(Photo: 123RF)
Un texte d’Hugo Cordeau, étudiant au doctorat en économie à l’Université de Toronto
COURRIER DES LECTEURS. Le slogan de Québec solidaire (QS) n’est pas seulement accrocheur, il est véridique; la victoire de la Coalition avenir Québec (CAQ) en 2018 a mis fin à la valse du Parti libéral du Québec (PLQ) et du Parti québécois (PQ), sonnant le début d’«une nouvelle ère». Cette élection n’avait rien d’un cas isolé, en fait, c’est davantage une mouvance mondiale à laquelle le Québec n’échappe pas.
En Allemagne, les verts gouvernent en coalition, tout comme en Australie. En France, le mouvement d’Emmanuel Macron, «En marche», a pris tout le monde de court en prenant pouvoir lors de sa première élection, réélue depuis. Afin de contrer la coalition de centre droit, la gauche s’est coalisée derrière Jean-Luc Mélenchon avec la NUPES (Nouvelle union populaire écologique et sociale).
Le constat est le même au Canada. Parce qu’il n’avait pas suffisamment de sièges, le Parti libéral du Canada a dû effectuer une alliance avec le Nouveau Parti démocratique (NPD) — un parti n’ayant jamais pris le pouvoir — afin d’aller de l’avant avec leur agenda. D’ailleurs, avec Pierre Poilievre à sa tête, le Parti conservateur du Canada semble se diriger vers un «NPD de droite», ce qui pourrait engendrer l’avènement d’un nouveau parti centre-droite.
Le Québec n’est pas en reste, c’est bien l’inverse. Les supports des anciens partis — PQ et PLQ — s’estompent à vue d’œil, en ne gardant que pour seule base partisane certains nostalgiques d’une époque plus prospère, alors que les nouveaux partis — CAQ, QS et Parti conservateur du Québec — prennent leur envol.
Mon analyse est que ce mouvement est alimenté par la déception de la population face aux élites économiques et politiques qui ont gouverné lors des dernières décennies.
Les États-Unis en sont l’exemple parfait; alors que les démocrates tâchent de défendre les travailleurs avec des programmes sociaux, ces derniers se tournent vers les républicains avec, à leur tête, des magnats de l’immobilier tels que Donald Trump. Pourquoi donc? La mondialisation? Les inégalités? La financiarisation des logements et de notre économie?
J’oserais dire toutes ces réponses. Bien que la mondialisation ait été grandement profitable, ses effets de redistribution sont discutables. Des endroits jadis prospères grâce à l’industrie lourde en ont payé le prix alors que les bénéfices ont été capturés par les détenteurs de capitaux, ainsi que les industries de pointe telles que l’aérospatial ou les technologies de l’innovation — domaines nécessitant un niveau d’éducation élevé.
La dichotomie du peuple travailleur contre l’élite prend sa source à cet endroit. À cela doit s’ajouter la quasi-absence de politique publique pour contrer les inégalités, toujours croissantes, dont la crise immobilière est la plus grande révélatrice.
Effectivement, ceux détenant des logements sont généralement bien nantis et l’explosion des prix leur a été profitable. À l’inverse, les travailleurs moyens issus d’une famille modeste ne peuvent que rêver de l’accès à la propriété – encore faudrait-il créer des villes facilitant leurs accès, sans créer une deuxième obligation, la voiture.
Le fonctionnement de l’immobilier actuel est absurde. C’est littéralement un transfert de richesse entre les pauvres et les riches. C’est un transfert contre lequel nos élites politiques n’ont rien proposé de significatif.
Sans parler du transfert de la charge fiscale des entreprises aux individus, en diminuant toujours plus les impôts de nos entreprises au nom de la mobilité des capitaux. Mondialisation, vous avez dit?
Bref, notre monde est en pleins changements. Les gouvernements antérieurs ont failli à répondre aux vrais problèmes — logements, inégalités et environnement —, il s’en résulte un «refus global» de ces élites, fragilisant, au passage, notre démocratie.
Espérons simplement que le prochain gouvernement saura mettre du baume sur les plaies ouvertes que sont le logement, les inégalités et l’environnement et qu’il ne sombrera pas dans les politiques courtermistes, telles que les baisses d’impôts ou pis encore, en pigeant dans le bas de laine des jeunes, le Fonds des générations.