Retirez un emballage du marché, un autre surgira. (source: 123RF)
Ils sont omniprésents dans nos vies. On les ramène à la maison. On les utilise quelques instants. Puis on les jette à la poubelle sans la moindre compassion. De quoi s’agit-il? Des plastiques à usage unique, bien sûr!
Pailles, gobelets de boissons réconfortantes, ustensiles, plats à emporter et autres emballages éphémères ne sont que quelques-uns des nombreux produits destinés à ne servir qu’une seule fois.
Pointés du doigt pour la contamination des océans, certains seront bannis du marché canadien d’ici la fin de la prochaine année. Six produits ont été jugés prioritaires pour leur faible recyclabilité et leur volume important. Mais est-ce qu’un bannissement total est la meilleure façon d’intervenir pour protéger l’environnement?
La question mérite d’être posée.
C’est connu, la nature a horreur du vide. Retirez un emballage du marché, un autre surgira. C’est la grande leçon apprise des bannissements des dernières années.
On n’a qu’à penser aux sacs d’emplettes d’une épaisseur de moins de 50 microns bannis de l’île de Montréal en 2018. Résultat : des sacs plus épais ont fait surface, ne réglant en rien la problématique. On a donc décidé de les bannir totalement dès janvier 2021, devançant de peu le plan fédéral.
Chaque nouveau matériau d’emballage développé représente un casse-tête potentiel pour les centres de tri.
Ils doivent déterminer comment les trier et à quel coût. Ils doivent de plus trouver des acheteurs (idéalement à proximité) pour ces matières. Faute de quoi, ils viendront contaminer —parfois bien involontairement— les ballots des autres matières et en faire baisser la valeur.
Comme on peut le constater, la gestion des matières résiduelles est pour le moins un équilibre complexe!
Vous voulez un exemple?
Les plastiques oxodégradables, présentés jadis comme la solution miracle pour leur capacité à se fractionner, jusqu’à être réduits en fine poudre sous l’effet de la lumière et de la chaleur.
Où sont-ils aujourd’hui?
Dans le clan des bannis. Impossible à distinguer des autres polymères sur une ligne de tri, ce polymère vient donc contaminer les ballots de plastique et empêcher leur recyclage.
Pailles, gobelets de boissons réconfortantes, ustensiles, plats à emporter et autres emballages éphémères ne sont que quelques-uns des nombreux produits destinés à ne servir qu’une seule fois. (source: 123RF)
Que dirait l’analyse du cycle de vie?
Si on peut aisément se passer d’une paille ou d’un bâtonnet à café, le besoin de protéger ses aliments et de les transporter demeure. Le bon sens nous dicterait d’opter plutôt pour les versions réutilisables.
Un produit qu’on utilise plusieurs fois, c’est plus écologique, non?
Malheureusement, ce n’est pas si simple.
L’analyse du cycle de vie (ACV) permet d’évaluer les impacts environnementaux associés à toutes les étapes de la vie d’un produit. En comparant les résultats obtenus pour deux produits, on est à même de déterminer lequel génère le moins d’impacts, lequel est le plus «écologique».
Experts dans le domaine, des chercheurs du CIRAIG ont effectué en 2017 une étude comparant, entre autres, les sacs d’emplettes en plastique aux sacs réutilisables en polypropylène tissé et à ceux en tissu.
Les conclusions sont surprenantes.
Bien qu’étant plus robustes, les sacs réutilisables généreraient plus d’impacts environnementaux lors de leur fabrication que les sacs jetables.
Plus coûteux à produire, les sacs de polypropylène tissé ou de tissu devraient être utilisés au moins 100 fois pour générer un impact équivalent aux sacs jetables. Je résume ici en deux phrases une étude de cent pages ayant nécessité plusieurs mois de travail.
Mais les chiffres sont là.
Ils démontrent que tout n’est pas noir ou blanc dans le monde du choix écologique. Plusieurs facteurs doivent être pris en compte, et cela inclut les effets collatéraux de nos décisions. Chiffrer des scénarios et aider la prise de décision là est le rôle de l’ACV.
Ces constats se transposeraient-ils aux ustensiles jetables et autres produits à usage unique? Il est tentant de le présumer.
On réduit.
S’il y a bien une chose sur laquelle nous avons le contrôle, c’est sur notre propre consommation. On réduit et on recycle. Car notre bulletin en ce qui concerne la récupération des plastiques au Québec n’est pas reluisant : 49 %.
C’est la proportion de plastiques récupérés par la collecte sélective.
Où vont les 51 % restant? Vous l’aurez compris; à la poubelle. Oui : 1 fois sur 2, quand il a entre ses mains un contenant ou emballage de plastique, le citoyen fait le choix de le jeter plutôt que de le récupérer.
Il a peut-être de très bonnes raisons de le faire (permettez-moi toutefois d’en douter).
N’empêche que tous les efforts de l’industrie pour récupérer, nettoyer, conditionner et recycler cette matière ne porteront jamais fruit si on ne leur achemine pas la matière première dont ils ont besoin.
Les marchés locaux ne pourront pas se développer. L’Asie et autres destinations d’exportation resteront la solution.
Dans notre transition, lente, mais certaine, vers l’économie circulaire, ce n’est pas le scénario souhaité.
Et les sacs réutilisables?
On les réutilise.
Et 100 fois plutôt qu’une.