Objectif «zéro-sale-con» pour un leadership plus éthique
Nathalie Francisci|Édition de la mi‑octobre 2019CHRONIQUE. C'est en faisant le ménage de mon bureau que je suis tombée sur le livre de Robert I. Sutton, professeur...
CHRONIQUE. C’est en faisant le ménage de mon bureau que je suis tombée sur le livre de Robert I. Sutton, professeur à l’Université de Stanford : The No Asshole Rule: Building a Civilized Workplace and Surviving One That Isn’t (Objectif zéro-sale-con en France, et Objectif zéro chien sale au Québec). Le best-seller publié en 2007 se base sur des études menées partout dans le monde auprès de milliers de victimes de ces tortionnaires professionnels. Il y explique que le comportement d’intimidation au travail détériore le climat de travail et la productivité. Une règle est suggérée pour filtrer le personnel toxique: la politique du «no asshole rule» (traduite en France par «zéro-sale-con»). Le traducteur français insiste sur l’utilisation du mot «connard ou con» puisque aucun autre terme «ne peut traduire le même degré de violence avec la même force».
Récemment, j’animais une conférence sur le leadership agile et comment les organisations d’aujourd’hui doivent créer des cultures collaboratives et inspirantes pour attirer les talents et les retenir. Les nouvelles générations sont allergiques aux patrons abusifs de leur autorité et non respectueux autant envers leurs employés que l’environnement ou les valeurs sociales et morales d’aujourd’hui.
Pensez à l’environnement, à la responsabilité sociale, à l’acceptation de la diversité, etc. Les employés d’aujourd’hui n’hésitent pas à quitter un emploi illico presto sans même avoir un plan B pour ne pas avoir à endurer une culture toxique ou non respectueuse de leurs valeurs. Ils fuiront les frasques d’un patron qui ne les mérite pas et qui pollue l’atmosphère. Les entreprises doivent donc s’assurer de purger ces individus toxiques pour éviter de perdre leurs meilleurs potentiels et de nuire à leur réputation. Cela est sans compter de risquer de finir en pâture sur les réseaux sociaux. Allez faire un tour sur Glassdoor ou Ratemyemployer et vous constaterez comment l’opinion populaire du marché des talents se charge des entreprises et de leurs gestionnaires nuisibles.
Dénonciation
Ce qui se tolérait et s’endurait en silence il y a encore 15 ou 20 ans se dénonce aujourd’hui au grand jour sur Internet et les réseaux sociaux. Vous êtes donc prévenu, soignez vos entrevues de départ, c’est votre meilleur outil pour découvrir la source du mal.
Certes, les «salopards» en cravate ou en talons hauts peuvent réussir leur carrière, mais ils n’en restent pas moins de vrais ratés sur le plan humain. Maigre consolation, me direz-vous, mais dans le contexte de la pénurie de talents et d’un modèle de leadership authentique et éthique, il en va de la mobilisation et de la santé mentale de vos équipes autant que de la réputation de votre organisation. Vous avez le devoir d’éradiquer ces nuisances professionnelles et de créer un environnement de travail sain et respectueux de tout un chacun.
Le problème, c’est le courage managérial requis pour prendre la décision de remercier ces poisons humains. La plupart du temps, ils sont en position d’autorité (tellement plus facile d’abuser des autres quand on est leur supérieur), ils sont performants soit parce qu’ils sont les meilleurs vendeurs, soit parce qu’ils détiennent une expertise unique et spécifique, ou encore parce qu’ils sont protégés par un autre pollueur ou, pire, un «mou du genou» (j’adore cette expression qui en dit tellement long sur ce que le manque de leadership veut dire). Ils se permettent donc de polluer la culture sans risque de se faire mettre à la porte parce que l’entreprise a peur d’eux, et donc, elle fait le choix de perdre ses ressources plutôt que d’avoir des conversations difficiles et de prendre les décisions qui s’imposent. Vision à court terme qui est désormais impossible à maintenir en situation de pénurie de talents. Votre capital humain EST votre capital financier.
Voici le meilleur guide de survie à ces démons professionnels et ma meilleure définition du courage managérial… une lettre à la fois :
C = Combattre l’intolérable en donnant l’exemple, que vous soyez gestionnaire ou simple employé
O = Oser dire «ça suffit» sans craindre de représailles
U = Unir les forces positives
R = Respecter vos employés, vos collègues et vos pairs, peu importe leur statut
A = Assainir le climat de travail en misant sur l’empathie et l’humour. Apprendre à rire de l’odieux en le marginalisant
G = Gagner le respect des autres en gardant la tête froide et haute devant l’adversité et en créant de la valeur pour autrui
E = Éliminer les individus toxiques avec force et courage
Petite suggestion : Affichez ceci haut et fort sur vos plateformes numériques ou votre babillard, et soyez déterminé et consistant dans l’éradication des nuisances professionnelles; vous en récolterez les bénéfices au prochain trimestre financier.
À lire aussi, l’ouvrage qui a suivi l’Objectif zéro-sale-con, intitulé Kit de survie face aux sales cons (The Asshole Survival Guide), du même auteur.