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Non, nous ne sommes pas prêts pour la 2e vague de COVID-19!

Olivier Schmouker|Publié le 22 juillet 2020

Non, nous ne sommes pas prêts pour la 2e vague de COVID-19!

La tempête approche, et nos masques ne suffiront pas à y faire face. (Ph: David Veksler/Unsplash)

CHRONIQUE. Cela fait maintenant trois semaines que l’on compte de plus en plus de cas confirmés de COVID-19, suivant une progression lente et régulière, pour ne pas dire inexorable. Et se profile à l’horizon, avec cette triste tendance, la menace d’une deuxième vague, à l’image d’un incroyable amoncellement de nuages noirs porteurs d’une mortelle tempête.

Sommes-nous prêts à affronter collectivement le danger? La réponse est claire et nette, et elle fait froid dans le dos : non, mille fois non. C’est du moins ce que conclut le rapport «La réponse fédérale à la COVID-19: observations provisoires» du Comité sénatorial des affaires sociales, des sciences et de la technologie. Explication.

Le Comité présidé par Chantal Petitclerc s’est penché, entre autres, sur l’état de préparation des services de santé. Et il a relevé trois défaillances majeures:

> Aucun plan en cas de pandémie. En cas de pandémie, le Canada ne dispose que d’un guide qui date de 2015, et encore celui-ci, intitulé «Préparation du Canada en cas de grippe pandémique: guide de planification pour le secteur de la santé», ne concerne que la grippe saisonnière. Ce qui signifie qu’il n’y a aucun plan en cas de pandémie d’un nouveau coronavirus, comme la COVID-19. En conséquence, on ignore «quelles sont les attributions respectives des gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux».

Résultat? La porte est grande ouverte aux atermoiements, toute instance gouvernementale étant libre de dire que telle ou telle défaillance n’est pas de sa responsabilité, mais de celle d’une autre. Bref, c’est la voie royale pour les cafouillages monstres.

> Trop de poids sur les épaules des médecins et des infirmières. «Les champs d’exercice de certains professionnels de la santé devraient être élargis et harmonisés dans tout le Canada, par exemple pour les pharmaciens et les travailleurs paramédicaux, afin de complémenter les services traditionnellement fournis par les médecins et les infirmiers», note le rapport.

Autrement dit, les médecins et les infirmières ont été débordés de travail lors de la première vague, et cela aurait pu être atténué si on avait autorisé d’autres professionnels de la santé – pharmaciens, travailleurs paramédicaux,… – à assumer certaines tâches qui sont de leurs compétences. Ces barrières professionnelles, le Comité appelle à les faire sauter, au moins temporairement, histoire d’être plus nombreux, et donc plus efficaces, pour faire face à la pandémie. Bref, il est devenu urgent de décloisonner les métiers de la santé, ne serait-ce que pour une raison purement sanitaire.

> Portes closes pour les soignants étrangers. «Il est nécessaire de se doter d’une stratégie nationale efficace pour évaluer rapidement et adéquatement la compétence des soignants formés à l’étranger, et de donner à ces derniers une voie d’accès vers l’obtention du permis d’exercer au Canada», estime le rapport.

Des talents en matière de santé, il y en a plein ici même, au Canada, au Québec. Mais voilà, on se refuse à user de leurs compétences, en usant de mille et une arguties pour tenter de justifier ce barrage systémique. Souvenez-vous d’ailleurs des mots du premier ministre québécois Francois Legault, en début de pandémie, lorsqu’il lui a été suggéré de recourir aux soignants étrangers présents sur le territoire québécois pour donner un coup de main dans les CHSLD : «On n’est pas rendu là», a-t-il alors dit, laconique; et dans la foulée, il a accueilli à bras ouverts l’armée canadienne et même les organisations non gouvernementales (ONG) comme la Croix-Rouge – à l’image de ce que font les pays du Tiers-monde lorsqu’un désastre naturel les frappe de plein fouet – plutôt que d’entrouvrir la porte aux soignants étrangers…

Bref, il est devenu urgent d’apprendre à accepter l’autre, sa main tendue et son sourire bienveillant. Et donc, d’arrêter de figer à la simple constatation d’une différence. C’est là, de toute évidence, un deal win-win, nous serions bien bêtes de ne pas en profiter. D’autant plus qu’en cas de deuxième vague, ce sont des vies humaines, des PME, des emplois, toute une économie qui est en jeu…

À cela s’ajoute, soit dit en passant, le fait que «ces professionnels pourront ainsi plus rapidement mettre leurs compétences et leurs connaissances linguistiques et culturelles au service de la population canadienne», souligne le rapport.

Bon. Nous n’avons toujours pas de plan, nos médecins et infirmières vont encore crouler sous la tâche et nous ne sommes toujours pas disposés à utiliser toutes nos forces vives pour venir à bout de la potentielle deuxième vague. C’est bien simple : «Le Canada n’est pas prêt à l’éventualité d’une deuxième vague de la pandémie», voilà ce qui est écrit noir sur blanc dans le rapport sénatorial.

Et vous savez quoi? Ce n’est malheureusement pas tout. Voici ce qu’indique encore le rapport du Comité sénatorial:

> La criante insuffisance du dépistage et du traçage. «Des améliorations s’imposent en matière de dépistage et de traçage pour contenir efficacement les prochaines éclosions. Le gouvernement fédéral devrait collaborer avec les provinces et les territoires pour s’assurer que leurs capacités de dépistage et de traçage des contacts soient examinées, révisées et améliorées, et ce, dans les meilleurs délais.»

En ce qui concerne le Québec, le premier ministre François Legault avait promis 14.000 tests de dépistage quotidiens à partir du moment où s’amorcerait le déconfinement de la province. Il a même dit que son objectif était de 16.000. Résultat? Les données de l’Institut national de la santé publique du Québec (INSPQ) montrent que depuis le tout début de la pandémie, il n’y a eu que 6 journées où on a atteint les 14.000 tests de dépistage. Oui, vous avez bien lu : seulement 6. C’est dire combien un coup de main fédéral s’impose concernant ce point crucial pour toute lutte efficace contre le nouveau coronavirus…

> L’odieuse exploitation des travailleurs essentiels. Lors de la «mise sur pause» de l’économie décrétée par les gouvernements, certains travailleurs ont été jugés «essentiels», et d’autres pas. Ceux qui étaient «essentiels» se devaient de travailler, quitte à contracter la COVID-19.

Or, «ces travailleurs, dont bon nombre sont des femmes ainsi que des personnes racisées et issues de milieux à faibles revenus, gagnent souvent de faibles salaires, occupant des emplois temporaires ou à temps partiel qui n’offrent pas de congés de maladie, ni d’autres avantages sociaux», indique le rapport. Ce qui les pousse à «occuper plus d’un emploi, et donc à effectuer des déplacements entre leurs différents lieux de travail», et ce qui «accroît le risque d’infection à la COVID-19, pour eux-mêmes comme pour les autres».

Cette fragilité économique des travailleurs essentiels est périlleuse. On ne peut plus périlleuse. Pour eux, pour leurs proches, pour nous tous, au fond. Ce qui renforce l’idée que nous ne sommes vraiment pas prêts à faire face efficacement à une éventuelle deuxième vague de la pandémie. Car si jamais les travailleurs de première ligne venaient è trébucher – par maladie, par burn-out, par stress financier,… -, c’est toute notre économie qui trébucherait avec eux. C’est aussi simple que ça. Malheureusement.

Un exemple frappant est celui des travailleurs étrangers temporaires, «essentiels dans le secteur agricole». En cas de défaillance de leur part, cela «perturberait fortement l’approvisionnement alimentaire». Eh bien, le rapport présidé par Chantal Petitclerc lance carrément que «ces travailleurs sont souvent dépréciés, exploités, maltraités ou négligés, en dépit du travail crucial qu’ils accomplissent dans le secteur agricole et dans d’autres domaines». Autrement dit, eux aussi sont odieusement exploités, et mine de rien, cela nous fragilise tous. Oui, tous. Surtout en période de pandémie.

Lors de sa comparution devant le Comité, Patty Hajdu, la ministre fédérale de la Santé, l’a reconnu sans détour : le traitement réservé à ces travailleurs est une véritable «honte nationale», a-t-elle déclaré. On ne peut être plus clair que ça.

«Il reste encore beaucoup à faire pour protéger nos concitoyens, en particulier les plus vulnérables», dit Chantal Petitclerc, la présidente du Comité. Ce à quoi sa vice-présidente, Rose-May Poirier, ajoute : «Sans quoi, nous ferons bientôt face à plus de souffrances».

Croisons les doigts pour qu’elles et leur rapport soient entendus sans tarder et sans tergiverser. Oui, croisons les doigts…

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Un rendez-vous hebdomadaire dans Les affaires et Lesaffaires.com, dans lequel Olivier Schmouker éclaire l’actualité économique à la lumière des grands penseurs d’hier et d’aujourd’hui, quitte à renverser quelques idées reçues.

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