Une réalité qu'on se refuse de voir... (Photo: Han Li/Unsplash)
CHRONIQUE. Vous comme moi, nous entendons à droite et à gauche que les personnes âgées sont les plus à risque face à la pandémie du nouveau coronavirus. Que les adultes en pleine forme et les enfants ne craignent rien, ou presque. Mais tout cela est-il bien vrai?
Vous voulez la réponse? OK, asseyez-vous bien car la voici: c’est faux. Faux, faux, faux.
C’est ce qui ressort d’une étude que vient tout juste de publier The New England Journal of Medecine, laquelle braque les projecteurs – pour la toute première fois – sur le lieu précis où est né la COVID-19, soit la province du Hubei et, de manière plus large, la Chine. Des chercheurs chinois ont en effet divulgué le vrai visage de l’épidémie là-bas, à partir de données non filtrées par l’État chinois, et il se trouve que celui-ci ne correspond en rien à ce que nous croyions jusqu’à présent…
Wei-jie Guan et 36 de ses collègues du China Medical Treatment Expert Group for COVID-19 se sont intéressé à 1.099 patients atteints de la COVID-19 qui avaient été pris en charge dans 522 hôpitaux de 30 provinces, régions autonomes et municipalités de Chine. Des patients qui avaient pu être admis dans une unité de soins intensifs, dû recourir à la ventilation mécanique invasive, ou encore décéder de la maladie. Autrement dit, des patients qui avaient été sévèrement touchés par le nouveau coronavirus, avant le 29 janvier (environ deux mois après l’apparition des tout premiers cas en Chine).
Qu’ont-ils constaté? Que les 15-65 ans représentaient 85% des personnes contaminées. Et que l’âge médian des patients était de 47 ans. (Ce qui signifie que la moitié des patients avaient plus de 47 ans, et l’autre moitié, moins de 47 ans.) Comme quoi, ce ne sont pas que les personnes âgées qui sont touchées. Loin de là.
Les symptômes les plus courants étaient:
– la fièvre : 43,8% à l’admission et 88,7% pendant l’hospitalisation;
– la toux : 67,8%;
– la diarrhée : 3,8%.
La période d’incubation médiane était de 4 jours, l’intervalle étant en général de 2 à 7 jours.
Ce n’est pas tout. L’étude montre aussi que:
– 5% des patients avaient dû aller aux soins intensifs;
– 2,3% avaient dû subir une ventilation mécanique invasive;
– 1,4% avaient décédé.
Autrement dit, les enfants comme les adultes dans la fleur de l’âge peuvent très bien, eux aussi, être durement secoués par la COVID-19. Très durement secoués.
(Source: «Clinical charasteristics… China», WJ Guan, etc., 2020)
Il est faux de croire que, vous comme moi, nous ne courons pas un grand risque. Il y a nettement plus d’enfants et de jeunes adultes contaminés que de personnes âgées. Et lorsque cela se produit, on peut en être terrassé. Littéralement.
D’où la pertinence de ne pas se réunir entre chums, ces jours-ci, pour tuer le temps – comme l’a demandé, avec justesse, le premier ministre François Legault. De ne pas prendre l’apéro chez des amis. De ne pas aller à un party. De ne pas non plus se réunir dans un garage pour jouer à Fortnite ou pour faire tourner le ouinj. Car on risque d’en payer le prix, et pis, d’en faire payer le prix aux autres.
En passant, l’écrivain tchèque naturalisé français Milan Kundera a dit dans La Plaisanterie : «Être courageux dans l’isolement, sans témoins, sans l’assentiment des autres, face à face avec soi-même, cela requiert une grande fierté et beaucoup de force.»
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Un rendez-vous hebdomadaire dans Les affaires et Lesaffaires.com, dans lequel Olivier Schmouker éclaire l’actualité économique à la lumière des grands penseurs d’hier et d’aujourd’hui, quitte à renverser quelques idées reçues.
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