Une offre qui, bien présentée, peut se révéler attractive. (Photo: Alexander Grey pour Unsplash)
MAUDITE JOB! est une rubrique où Olivier Schmouker répond à vos interrogations les plus croustillantes [et les plus pertinentes] sur le monde de l’entreprise moderne… et, bien sûr, de ses travers. Un rendez-vous à lire les mardis et les jeudis. Vous avez envie de participer? Envoyez-nous votre question à mauditejob@groupecontex.ca
Q. – «La transparence salariale est en vogue, et je suis convaincue que c’est une bonne chose. J’aimerais que notre entreprise affiche ses salaires lors du processus d’embauche, mais le problème, c’est que ceux-ci ne sont pas vraiment compétitifs par rapport à nos concurrents. Que faire?» – Béatrice
R. – Chère Béatrice, on pourrait se dire qu’a priori mieux vaut ne pas montrer à la vue de tous un «défaut», en l’occurrence une grille salariale qui n’accote pas celles de la concurrence. Mais il convient de ne pas sauter trop vite à une telle conclusion.
Un récent article du quotidien suisse Le Temps fait un tour d’horizon des différentes façons de pratiquer la transparence salariale. Je vais me faire un plaisir de vous en indiquer les faits saillants.
Pour commencer, il y a la transparence salariale dite «absolue», qui consiste à dévoiler les salaires de tous les employés, en indiquant également la fonction de chacun d’eux et le nombre d’heures travaillées chaque semaine. Rares sont les entreprises suisses à faire une telle chose, mais parmi elles figurent tout de même la Banque alternative suisse et l’agence numérique Liip.
C’est qu’une telle pratique présente nombre de dangers potentiels. Par exemple, il y a le risque que des chicanes éclatent à l’interne, si jamais certains découvraient qu’ils étaient moins bien payés que d’autres qui, selon eux, en font moins qu’eux. Autre exemple: si l’écart entre les hauts et les bas salaires est grand, ceux qui sont en bas de l’échelle salariale risquent de s’en offusquer. Cela forcerait la haute direction à réajuster leurs salaires par souci d’équité. Ça entraînerait une hausse conséquente de la masse salariale, et ça pourrait même mettre à mal les finances de l’organisation.
Bref, la version «absolue» présente des dangers non négligeables. D’où l’intérêt de la version dite «légère».
Il s’agit cette fois-ci de rendre public, pour chaque poste, le salaire de départ pour une nouvelle recrue sans expérience professionnelle particulière ainsi que la fourchette salariale, le montant le plus élevé de celle-ci correspondant au salaire qu’on touche lorsqu’on atteint le niveau d’expérience maximal. En Suisse, c’est ce que pratiquent, entre autres, La Poste, l’assureur Helsana et la compagnie de télécommunications Swisscom.
Les avantages de cette formule sont nombreux. À l’interne, ça ne dévoile rien de précis concernant les collègues, ce qui supprime en grande partie les risques de chicane. À l’externe, ça donne l’heure juste sans pour autant pâtir d’un manque de compétitivité salariale par rapport à la concurrence: connaître le salaire maximal qu’on pourra, un jour, toucher peut même être attractif, surtout auprès des nouveaux diplômés en début de carrière.
À cela s’ajoute le fait que jouer le jeu de la transparence salariale donne une image avant-gardiste à l’entreprise en question; et donc, une image attractive, pour ne pas dire séduisante. Car, je le souligne, une telle transparence ne concerne encore qu’une minorité d’entreprises: selon les données de l’agence de recrutement suisse JobCloud, seulement 2,2% des annonces d’emploi mentionnent actuellement le salaire proposé pour le poste affiché.
Voilà, Béatrice. Si vous voulez vraiment miser sur la transparence salariale, pensez-y bien, en songeant avant tout à la version «légère». Ce faisant, tenez également compte du fait que cela pourrait être vraiment bénéfique pour l’image de votre entreprise, et donc lui donner l’occasion d’avoir en main un atout que vos concurrents n’ont pas!