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Pénurie de places? Non. Pénurie d’éducatrices!

Le courrier des lecteurs|Publié le 23 juin 2021

Pénurie de places? Non. Pénurie d’éducatrices!

(Photo: BBC Creative pour Unsplash)

Un texte d’Allison Fortier, étudiante à la maîtrise en éducation à l’Université de la TÉLUQ et éducatrice qualifiée


COURRIER DES LECTEURS. Fin 2020, plus de 88 263 demandes ont été dénombrées sur le guichet d’accès unique pour l’inscription à un service de garde au Québec, la fameuse Place 0-5. Environ 88 263 familles demeurent dans l’attente d’un miracle. Des chiffres alarmants qui font dresser les cheveux sur la tête des futurs parents.

Le gouvernement prend position et le ministre Mathieu Lacombe annonce la création de 22 000 places supplémentaires. Des mots réconfortants certes… mais vide de sens. Parce qu’avant d’envisager de créer des places par milliers, encore faut-il s’assurer d’avoir les ressources compétentes en nombre suffisant pour prendre soin des enfants qui occuperont ces places. En prenant la voie sur laquelle Québec s’engage, vous consentez à diminuer la qualité du service aux familles et à négliger le bien-être des adultes de demain.

Le milieu de la petite enfance est en crise comme jamais dans son histoire et un sondage réalisé par le mouvement «Valorisons ma profession» révèle que près de la moitié des éducatrices en poste envisage un changement de carrière dans les trois prochaines années. Remarquez, ça se comprend! Métier traditionnellement féminin, les éducatrices font face à un salaire misérable, une quasi-absence d’avantages sociaux et un faible soutien institutionnel.

En mai dernier, Québec mettait en place un nouveau projet de règlement qui prévoit un assouplissement des exigences de formation du personnel éducateur, faisant passer le ratio d’éducatrice qualifiée à 1 sur 3 plutôt que 2 sur 3. Une claque au visage pour toutes ces éducatrices diplômées et celles qui s’évertuent à poursuivre leur formation. Est-ce qu’il viendrait à l’esprit d’appliquer le même ratio en ce qui concerne la Technique de soins infirmiers ou encore la Technique policière ? Pourquoi sommes-nous prêts à fermer les yeux de cette façon lorsqu’il s’agit de nos enfants ? Le message qui est envoyé est clair : n’importe qui peut faire ça. Vraiment ?

Les éducatrices s’évertuent depuis de nombreuses années déjà à s’émanciper de ce statut de « gardienne » qui leur colle à la peau. Planifier, organiser des activités, favoriser l’épanouissement de l’enfant à tous les niveaux, observer et déceler les difficultés individuelles, appuyer, soutenir, instruire les parents, collaborer avec d’autres professionnels de la petite enfance et j’en passe. La profession d’éducatrice est un métier riche et complexe qui nécessite des compétences particulières et un savoir-faire à large spectre.

En tant qu’éducatrice, c’est de la colère que je ressens lorsque je vois le chemin emprunté par le gouvernement du Québec. Lorsque je constate que ma formation académique, dans laquelle j’ai investi tant d’énergie, est sous-estimée. Lorsque j’entends que l’on consent à revoir à la baisse les standards de qualité de nos services de garde à l’enfance.

Il faut arrêter de s’acharner à créer des places vides, et oublier les mesures pour encourager les inscriptions au programme de formation à la petite enfance. Elles sont inutiles parce que bien peu de gens sont prêts à remplir toutes les fonctions d’une éducatrice pour le maigre salaire offert.

L’augmentation des salaires à la mesure de la profession, le retour des ratios de formation, ainsi que la reconnaissance du parcours académique et professionnel des éducatrices qualifiées sont des solutions à envisager.

Parce que ce n’est pas vrai que n’importe qui peut faire ça.

 

Un texte d’Allison Fortier, étudiante à la maîtrise en éducation à l’Université de la TÉLUQ et éducatrice qualifiée