Logo - Les Affaires
Logo - Les Affaires
  • Accueil
  • |
  • Pénurie de main d’oeuvre: le mythe du temps supplémentaire
Dany Provost

Gros bon sens

Dany Provost

Expert(e) invité(e)

Pénurie de main d’oeuvre: le mythe du temps supplémentaire

Dany Provost|Publié le 27 septembre 2019

Pénurie de main d’oeuvre: le mythe du temps supplémentaire

(Photo Sol/Unsplash)

BLOGUE INVITÉ. Dans un contexte de pénurie de main-d’œuvre où les employeurs ont bien besoin de l’apport maximal de chaque employé, certaines personnes qui pourraient aider refusent de le faire en se disant : « Moi, c’est fini le temps supplémentaire. Ça part en impôt ». C’est faux! Faux! Archi-faux! Les gens qui disent ça ont besoin de quelques explications. Alors voici…

Mon fils Josuah me disait qu’il avait entendu un employé dire qu’il avait fait cinq heures de temps supplémentaire dont la paie nette avait augmenté de 17$. «Ça fait pas cher de l’heure!» A-t-il menti? Je ne sais pas (je ne parle pas de mon fils). Si c’était le cas, c’est une sorte d’aberration qui sera éventuellement corrigée. Il faut simplement comprendre comment les retenues à la source fonctionnent dans les systèmes de paie.

Ce qui fait le plus mal, c’est l’impôt. Ça, je pense que plusieurs le comprennent. Il peut aussi y avoir d’autres retenues comme la cotisation à un régime de retraite, qui font diminuer la paie nette. Mais une cotisation à un régime augmente les bénéfices qu’on en tire, alors il est injuste de les considérer au même niveau que l’impôt.

Ce dernier est retenu selon les fameuses «brackets» comme on dit en bon français. Or, ces «paliers» d’impôt sont progressifs. Ça veut dire que plus notre salaire est élevé, plus le taux d’imposition est élevé. Par exemple, quelqu’un qui gagne 50 000$ qui décide de faire du temps supplémentaire paiera 37,12% d’impôt sur chaque dollar (jusqu’à plus de 37 575$ de rémunération de temps supplémentaire). Pas 90%!

Une personne qui est au palier MAXIMAL paiera 53,31% d’impôt en faisant du temps supplémentaire. Pas 90%!

Maintenant…

Comment se fait-il que, dans certains cas, la retenue soit plus importante que nécessaire ?

C’est parce que les retenues d’impôt, dans un système de paie, considèrent qu’une personne faisant du temps supplémentaire dans une semaine gagne ce revenu pendant toute l’année. C’est ça qui peut faire mal. Mais il faut aussi savoir que si trop d’impôt a été retenu à la source, l’employé aura une belle surprise lorsqu’il fera son rapport d’impôt au mois d’avril suivant. Il aura un remboursement.

Prenons un exemple pour bien comprendre. Il n’est pas spectaculaire, mais il explique le fonctionnement des systèmes de paie.

Disons que Jo gagne 30 000 $ par année sur une base régulière. S’il est payé chaque semaine, son revenu hebdomadaire est donc de 576,92$. S’il travaille 40 heures par semaine, son taux horaire est ainsi de 14,42$.

Disons également qu’il participe à un régime de retraite où ses cotisations sont de 8% de son salaire. Selon mes calculs, si Jo n’a pas d’autres déductions sur sa paie, le système de paie devrait retenir l’équivalent annuel de 7 553$ en impôt et cotisations, soit 145,25$ par semaine.

Sa paie nette régulière est donc de 431,67$, soit son «brut» de 576,92$ moins les retenues de 145,25$. Retenons ce montant: 431,67$.

Supposons maintenant que Jo décide de faire une grosse semaine de temps supplémentaire où ses heures sont payées en double. S’il décide de travailler 20 heures supplémentaires à 28,84$, sa paie brute doublera, passant de 576,92$ à 1 152,80$. C’est logique: s’il travaille deux fois moins d’heures à un taux deux fois plus élevé, il gagnera autant d’argent que son salaire de base.

C’est ici que ça se joue…

Le système de paie de son employeur considèrera que son revenu ANNUEL double également, passant à 60 000$. À ce niveau, toujours selon mes calculs, les retenues sur la paie devraient être de 20 677$ par année. En ramenant ce montant sur une paie hebdomadaire, c’est un montant de 397,63$ qui sera retenu. Il ne faut pas oublier qu’il verse 8% de son salaire à son régime de retraite.

Sa paie nette pour sa semaine serait donc de 756,22 $, soit 1 152 $ (brut) moins les retenues de 397,63$. Il aura donc augmenté sa paie nette de 324,55$, soit 756,22$ moins 431,67$. C’est une augmentation nette de 16,23$ de l’heure. Il est peut-être déçu parce qu’il avait 28,84$ en tête comme revenu brut mais il reste que ses retenues sur ses heures supplémentaires, exprimées en pourcentage, sont de l’ordre de 44%. Il n’est pas habitué à ça, car ses retenues ordinaires sont de l’ordre de 25%, soit 145,25$ sur 576,92$.

Il faut aussi noter que ce calcul s’applique aussi à un bonus et à une paie rétroactive.

Donc, on voit que le taux n’est pas de 90% de retenues, loin de là… On aurait pu faire l’exercice avec un revenu plus élevé et on aurait eu la même conclusion.

De plus :

Si cette semaine de Jo est la seule, dans toute l’année où il aura fait du temps supplémentaire, son revenu annuel passera de 30 000$ à 30 576,92$. Pas une grosse différence.

À ce niveau de revenu, les retenues à la source devraient être de 7 782$ pour l’année. Le système de paie aura retenu 51 semaines à 145,25$ et une grosse semaine à 397,63$ pour un total de 7 805$. Comme les cotisations à son régime de retraite et aux régimes publics ne seront pas corrigées, le système a retenu 23$ d’impôt de trop, environ 1$ de l’heure, pour cette semaine. Si aucune autre correction ne se fait, Jo aura donc ce remboursement lors de sa déclaration de revenus.

Mais est-ce possible de n’avoir que 17$ de plus en paie nette pour cinq heures de travail?

J’en doute toujours. Amenez-moi un relevé de paie et je vous montrerai que vous ne payez pas 80% ou 90% d’impôt. Jamais. Ça, je n’en doute pas.