Moya Greene (Photo: Getty Images)
BLOGUE INVITÉ. Ancienne présidente et chef de la direction de la britannique Royal Mail et présidente-directrice générale de Postes Canada, Moya Greene qualifie son parcours vers la haute direction de ces sociétés de « sinueux ». Il symboliserait ce qu’on peut réaliser lorsqu’on sait ouvrir les bonnes portes.
Tout a commencé dans sa ville natale, St. John’s, à Terre-Neuve, dans son école secondaire, où elle s’est découvert des qualités de chef et a joué un rôle de premier plan au sein du conseil étudiant, notamment à titre de porte-parole lors des difficiles négociations sur l’utilisation des locaux de l’école.
« Je m’intéressais aux questions politiques touchant les étudiants. La fin des années 1960 et le début des années 1970 ont été des périodes passionnantes pour les étudiants. Il y avait beaucoup de choses contre lesquelles protester et sur lesquelles prendre position. »
Les années d’études secondaires de la future dirigeante ont précédé une remarquable carrière dans le domaine des orientations gouvernementales et des lois. Elle a fréquenté l’Université Memorial de Terre-Neuve et l’Osgoode Hall Law School de l’Université York avant d’intégrer la fonction publique en 1979.
« À cette époque, la politique fédérale était une très bonne voie. Il y avait beaucoup de possibilités de carrière intéressantes, et ce, dans une foule de secteurs exigeants. »
Madame Greene a commencé à titre de stagiaire dans un cas de litige grave opposant le gouvernement fédéral et le gouvernement de Terre-Neuve sur des ressources pétrolières au large des côtes de Terre-Neuve. Après avoir passé quelque temps au ministère du Travail où elle a réécrit la Loi sur les relations de travail, elle est entrée au Bureau du Conseil privé, puis a été finalement recrutée par Transports Canada.
« Madame Huguette Labelle, (à l’époque sous-ministre des Transports), m’a invitée à devenir la première femme sous-ministre à Politiques et Transports Canada. Mon travail consistait à élaborer une stratégie s’échelonnant sur trois ou quatre ans visant à mettre des capitaux du secteur privé au service des activités de transport. »
Madame Greene est devenue représentante du gouvernement durant le PAPE de la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada, qui a connu beaucoup de succès en 1995, après s’être découvert un talent pour les finances d’entreprise. Alors, lorsque Valeurs Mobilières TD lui a demandé de piloter le développement du Groupe de financement de l’infrastructure, elle a accepté sans hésiter.
« La Banque TD désirait que je mette à profit les connaissances que j’avais acquises en mettant des capitaux au service des activités de transport. Que ce soit les activités des ports, de la voie maritime du Saint-Laurent, du Canadien National ou des aéroports. Elle voulait que mon expérience aide à créer le groupe de financement des infrastructures, explique-t-elle. J’avais le sentiment que c’était une occasion qui n’allait pas se présenter deux fois. »
L’appel britannique
Après avoir occupé pendant huit ans divers postes à la Banque TD, à la CIBC et chez Bombardier, elle est recrutée pour diriger Postes Canada. Cinq ans plus tard, Sir Donald Brydon, à la recherche d’un nouveau directeur général de la Royal Mail, et plus particulièrement d’un candidat rompu aux rouages du système parlementaire et de la privatisation des entreprises, l’a nommée à ce poste. Moya Greene était la candidate idéale.
« Sir Donald Brydon était à la recherche d’un candidat sachant ce qu’il faut faire pour rendre une entreprise attirante aux yeux des investisseurs. Mon expérience en matière de privatisation et d’obtention de sources de financement de projets d’infrastructure aux quatre coins du monde m’a certainement aidée. »
Première candidate étrangère et première femme à la direction de la Royal Mail : Moya Greene a alors largement attiré l’attention.
« Je pense que j’étais exposée à ce genre de commentaires parce que les femmes sont trop peu nombreuses à occuper des postes de direction d’entreprises. Que ce soit au Canada ou au Royaume-Uni, il y a encore un nombre insuffisant de femmes accédant à des postes de PDG. J’espère vraiment que lorsque ma fille aura intégré le marché du travail, de telles situations seront moins fréquentes. »
Pendant huit ans, madame Greene a mené une remarquable carrière à la Royal Mail, où elle a réussi à privatiser l’entreprise, à la sauver de l’insolvabilité, à la remettre sur pied et à l’aider à faire face à la concurrence toujours accrue. Mais ce travail, elle ne l’a pas fait seule.
« Je me suis toujours entourée de personnes plus compétentes que moi. J’ai toujours cherché à trouver la bonne combinaison de personnes connaissant bien l’entreprise et le pays, mais pouvant aussi jeter un regard neuf et apporter des points de vue différents. »
Retraitée depuis l’année dernière, Moya Greene continue de s’inquiéter de l’avenir de la Royal Mail. Elle cite entre autres l’innovation dans l’industrie, en particulier celle d’Amazon, qui rend les affaires de plus en plus difficiles.
Comme elle l’explique, Amazon a créé un modèle d’emploi selon lequel l’employé n’a pas le statut juridique lié à son poste. Certains emplois échappent à toutes les lois sur le salaire minimum et les protections garanties. Le problème, c’est qu’une institution vieille de 500 ans comme la Royal Mail, où les salaires des employés syndiqués représentent 70 % des coûts d’exploitation, ne peut pas fonctionner selon ce type de modèle.
Madame Greene poursuit en disant qu’il faut rémunérer le personnel convenablement et respecter les normes adoptées au fil des années, lesquelles sont le fruit de négociations avec les syndicats. Amazon a créé un modèle d’emploi qu’une entreprise comme la Royal Mail ne peut pas concurrencer.
Bien qu’elle habite maintenant à Londres avec son mari, certains aspects de son pays natal lui manquent.
« Je suis folle, diriez-vous. Mais la neige me manque. Les journées claires et ensoleillées, lorsqu’il fait froid et que la neige semble bleue, baignée par les rayons du soleil. Et mes amis me manquent également. Certains font partie de ma vie depuis 30 ans. Ils ont grandi avec moi et connaissent tous les méandres de ma carrière. »