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Richard Langevin

Gestion de portefeuille 4.0

Richard Langevin

Expert(e) invité(e)

Nouveaux sommets des marchés: occasion ou risque accru?

Richard Langevin|Publié le 05 avril 2024

Nouveaux sommets des marchés: occasion ou risque accru?

Les investisseurs devraient-ils «acheter haut et vendre encore plus haut»? (Photo: 123RF)

EXPERT INVITÉ. Que ce soit par la littératie financière ou les médias, les investisseurs sont souvent incités à investir lors des creux de marchés boursiers, selon l’expression « acheter bas, vendez haut », ce qui les incite à craindre les nouveaux sommets, comme ceux que nous avons atteint cette semaine. En effet, quel investisseur n’a pas déjà rêvé de réintégrer le marché le 9 mars 2009 ou le 23 mars 2020 après avoir savamment évité les reculs qui les ont précédés?

Mais est-ce vraiment une bonne approche? D’une part, cette stratégie nécessite de pouvoir identifier correctement à la fois le creux et le sommet du marché à chaque cycle boursier, ce qui, selon la littérature, n’a que peu de probabilité de réussite. D’autre part, elle sous-estime l’effet des biais comportementaux qui empêchent les investisseurs de tirer profit de ces creux de marchés. En effet, en mars 2009, il aurait fallu passer outre les multiples faillites de banques, et en 2020, ignorer l’arrêt complet de l’économie mondiale pendant la plus importante pandémie en plus d’un siècle pour identifier correctement ces creux.

De l’autre côté, les investisseurs qui souhaitent ajouter des sommes à leur portefeuille après que les marchés aient atteint de nouveaux sommets se buteront à l’effet de disposition notamment, soit la tendance à privilégier la satisfaction immédiate de vendre des actions gagnantes plutôt que de maximiser leurs gains à long terme. À l’inverse, ils ont tendance à éviter la douleur de réaliser une perte et à conserver des actions perdantes même si cela ne fait qu’aggraver leur situation.

Sachant qu’une grande proportion des rendements en Bourse proviennent d’une faible partie des indices ou des actions en portefeuille, ce biais comportemental peut être très coûteux. En effet, J.P. Morgan a étudié la composition de l’indice Russell 3000 de 1980 à 2014 et a réalisé que tous les rendements provenaient de 7% des sociétés, alors que 40% des composantes de l’indice ont perdu au moins 70% de leur valeur initiale. La question est: peut-on trouver une approche systématique qui nous permette de continuer d’investir lors des hausses de marché tout en réduisant le risque du portefeuille? Selon la firme Cambria Investment Management, c’est possible avec la stratégie d’achat au sommet.

Selon celle-ci, à chaque mois, un investisseur achète des actions américaines seulement lorsque le marché est à moins de 5% de son sommet de tous les temps. Dans le cas contraire, il investira ses actifs en bons du trésor américain de 10 ans. À chaque fois, il procédera à la même évaluation, en ignorant les fluctuations quotidiennes. Cet investisseur achètera donc uniquement des actions à leur sommet ou tout près. Voici les résultats :

Actions américaines

1926-2019 Stratégie d’achat au sommet Indice-repère
Rendement 9,61% 10,07%
Volatilité 10,84% 18,65%
Recul maximal -29,13% -83,66%

Actions internationales

1926-2019 Stratégie d’achat au sommet Indice-repère
Rendement 9,81% 7,91%
Volatilité 10,27% 15,83%
Recul maximal -30,82% -70,35%

 

Cette stratégie peut être utilisée avec un simple fonds négocié en bourse (FNB) d’un indice reconnu, par exemple le FNB iShares Core S&P 500 Index (XUS, 87,77$) ou le FNB iShares Core MSCI EAFE IMI Index (XEF, 37,13$)

Première surprise, la stratégie d’achat au sommet produit un rendement pratiquement identique à son indice-repère pour les actions américaines, et nettement supérieur pour les actions internationales, ce dernier restant toujours pleinement investi. Mais le plus surprenant est que ces deux portefeuilles réduisent considérablement le risque de l’investisseur en coupant la volatilité de plus de 40%, de même que les pires reculs de plus de 66%.

L’expression devrait-elle être plutôt «achetez haut, vendez encore plus haut»? Cambria a aussi testé une variante de la stratégie en investissant lors des sommets des 12 derniers mois, puisque les marchés peuvent passer des années voire des décennies loin des sommets (lors de la Grande Dépression et lors des années 1970 par exemple), et avec plusieurs autres catégories d’actifs dont l’or, l’immobilier et les ressources naturelles. Les résultats sont encore plus convaincants. Par exemple, avec l’or, le rendement est bonifié de 50% et le recul maximal coupé de plus de la moitié.

Une partie de l’explication est que la performance du marché tend à continuer dans la même direction, avec un rendement historique moyen de 9,4% lors des 12 mois suivants un nouveau sommet de marché, contre 9% en moyenne. Il s’agit de l’effet momentum ou de la persistance de la performance, dont les travaux par Narasimhan Jegadeesh et Sheridan Titman furent reconnus dès 1993. De plus, cette stratégie utilise un mécanisme systématique de sortie des marchés, en évitant les périodes de haute volatilité.

Évidemment, cette stratégie possède des inconvénients dont l’impact fiscal des transactions mensuelles de même que des périodes soutenues de sous-performance face à l’indice-repère à court et moyen termes. Mais cet exemple démontre de façon percutante que les investisseurs ne devraient pas systématiquement craindre les marchés lors desquels les actions atteignent de nouveaux sommets, surtout lorsqu’on possède un horizon de placement suffisamment long et une structure de portefeuille bien diversifiée.

Sources : Bloomberg, Cambria Investment Management et Global Financial Data.