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Jean-Paul Gagné

Droit au but

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Analyse de la rédaction

Ne tirez pas sur les organismes!

Jean-Paul Gagné|Édition de la mi‑mai 2023

Ne tirez pas sur les organismes!

Le don moyen des Québécois, en 2020, a été de 840$, ce qui nous place au dernier rang des provinces et des territoires. (Photo: 123RF)

CHRONIQUE. Après le scandale de Hockey Canada, les déboires de la Fondation Pierre-Elliott-Trudeau, qui n’arrive pas à se dépêtrer d’un don suspect de l’État chinois, font à nouveau mal paraître les organismes de bienfaisance.

Rappelons d’abord quelques faits. Créée en 2001, cette fondation donne des bourses doctorales à des chercheurs d’exception appelés à devenir des leaders engagés qui apporteront des solutions novatrices à des enjeux sociaux. Mais, contrairement aux fondations privées, qui sont créées à la suite d’un don d’un mécène, la Fondation Trudeau a été lancée grâce à une subvention de 125 millions de dollars (M$) du gouvernement canadien.

Pour la Chine, qui cherche à accroître son prestige et son influence, à avoir accès à la science et aux technologies de l’Occident et parfois même à s’immiscer dans les affaires d’autres pays, l’octroi d’un don de 1 M$ à l’Université de Montréal était une occasion rêvée. Ce le fut même avantage lorsqu’il apparut possible de rediriger 20% de ce don à la Fondation Trudeau. Deux versements de 70 K$ ont été faits à la Fondation, qui veut maintenant les retourner aux donateurs, mais elle ne sait pas à qui faire les remboursements. Il resterait un 3e versement (probablement de 60 K$) qui n’a pas encore été fait.

Les démissions de sa directrice générale et de plusieurs de ses administrateurs indiquent que sa gouvernance a été déficiente. On peut tirer deux leçons:1.la Fondation aurait dû gérer ce don avec plus de transparence; 2.elle aurait dû s’assurer aussi de sa provenance exacte.

Cet imbroglio ne doit cependant pas détourner notre attention sur le rôle stratégique des organismes de bienfaisance dans notre société.

 

La philanthropie s’étiole

Malheureusement, de moins en moins de citoyens soutiennent la philanthropie. Selon Imagine Canada, seulement 18,4% des Canadiens qui ont fait une déclaration de revenus en 2020 ont déclaré des dons de bienfaisance. Or, 23,4% des contribuables en avaient déclaré en 2010 et 29,5% avaient fait de même en 1990, soit une baisse notable de 11,1 points de pourcentage en 30 ans. Le recul se voit dans tous les groupes d’âge et dans toutes les strates de revenus.

C’est une tendance dramatique, alors que les organismes de bienfaisance peinent de plus en en plus à répondre à des besoins grandissants et qu’ils sont à court de personnel et de bénévoles, sans oublier leur épuisement professionnel.

L’apport de ces organismes à la société est pourtant énorme. Selon CanaDon, on compte 86 000 organismes de bienfaisance au Canada. Ceux-ci redistribuent 91% de leurs revenus à des organismes oeuvrant en santé, éducation, culture, sports et loisirs, environnement, etc. Ils contribuent à 8,3% du PIB canadien et emploient 10 % de la main-d’oeuvre à temps plein du pays. Ils font ainsi épargner plusieurs milliards de dollars de dépenses par année aux gouvernements, qui ne reconnaissent pas souvent leur valeur.

Selon l’Institut Fraser, qui compile les dons déclarés dans les déclarations de revenus des Canadiens, ces derniers ont donné 0,49% de leurs revenus à des organismes de bienfaisance en 2020, comparativement à 0,60% en 2010, une autre baisse inquiétante. Parmi les provinces, c’est le Québec qui paraît le plus mal, avec une proportion des dons sur les revenus déclarés de seulement 0,24% en 2020, comparativement à 0,28 % en 2010, ce qui le classe ainsi au 11e rang des provinces et des territoires.

Le grand prix de la générosité allait au Manitoba, affichant une proportion de 0,73%. Les Américains font beaucoup mieux, avec un ratio supérieur à 1% et, parmi les États, c’est l’Utah, composé à 63% de mormons, qui bat la marche avec des dons représentant plus de 5% de leurs revenus déclarés, soit 20 fois mieux que le Québec.

Le don moyen des contribuables québécois, en 2020, a été seulement de 840$, ce qui nous place au dernier rang des provinces et des territoires, juste derrière l’Île-du-Prince-Édouard, avec un don moyen de 1186$. Les Albertains étaient les plus généreux à ce titre, avec un don moyen de 2883$.

La piètre performance de la philanthropie québécoise explique pourquoi nos organismes communautaires en arrachent autant. Il faut surtout arrêter de se gargariser avec une «culture de solidarité qui nous distingue à l’échelle continentale», dixit François Legault. C’est archifaux.

Ce qui nous distingue, c’est notre filet de sécurité sociale étatique, qui ne répond pas aux besoins de centaines de milliers de personnes défavorisées, de malades, d’élèves, de miséreux et autres laissés pour compte.

S’il veut renverser la chute de la philanthropie, l’État doit dire la vérité aux citoyens, mieux soutenir les organismes de bienfaisance et, pourquoi pas, accroître les incitatifs fiscaux à cet effet.

 

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J’aime

L’Université de Montréal, l’Université McGill, l’Université Concordia et huit autres universités canadiennes se partageront 1,4 milliard de dollars, octroyé par le Fonds d’excellence en recherche Apogée Canada pour faire avancer la recherche fondamentale dans des domaines stratégiques. Les trois universités montréalaises ont obtenu 30% de cet investissement, ce qui démontre l’excellence de nos chercheurs. Les projets des trois universités montréalaises portent respectivement sur l’intelligence artificielle, la génomique en santé humaine et la décarbonation de la société. Ce financement aidera à contrer la fuite des cerveaux qui guette le Canada, selon Frédéric Bouchard, président du Comité consultatif sur le système fédéral de soutien à la recherche.

 

Je n’aime pas

Alors que le marché de l’habitation est déjà très tendu, les perspectives sont très mauvaises dans ce secteur vital pour les ménages. Selon la Société canadienne d’hypothèques et de logement, les loyers pourraient augmenter de 30% en moyenne au Canada d’ici 2025. Ainsi, le loyer d’un appartement de deux chambres à coucher, qui était de 1022$ en 2022, pourrait atteindre 1330 $en 2025. Quant aux mises en chantier, elles pourraient baisser de 19% de 2022 à 2023. Pire, si l’inflation persiste (coûts de construction en hausse depuis 12 mois) et si les taux d’intérêt restent élevés, le recul pourrait atteindre 32 %. La rareté a commencé à faire remonter le prix moyen des maisons, en hausse de 12% depuis janvier, après avoir baissé de 14% depuis mars 2022. Bref, une situation très difficile en vue pour les ménages à la recherche d’un logement ou d’une maison.