Ottawa doit être plus proactif dans la défense de l’Arctique
Jean-Paul Gagné|Édition de la mi‑septembre 2022(Photo: Isaac Demeester pour Unsplash)
CHRONIQUE. Ce n’est pas pour faire du tourisme que Jens Stoltenberg, secrétaire général de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN), est allé au Nunavut, dans l’Extrême-Nord canadien. C’est que l’Arctique apparaît de plus en plus stratégique sur le plan militaire depuis l’agression de l’Ukraine par la Russie.
Huit pays pénètrent le cercle arctique, qui s’étend sur 16 000 kilomètres autour du pôle Nord : le Canada, la Russie, les États-Unis (grâce à l’Alaska), le Danemark (grâce au Groenland), l’Islande, la Norvège, la Suède et la Finlande. Avec l’adhésion probable de la Suède et de la Finlande à l’OTAN, sept de ces huit pays seront membres de cette alliance militaire. Ces huit pays sont membres du Conseil de l’Arctique, qui s’intéresse surtout à des questions scientifiques. Depuis la guerre en Ukraine, ce conseil a cessé de siéger, isolant la Russie.
L’Arctique est occupé par trois pays principaux : la Russie, avec 53 % du littoral des pays pénétrant le cercle polaire, le Canada et le Danemark, avec le Groenland. La région est de plus en plus convoitée pour ses ressources et ses voies maritimes, qui deviennent plus accessibles avec la fonte des glaces. Selon le U.S. Geological Survey, l’Arctique abriterait 25 % des réserves d’hydrocarbures non exploitées de la planète. On y trouve aussi d’importantes ressources minières et halieutiques. L’agressivité militaire renouvelée de la Russie en a fait un territoire encore plus stratégique.
De même, l’OTAN, qui avait perdu de son prestige (le président français, Emmanuel Macron, l’a déjà déclarée en état de « mort cérébrale » et Donald Trump a voulu couper son budget), est maintenant vue comme étant de plus en plus essentielle par rapport à la Russie. Comme d’autres pays, le Canada a promis d’accroître sensiblement son effort militaire. Le pays ne consacre que 1,3 % de son PIB au financement de l’OTAN, au lieu des 2 % demandés aux pays membres.
La défense de l’Arctique est surtout assurée par le North American Aerospace Defense Command (NORAD), qui réunit les États-Unis et le Canada. Le NORAD gère un système de détection des avions militaires russes entrant dans l’espace aérien des deux alliés. Le Canada a promis d’investir 4,9 milliards de dollars (G$) en six ans pour renforcer la capacité du NORAD à détecter des missiles intercontinentaux et prévoit dépenser 38,6 G$ en 20 ans pour moderniser l’ensemble de ses capacités de surveillance et de défense.
La Russie militarise
Sergei Lavrov, ministre des Affaires étrangères de la Russie, a déjà déclaré qu’il « a été établi depuis longtemps que l’Arctique fait partie de notre territoire ». Selon The Economist, la Russie a réactivé au moins 50 installations militaires de l’ancienne URSS dans la région. Elle promeut aussi la Northern Sea Route (NSR), qui relie la mer de Béring et la mer de Barents en longeant la Sibérie. Celle-ci concurrence le passage du Nord-Ouest, situé dans les eaux canadiennes.
La Russie estime que la crête Lomonosov, qui passe sous le pôle Nord, est une extension de son plateau continental. En 2007, deux petits submersibles russes sont allés planter un drapeau tricolore en titane à 3 km sous le pôle Nord.
La Chine s’en mêle
De son côté, la Chine, qui se définit comme un « Near-Arctic State », cherche à profiter au maximum des ressources de l’Arctique. Elle y promeut sa « route polaire de la soie », à l’instar de la grande « route de la soie » qu’elle développe pour relier l’Asie et l’Europe par des voies terrestres et maritimes. À cette fin, la Chine fabrique actuellement le plus gros brise-glace au monde. COSCO, troisième transporteur chinois de conteneurs, utilise déjà la NSR. La Russie projette la construction d’un port en eau profonde.
La Chine est très présente dans l’Arctique où, selon un rapport américain, elle aurait investi 1 400 G$ US de 2005 à 2017 dans différents projets de plusieurs pays, dont la Russie, le Canada, le Danemark, l’Islande, la Norvège, la Suède et la Finlande. Au Canada, les investissements chinois dans le secteur minier au Nunavut, au Yukon, dans les Territoires du Nord-Ouest, au Labrador et dans le Nord-du-Québec atteindraient environ 20 G$.
Accusé d’avoir laissé une société chinoise acquérir Tanco, qui exploite au Manitoba une mine dont la teneur en lithium serait la plus élevée du monde, et d’avoir permis au géant chinois Zijin Mining d’acheter la société canadienne Neo Lithium, dont la mine est située en Argentine, Ottawa est devenu plus prudent quant à la Chine. En 2020, le Canada a bloqué la vente à une société chinoise de la minière aurifère Shandong dans l’Arctique.
Comme c’est le cas envers la Russie, qui vient de déclencher une autre guerre froide, le Canada doit se méfier de la Chine, dont les ambitions et les moyens financiers sont presque illimités. Le président Xi Jinping, qui assume pleinement son impérialisme et son non-respect des droits de la personne et des règles du droit et du commerce international, n’est pas plus fiable que le dictateur de Moscou.
Voilà pourquoi il est vraiment primordial que le Canada accroisse de façon marquée sa protection de l’Arctique canadien, que de puissants vautours ne demandent qu’à piller.
J’aime
Le projet de financement devant assurer la pérennité du pont de Québec présenté par l’homme d’affaires Yvon Charest, qui a agi comme négociateur indépendant et bénévole dans ce dossier, est crédible. Ottawa achèterait le pont du CN et investirait 285 M$ pour l’entretenir. Le CN s’engagerait à payer 125 millions de dollars (M$) en loyer pendant 25 ans et Québec débourserait 375 M$ en 25 ans, soit 2,7 M$ de plus par année que ce qu’il paie actuellement. Alors que cette proposition est jugée raisonnable par plusieurs, Québec dit NON… de toute évidence par calcul politique. De grâce, un petit effort pour régler ce dossier vieux d’au moins 15 ans !
Je n’aime pas
Les généreuses réductions d’impôt qui sont offertes aux électeurs sans égard à leur revenu par les partis politiques du Québec sont injustifiées. Alors que la Banque du Canada hausse les taux d’intérêt pour ralentir la demande, ces baisses la stimuleraient. Il est vrai que le fardeau fiscal du Québec est plus élevé que celui des autres provinces, mais notre société a fait le choix de se donner de meilleurs services publics, dont on se dit très fier par ailleurs. Cette distribution générale de bonbons fiscaux n’a rien d’économique. Elle est plutôt irresponsable et cynique, compte tenu de l’état de nos finances publiques et d’une probable récession. Ottawa aura raison de dire à Québec de revoir sa fiscalité quand ce dernier ira quêter pour ses services en santé.