Optimiser AccèsLogis et donner plus d’outils aux municipalités
Jean-Paul Gagné|Édition de la mi‑mars 2022(Photo:Rux Centea pour Unsplash)
CHRONIQUE. Ça va mal dans l’habitation au Québec. Alors que la rareté des logements abordables fait exploser les loyers et que les « rénovictions » se multiplient, il est devenu de plus en plus difficile pour les jeunes familles de certaines villes d’accéder à la propriété. Montréal a perdu 47 000 habitants entre les 1er juillet 2020 et 1er juillet 2021, comparativement à 35 900 l’année précédente. La principale cause de cet exode est le coût des logements, dont le taux d’inoccupation est d’environ 6 %.
Dans l’ensemble du Québec, le taux de propriété des ménages québécois de 45 ans et moins a baissé de deux points de pourcentage depuis 2011. Dans l’ensemble, les ménages québécois sont propriétaires dans une proportion de 61,3 %, comparativement à 67,8 % dans l’ensemble du pays.
Pour les plus démunis, le programme AccèsLogis de la Société d’habitation du Québec (SHQ) n’arrive plus à livrer les logements annoncés par le gouvernement. Les 25 groupes de ressources techniques, qui appuient les OSBL d’habitation dans le développement de projets de logements communautaires, sont en attente de financement pour 10 000 logements. À Montréal, l’organisme Bâtir son quartier compte plus de 1460 logements abordables qui sont bloqués par le manque de financement par AccèsLogis.
Paradoxalement, alors que 7000 logements sociaux seraient inoccupés au Québec, quelque 37 000 ménages n’arrivent pas à se qualifier pour le Programme de supplément au loyer (PSL), qui permet à un ménage de ne pas consacrer plus de 25 % de ses revenus bruts pour se loger. Et puisque l’aide du PSL diminue avec la croissance des revenus des bénéficiaires, ce programme ne les incite pas à accroître leur revenu.
Plusieurs raisons expliquent les retards dans la réalisation des projets communautaires. Il y a bien sûr les coûts de construction, qui ne cessent de croître, et le manque de terrains à prix abordables, qu’il faut aussi parfois les décontaminer, mais il y a surtout l’insuffisance du financement offert par AccèsLogis en regard de la capacité de payer des résidents.
Pourtant, selon l’Union des municipalités du Québec (UMQ), le Québec a besoin de 4500 logements sociaux pour des personnes qui sont dans le besoin et de 13 400 logements abordables pour des ménages à revenu modeste. Selon l’UMQ, une personne sur cinq consacre plus de la moitié de ses revenus pour se loger, alors que, selon la Société canadienne d’hypothèques et de logement, un ménage ne devrait pas consacrer plus de 30 % de ses revenus bruts pour se loger. Environ 1,7 million de Québécois éprouvent de la difficulté à accéder à la propriété ou à un logement abordable et qui répond à leurs besoins. À Montréal, ce déséquilibre pousse les résidents à l’extérieur de la communauté métropolitaine avec les effets pervers que l’on connaît : étalement urbain, accroissement du coût et du temps de déplacement, augmentation des coûts de transport collectif et croissance des gaz à effet de serre.
Privatiser le logement abordable
Parce que le programme AccèsLogis n’est pas optimal dans sa forme actuelle, le gouvernement du Québec a créé le Programme d’habitation abordable Québec (PHAQ), qui vise à procurer des logements abordables pour les ménages à revenu modeste et faible et pour les personnes vulnérables (personnes seules, aînés autonomes ou en légère perte d’autonomie) ou ayant des besoins particuliers (personnes victimes de violence familiale et en situation d’urgence). On peut avoir accès au PHAQ pour une nouvelle construction ou pour l’achat d’un immeuble en rénovation. Le loyer maximal sera fixé par la SHQ en fonction du loyer médian du marché dans les différentes régions et il sera indexé annuellement. Le promoteur devra s’engager pour une période de 15 à 35 ans et il bénéficiera de subventions proportionnelles à la durée convenue, soit de 20 % à 60 % du coût du projet.
Ce programme sera accessible aux organismes d’habitation communautaire, mais aussi aux promoteurs à but lucratif, ce qui veut dire qu’une partie des subventions versées à ces derniers se traduiront en profit pour eux, contrairement aux projets financés par AccèsLogis, qui sont toujours sans but lucratif.
Selon le gouvernement, cette privatisation du logement abordable devrait accélérer la réalisation des projets. On présume que des promoteurs privés possèdent déjà des terrains ou encore des immeubles en rénovation ou même en « rénoviction », soit des occasions non accessibles aux organismes de logements communautaires.
Ces derniers semblent avoir raison de craindre que le PHAQ conduise à la disparition d’AccèsLogis, ce qui pourrait ruiner l’habitation sociale de type communautaire, qui est une solution pertinente et pérenne. Interrogée sur l’avenir d’AccèsLogis, qui a fait ses preuves depuis 25 ans, la ministre de l’Habitation, Andrée Laforest, n’a ni confirmé ni infirmé l’hypothèse de sa disparition. Elle a toutefois déclaré que d’autres annonces sont à venir, ce qui pourrait indiquer une hausse de subventions pour les projets qui sont bloqués dans le labyrinthe d’AccèsLogis.
Nouveaux outils aux villes
Alors qu’il prépare son prochain budget, le ministre des Finances, Eric Girard, doit réfléchir au rôle accru que pourraient jouer les municipalités dans le financement des logements sociaux et abordables.
Parce qu’elles sont des gouvernements de proximité et qu’elles sont en mesure de bien connaître les besoins de leurs commettants, les municipalités sont bien placées pour intervenir dans le domaine du logement. En plus des droits de préemption et d’expropriation sur des immeubles et des terrains que Québec devrait leur attribuer pour développer des projets de logement social et abordable, Québec devrait aussi mettre à leur disposition de nouvelles sources de revenus. La taxation foncière sur laquelle comptent surtout les municipalités pour financer leurs obligations se répercute sur les coûts d’habitation.
Pourquoi ne pas lancer une consultation sur la relance du logement communautaire ? À Vienne, en Autriche, 60 % de résidents vivent avec bonheur dans des logements gérés par des OSBL.
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J’aime
Il y aurait au Québec 270 guichets automatiques de cryptomonnaies, qui peuvent servir à blanchir de l’argent et à encourager la spéculation sur ces devises virtuelles. Reconnaissant les risques liés à ce trafic non réglementé, le ministre des Finances, Eric Girard, affirme que l’État doit mieux encadrer et surveiller cette industrie. Il serait aussi intéressant de connaître la quantité d’électricité consommée par les mineurs de bitcoins installés au Québec. Selon des chercheurs de trois universités d’Europe et du MIT, l’extraction de bitcoins produirait 65 mégatonnes de CO2 par année, soit l’équivalent des émissions de la Grèce. Soucieuse de l’impact de cette industrie sur son bilan énergétique, la Chine a sévi l’an dernier contre ces pollueurs, qui sont partis vers des cieux plus accueillants, notamment au Kazakhstan et aux États-Unis.
Je n’aime pas
Au moment où le gouvernement du Québec se prépare à une nouvelle offensive de séduction auprès de milliers d’enseignants en France et en Belgique, des professeurs de ces pays déjà établis chez nous déplorent les difficultés d’obtenir les brevets leur permettant d’exercer leur profession. Selon La Presse, 1 seul candidat belge et seulement 89 qui sont venus de la France auraient eu accès à ce fameux permis d’enseignement depuis cinq ans. « Qu’on ne promette pas monts et merveilles aux Européens », a déclaré une candidate d’origine belge qui s’est fait dire de faire une maîtrise si elle voulait enseigner au Québec.