Plan vert : il ne suffit pas de miser sur la bonne volonté
Jean-Paul Gagné|Édition de la mi‑novembre 2020En 2035, au Québec, on cessera de vendre des automobiles à essence. (Photo: 123RF)
CHRONIQUE. Le Plan pour une économie verte 2030 du gouvernement Legault est certainement un effort louable dans le contexte canadien. Il livre plus que ce qu’il a promis. Aucune province n’a encore proposé un tel plan. C’est mieux aussi que le gouvernement Trudeau, qui en fait beaucoup moins que ce qu’il a promis. Il a certes introduit une taxe sur le carbone, que l’Alberta conteste en Cour suprême. Ironiquement, Québec appuie cette province pour protéger ses droits constitutionnels.
Même s’il qualifie de « très grave » le réchauffement climatique et qu’il se fait un « devoir moral » d’agir, François Legault se refuse toutefois à imposer des mesures contraignantes, préférant les subventions et les mesures incitatives. Pas certain que ce soit suffisant.
Pour ne pas accroître les taxes, Québec rejette l’idée d’un système fiscal de bonus-malus, qui encouragerait l’achat d’un véhicule écologique et pénaliserait l’achat d’une voiture énergivore, comme on le fait en Europe. Québec continuera plutôt d’utiliser les impôts de l’ensemble des contribuables pour encourager les automobilistes à s’acheter des Tesla, mais il ne découragera pas les acheteurs de grosses cylindrées. Pas question d’enlever des voitures sur les routes. L’étalement urbain n’en sera que facilité.
Le Québec fait déjà certains prélèvements écofiscaux, mais, selon la Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques de l’Université de Sherbrooke, ceux-ci ne représentent que 1,2 % de son PIB, en regard de 2,2 % en moyenne pour les pays de l’OCDE et de 1,7 % pour ceux du G7.
Électrification des transports
L’essentiel du plan québécois repose sur l’électrification des transports (le parc automobile, le camionnage, le transport collectif, le transport ferroviaire, les taxis), un programme multidimensionnel évalué à 3,6 milliards de dollars (G$) de 2021 à 2026. C’est 54 % des 6,7 G$ que doit coûter le plan quinquennal. À cela s’ajoutent des investissements en infrastructures de transport collectif de 15,8 G$ en dix ans.
On estime que 1,5 million de véhicules électriques circuleront sur nos routes en 2030. Mais c’est seulement en 2035 que l’on cessera, au Québec, de vendre des automobiles à essence. On investira 1,3 G$ pour promouvoir l’achat de véhicules électriques et installer des bornes de recharge. Il importe de miser sur les transports, qui représentent 43,3 % des GES produits au Québec.
On espère aussi d’importantes retombées économiques de ce secteur. Grâce à nos ressources en lithium, on veut aussi créer une chaîne complète d’approvisionnement et de fabrication des batteries électriques. Globalement, on prévoit que les investissements visant la transition énergétique ajouteront 2,2 G$ au PIB du Québec d’ici 2030.
Les autres mesures du Plan visent principalement la conversion énergétique des entreprises (768 millions de dollars [M$]), la décarbonisation de bâtiments (398 M$), la production et la distribution de gaz renouvelable (213 M$) et l’aménagement du territoire (verdissement, îlots de chaleur, risques d’inondation, d’érosion côtière et de glissements de terrain [307 M$]). On investira aussi dans les filières de l’hydrogène vert et des bioénergies (48 M$), le développement de véhicules électriques (30 M$) et le recyclage des batteries (20 M$). On consacrera 88 M$ au reboisement et les communautés autochtones recevront 19 M$ pour la transition climatique.
Un plan en étapes
C’est la première phase d’un plan de dix ans, au terme duquel, en 2030, le Québec devrait avoir réduit ses GES de 37,5 % par rapport à 1990. On produirait alors 54 mégatonnes (Mt) de GES, soit 29 Mt de moins que les 83 Mt qui seraient alors produits sans les mesures annoncées.
Ce résultat inclut 15 Mt de droits d’émissions de GES qui devraient être achetés par nos grandes entreprises polluantes par la bourse du carbone Québec-Californie. Mais comme il faudra acheter ces crédits d’émissions, c’est autant d’argent que l’on n’aura pas pour investir dans notre propre transition énergétique.
Aspect intéressant du plan, Québec s’engage à l’actualiser chaque année et d’en adapter les cibles pour les cinq années subséquentes. Cela permettra aux citoyens de suivre sa mise en œuvre et d’intervenir pour en faire corriger le tir.