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Philanthropie: mieux amasser grâce à plus de flexibilité

Simon Lord|Édition de la mi‑mai 2021

Philanthropie: mieux amasser grâce à plus de flexibilité

Les ententes de financement peuvent être conclues à l'oral pour éviter la lourde tâche de remplir des formulaires. (Photo: Mimi Thian pour Unplash)

PHILANTHROPIE. Dans une approche de philanthropie basée sur la confiance, le bailleur de fonds est amené à laisser plus de latitude à l’organisme pour gérer ses fonds. Il réduit également la paperasse: moins de rapports, moins de présentations, moins de documentation. Si cela peut paraître hasardeux à priori, les experts s’entendent pour dire qu’une vraie approche basée sur la confiance est au contraire moins risquée et plus efficace.

«L’idée n’est pas de dire « Tiens, voilà de l’argent », assure Cindy Lindsay, directrice de l’apprentissage et de l’engagement du réseau à Fondations communautaires du Canada. Il y a quand même des processus. C’est simplement que nous essayons d’aller à la rencontre des gens, de nous adapter à eux pour qu’ils puissent mieux réaliser leur mission. Par conséquent, les processus sont plus informels.»

Les demandes de financement peuvent par exemple se faire à l’oral ou par vidéo pour éviter la lourde tâche de remplir des formulaires.

Même son de cloche à la Fondation J. Armand Bombardier. Ode Belzile, sa directrice des activités philanthropiques, raconte que l’organisme travaille maintenant à simplifier la reddition de compte dans une optique de se rapprocher des principes de philanthropie basée sur la confiance. «On va vouloir une reddition de comptes qui a selon nous plus de sens, précise-t-elle. On va demander seulement les informations strictement nécessaires pour évaluer notre impact sans embourber l’organisme avec une série de rapports volumineux à produire.» 

Comme le temps est la ressource qui est la plus difficile à trouver pour les organismes donataires, cette approche leur enlève un poids important sur les épaules. Ils peuvent alors mieux se concentrer sur leur mission. «On a tellement de discussions avec les organismes qu’on sait ce qu’ils ont fait sur le terrain, dit Ode Belzile. On apprend aussi souvent des choses que l’on n’aurait pas pensé à demander dans un formulaire, ou que les responsables n’auraient pas pensé à écrire.»

 

Des remparts solides

Daniel H. Lanteigne, consultant en philanthropie à BNP Performance philanthropique, est du même avis. La flexibilité dans les dons et la réduction du fardeau administratif comportent de solides promesses pour les organismes.

Il assure toutefois qu’il ne s’agit pas de tomber dans le piège de donner les yeux fermés, ce qui pourrait mener à des dérapages. Le consultant remarque d’ailleurs qu’il existe une certaine méfiance au sein de l’écosystème philanthropique, en raison d’histoires traitant de gestion de fonds ayant fait les manchettes, comme celle d’UNIS (We Charity).

Pour Daniel H. Lanteigne, comme pour les autres experts consultés par Les Affaires, la solution se trouve dans la confiance: le soutien doit se faire sur une base de connaissance mutuelle et de dialogue. «On le dit aux organismes: pas besoin de faire un budget prévisionnel de 50 pages pour les cinq prochaines années, mais engagez-vous à parler de vous, de vos projets. Montrez vos états financiers, parlez de ce qui va bien et moins bien, rédigez une infolettre», illustre-t-il.

Confiance rime donc avec transparence.

Au-delà de cela, rappelle Daniel H. Lanteigne, des protections légales existent. «Le statut d’organisme de bienfaisance enregistré n’est pas irrévocable, rappelle-t-il. Au contraire. L’Agence du revenu du Canada pourrait très bien révoquer à un organisme son autorisation de délivrer des reçus fiscaux — qui est cruciale — si elle n’observe pas ses exigences légales.»

 

Des exigences pour apaiser sa conscience

Bien que la philanthropie basée sur la confiance puisse ainsi paraître plus risquée que l’approche traditionnelle, qui demande une production soutenue de rapports et de formulaires pour le financement autant que pour la reddition de comptes, certains jugent que la paperasse vise plutôt à rassurer le donateur qu’à aider le donataire.

«On fait beaucoup de choses pour nous rassurer nous-mêmes», constate Jacques Bordeleau, directeur général de la Fondation Béati. Il note que lorsqu’une fondation demande beaucoup de rapports, qu’elle élabore un long processus d’évaluation ou qu’elle établit des exigences ultrastrictes, c’est parfois pour se convaincre qu’elle fait le bon choix et le bon investissement.

«Mais si on fait tout ça pour calmer l’angoisse du bailleur de fonds, ça n’a pas de valeur ajoutée, fait-il valoir. Il faut apprendre à lâcher prise et à se mettre au service de l’organisme.»