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On trouve toujours de l’argent pour une bonne start-up

Jean-François Venne|Publié le 22 juin 2020

On trouve toujours de l’argent pour une bonne start-up

(Photo: 123RF)

DÉFI START-UP. Les fonds de capital de risque doivent eux aussi s’ajuster à un contexte inédit, après plusieurs années passées à battre des records d’investissement dans un marché très agressif. Les start-ups devront réapprendre à séduire ces bailleurs de fonds essentiels à leur croissance.

 

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En février 2020, un rapport de PwC et CB Insights montrait que le financement par capital de risque s’était accru au Canada pour une troisième année de suite. Les entreprises avaient récolté 4,1 milliards de dollars américains ( soit 5,8 milliards de dollars canadiens) en 2019. La majorité de ces 469 transactions bénéficiaient aux sociétés en prédémarrage et démarrage. Tous les feux restaient donc au vert pour 2020. Jusqu’à ce que la COVID-19 les fasse virer au rouge.

Difficile de déchiffrer l’impact qu’aura la pandémie sur le financement des jeunes pousses. «Il semble qu’à court terme, beaucoup de fonds de capital de risque demeureront prudents, le temps de mieux lire le nouveau marché, mais cela posera un défi aux start-ups, dont plusieurs ont besoin de liquidité rapidement», avance Me Scott Rozansky, associé et chef du groupe de pratique spécialisé en capital de risque de Montréal chez Dentons.

 

Davantage de pression sur la rentabilité

Un rapport de Startup Genome publié en mai indique que mondialement, quatre jeunes pousses sur dix ne détiennent pas assez de liquidités pour survivre plus de trois mois. Parmi celles qui ont déjà pu compter sur une ronde de financement de série A, 34% ne passeront pas le cap des six mois sans injection de fonds supplémentaire. Les start-ups se retrouvent prises entre deux feux: une baisse de la demande qui tarit leurs revenus et des bailleurs de fonds moins enclins à investir.

Autre défi pour elles, certains investisseurs pourraient se montrer plus exigeants en ce qui concerne le rythme auquel elles dépensent leurs liquidités, les délais avant la commercialisation et la génération de revenus ou même l’atteinte de la profitabilité. «En temps normal, la profitabilité n’est pas un souci pour les fonds de capital de risque au début, ils s’intéressent plus au développement, au marketing, à l’arrivée sur le marché et aux premières ventes, souligne Me Rozansky. Mais là, il pourrait y avoir plus de pression pour à tout le moins démontrer un itinéraire très clair vers la profitabilité.»

 

Conserver des munitions

La pandémie a aussi pour effet d’inciter les fonds à se soucier d’abord des sociétés qu’elles détiennent déjà dans leurs portefeuilles, avant de rechercher de nouveaux projets. C’est l’approche qu’a prise Real Ventures, qui se classait en 2019 au deuxième rang des investisseurs les plus actifs au Canada, derrière BDC. Le fonds a concentré ses efforts depuis le début de la crise à aider les entreprises de ses portefeuilles à faire pivoter leurs modèles d’affaires, ajuster leurs coûts ou leurs prix, etc.

«Nous ne cherchons pas immédiatement de nouvelles start-ups à financer, nous gardons notre poudre au sec, car nous savons que de bons projets se présenteront éventuellement», précise l’associée directrice Janet Bannister. Déjà, elle note que la pandémie a généré de la croissance pour certaines sociétés, notamment dans des secteurs comme la télémédecine et l’éducation en ligne. Des jeunes pousses ont reçu de l’argent frais de leurs investisseurs actuels et quelques-unes sont même parvenues à en attirer de nouveaux.

Elle concède toutefois que la pandémie a créé une immense onde de choc économique. «Les fonds regarderont maintenant les start-ups différemment et se demanderont si leur modèle d’affaires a du potentiel dans un monde post-COVID, qui ne reviendra pas à la normalité d’avant», avance-t-elle. Les fondamentaux, la proposition de valeur, la capacité d’arriver assez rapidement au marché prendront de l’importance.

 

Attendre le bon moment

Andrew Popliger, associé en certification, technologie, information, communications et divertissement chez PwC, prévient que les start-ups aussi pourraient vouloir attendre avant de demander de nouveaux fonds. «Le moment n’est pas bien choisi pour certaines d’entre elles de procéder à une ronde de financement, note-t-il. Les ententes proposées pourraient être moins intéressantes en raison d’une perte de valeur de l’entreprise.» Des jeunes pousses préféreront donc se concentrer sur le développement d’un modèle d’affaires plus porteur.

«Il y a de l’argent pour les bons projets, ajoute M. Popliger, ce qui change c’est la définition d’un bon projet.» Les secteurs qui résistent le mieux ou même qui bénéficient de la pandémie sont devenus plus attrayants que les autres. Par ailleurs, en raison de la difficulté d’organiser des rencontres en personne, il deviendra aussi plus complexe de créer une relation de confiance avec de futurs investisseurs.

«Mais on voit toujours de nouvelles entreprises émerger de toutes les crises et celle-ci ne sera pas différente», conclut M. Popliger.