comportements?