Dans son ambition de capter l’intérêt, oui, le chroniqueur peut échapper quelques mots qu’il n’aurait pas dû utiliser, en omettre d’autres qui auraient apporté des nuances nécessaires, faire des comparaisons boiteuses. Il lui faut alors le reconnaître.
Non, non, je ne fais pas référence à cette chronique un peu brutale à l’égard des conseillers en sécurité financière publiée il y a deux semaines et qui m’a valu un courrier courroucé et quelques tirs amis. Pas tout de suite.
Ç’a plutôt rapport avec un de mes chats. Madame a rendu l’âme la semaine dernière sur la table du vétérinaire, il a fallu me résoudre à la faire euthanasier. La pauvre petite était grugée par le cancer. Revenir à la maison avec une cage vide vous laisse le coeur en miettes. Elle était la soeur de l’autre, Ti-Père, bien portant celui-là.
Elle était déjà une vieille dame quand je l’ai adoptée. Madame était sourde, il lui manquait la moitié de la queue, elle bavait et on aurait dit qu’elle avait une scoliose, ce qui lui donnait une drôle d’allure lorsqu’elle courait, un peu crispée, le plus souvent après un objet imaginaire.
Ce n’était pas l’incarnation de la grâce féline, Madame, mais il y avait néanmoins quelque chose de profondément touchant dans ses multiples handicaps. Cela ouvre aussi les yeux. Quand on est encore dans la force de l’âge, qu’on ne fréquente pas les hôpitaux ou les centres de personnes âgées, il n’y a rien comme un animal à la maison pour constater les effets dévastateurs du temps qui passe et de la décripitude qui nous attend.
Je me suis inquiété de la réaction de Ti-Père, privé soudainement de cette compagnie avec laquelle il partageait sa gamelle depuis 15 ans. Je suis là à l’observer à l’affut d’un signe de tristesse, à projeter sur lui la mienne. Je ne sais pas ce qu’il faut en déduire, tout ce qu’il fait pour le moment est de s’approprier le capital «câlin» laissé par sa soeur. On se console.
Oui, donc, correctif, disais-je. Dans cet hommage à mon ancien collègue M. Pouliot, j’affirmais ce printemps que son départ pour un autre emploi jetait sur moi une tristesse semblable à celle qu’aurait provoqué l’euthanasie d’un de mes chats. Sans rien enlever au collègue, la comparaison était exagérée.
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J’ai sans doute aussi poussé trop le bouchon dans ma chronique sur l’assurance en laissant planer l’idée que tous les conseillers en sécurité financière étaient vilains. Ce n’est évidemment pas le cas, bien que parmi eux se trouvent toujours des peddlers qui malheureusement rayonnent sur l’ensemble de la profession et teintent les perceptions.
Certains lecteurs sont aussi sortis de cette chronique avec la conviction que l’assurance vie permanente était à éviter, peu importe la situation, ce qu’il faut corriger. Quelques professionnels m’ont écrit que bien que l’assurance vie n’était sans doute pas appropriée pour la lectrice dont il était question dans cette chronique, il ne fallait pas présumer qu’elle était dans tous les cas contre-indiquée. Tout à fait, mais c’est rare.
Sur le fond de l’histoire que j’ai présentée, on m’a rétorqué tout et son contraire. Un pro qui commente souvent mes chroniques et avec qui j’ai développé une sincère relation a commencé son courriel par «Franchement, Daniel…»
Il faut le connaître et savoir l’interpréter, on a l’impression qu’il lui est difficile d’exprimer son désaccord sans vous faire sentir comme un idiot. On finit tout de même par s’y attacher, comme ces personnages de film antipathiques et froids qui dans le déroulement de l’histoire dévoilent peu à peu leur humanité. Totalement en désaccord avec l’expert sur lequel je me suis appuyé, il affirme que la situation de notre lectrice se prêtait parfaitement à l’achat d’une assurance vie.
Un autre professionnel, du type médiatique qui distribue çà et là ses conseils, a qualifié la chronique de «lazy». «Lazy»? Je reconnais les défauts du texte, mais le choix de ce mot m’a semblé audacieux de la part de quelqu’un qui depuis des années nourrit surtout son auditoire de barbe à papa.
Son désaccord ne repose pas sur le cas, là-dessus il ne semblait pas avoir d’opinion, mais sur le ton. Il faut dire qu’il s’expose à l’épicondylite tellement il frotte pour faire disparaître les taches qui persistent sur la réputation de son industrie, ce qui est honorable. Moi aussi je frotte un peu de mon côté, mais il m’arrive encore de laisser tomber de la sauce.
En sous-texte de son commentaire, il m’accuse de vouloir me constituer un capital en cassant du sucre sur le dos des conseillers avec leur rémunération. En fait, cela me vaut plus souvent des soucis, je le sais d’avance, surtout avec les vendeurs d’assurances.
Ce qui m’a aussi frappé dans son commentaire, c’est qu’il utilise «gagne-pain» pour parler des commissions sur la vente d’assurance vie (et de sa propre rémunération). Cette vieille expression est chargée d’une connotation de modestie qui ne colle pas avec le secteur financier ou avec quelqu’un qui roule dans une voiture de luxe.
Bon, bref, on y reviendra. Peut-être pas. Il y a de bons conseillers, mes excuses à ceux-là donc, ils se reconnaîtront dans leur coeur. Dans quelle proportion? Je ne le sais pas. Alors mieux vaut rester vigilant.
Je suis en vacances.