(Photo: 123RF)
ANALYSE ÉCONOMIQUE – La probabilité est relativement élevée qu’on découvre un vaccin d’ici la fin de 2021 pour combattre la Covid-19, estiment des spécialistes. Les entreprises misent d’ailleurs sur ce scénario pour leur relance et un retour à la normale. Or, la plupart d’entre elles sous-estiment un autre scénario moins probable, soit l’incapacité de produire un vaccin ou, du moins, de concevoir un vaccin efficace.
Ce scénario n’a rien de réjouissant. Car, auquel cas, il faudrait apprendre à vivre avec ce coronavirus. La Covid-19 resterait donc parmi nous, dans nos communautés, de manière endémique. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a d’ailleurs évoqué ce scénario à la mi-mai.
Mais bon, ce ne serait pas la fin du monde et une première dans l’histoire, on l’oublie trop souvent.
Durant des siècles, voire des millénaires, l’humanité a appris à vivre avec d’autres maladies dangereuses comme la peste, le choléra ou la variole (éradiquée en 1980), sans parler du fait que l’utilisation généralisée d’antibiotiques ne s’est produite qu’après la Deuxième Guerre mondiale.
Je ne vous parle pas de ce scénario pour vous inquiéter inutilement.
J’évoque ce scénario moins probable, car, en gestion des risques, il faut toujours tenter de prévoir tous les coups, sans oublier d’angles morts.
Et, surtout, les entreprises doivent apprendre à «raisonner dans la durée et à long terme», comme l’expliquait récemment à Les Affaires la PDG d’Hydro-Québec Sophie Brochu (Contribuer à la résilience du Québec grâce à Hydro-Québec).
À ses yeux, les plans de gestion de crise des entreprises ont souvent un début et une fin.
C’est exactement ce qu’on entend çà et là depuis le début de la pandémie. On nous parle de sortie de crise, et de «l’après-Covid-19». C’est humain. Nous voulons tous que cette crise sanitaire et économique se termine le plus vite possible.
Et, encore une fois, c’est probablement ce qui arrivera étant donné que les meilleurs cerveaux de la planète planchent actuellement sur plus de 100 projets de développement pour concevoir un vaccin.
Prévoir la pire et espérer le mieux
Mais comme dit le célèbre adage «Hope for the best and prepare for worst».
Avec cet état d’esprit, vous serez vraiment dans la résilience à long terme, et non pas dans la gestion de crise.
Bon, une fois que nous réalisons que ce virus est peut-être là pour rester, que peuvent faire les entreprises?
Eh bien, elles doivent continuer grosso modo à fonctionner comme elles le font actuellement dans cette période de déconfinement.
Elles doivent prendre des mesures sanitaires pour protéger la santé de leurs employés, de leurs clients et de leurs fournisseurs, tout en continuant avec le moins d’inconvénients possible d’offrir leurs biens et leurs services aux consommateurs de manière sécuritaire.
Elles doivent accélérer leur transformation numérique, et ce, afin de pouvoir répondre aux besoins de leurs clients aussi bien en présentiel qu’à distance.
Comme employé ou consommateur, il faut aussi apprendre à banaliser le port du masque, et d’en faire à la fois un outil de protection de la santé publique et un accélérateur d’un retour à une certaine normalité économique.
Et vous savez quoi? Depuis trois mois, les entrepreneurs sont devenus de plus en plus ingénieux pour retrouver une certaine normalité, et ils vont continuer à s’améliorer dans les mois, voire les années à venir.
Certes, certains secteurs vont devoir se creuser les méninges -avec l’aide de l’État et de leur association sectorielle – pour apprendre à fonctionner dans une économie de «l’avec-Covid-19».
Je pense notamment aux hôtels, aux restaurants, aux bars, aux cinémas ou aux théâtres. Leur défi est de taille, mais il y a de l’espoir.
J’ai récemment interviewé la directrice de Cinérive, une entreprise familiale qui possède 14 salles de cinéma en Suisse romande (francophone). Après trois mois de fermeture, les salles ont rouvert le 6 juin, avec des mesures sanitaires strictes, mais tout à fait gérables.
Par exemple, dans les salles de cinéma, il y a un siège vide entre chaque personne (à l’exception des familles ou des couples). Chaque client doit aussi laisser ses coordonnées si jamais une éclosion se déclarait à la suite de la présentation d’un film.
La santé publique peut ainsi réagir plus rapidement pour faire des suivis et demander au besoin à des gens de se mettre en quarantaine.
Je suis convaincu qu’on arrivera à trouver de nouvelles façons de faire pour apprendre à fonctionner à nouveau (tout en limitant les risques de contagion) dans les autres secteurs de notre économie où le déconfinement représente un défi supplémentaire.
La technologie peut nous aider si elle n’est pas liberticide
Chose certaine, si l’industrie pharmaceutique n’arrive pas à produire un vaccin, les technologies de surveillance numérique deviendront de plus en plus incontournables dans la mesure où elles ne sont pas liberticides.
La Human Technology Foundation (HTF), une organisation située au Liechtenstein qui se consacre à l’utilisation éthique des technologies, estime qu’il est possible de protéger les libertés individuelles tout en protégeant davantage la santé publique.
J’ai récemment interviewé son président et des personnes qui ont participé à la rédaction d’un guide pratique (Élaboration et gouvernance des solutions technologiques pour une sorte de crise) destiné aux décideurs politiques et à la société, et ce, afin que ces technologies soient bien encadrées.
(Source: Human Technology Foundation )
À défaut d’avoir un vaccin, l’industrie pharmaceutique produira sans doute dans les prochains mois des médicaments qui réduiront grandement l’impact de la Covid-19 sur les personnes infectées, réduisant du coup le taux de mortalité, souligne le quotidien britannique The Guardian (Why we might not get a coronavirus vaccine).
Bref, avec le temps, la société et les entreprises apprendront à vivre avec ce niveau virus, sans parler du fait que l’humanité développera nécessairement avec le temps une certaine immunité collective, mais au prix de nombreux décès supplémentaires.
Sans vaccin, l’aménagement de nos villes pourrait aussi se transformer, comme les précédentes pandémies dans l’histoire ont contribué à le faire.
En fait, jusque dans les années 1950, les mesures sanitaires prises pour lutter contre les pandémies comme le choléra ont contribué à dessiner l’espace urbain de nos villes telles que nous connaissons actuellement (grandes avenues et parcs urbains), indiquait récemment à Radio-Canada Philippe Rahm, architecte et urbaniste suisse spécialisé dans l’architecture météorologique.
Selon lui, la Covid-19 pourrait même aller jusqu’à influencer le choix de certains matériaux.
«Aujourd’hui, je vais installer une poignée de porte en laiton parce que le virus n’y survit que quelques minutes. Je peux mettre un plancher en métal pour rafraîchir et mieux désinfecter. Soudainement, toutes ces questions qui sont thermiques, physiques ou médicales peuvent redonner un sens au choix des matériaux ou des formes architecturales.»
On le voit bien, si nous n’avons pas de vaccin à moyen terme pour lutter contre la Covid-19, nous nous adapterons, comme nos ancêtres l’ont fait et ont continué à vivre malgré la présence de maladies infectieuses et l’absence d’antibiotiques jusqu’à l’après-guerre.
Encore une fois, le scénario le plus plausible, c’est que les efforts collectifs aux quatre coins du monde depuis quelques mois pour découvrir un vaccin portent fruit.
Sera-t-il efficace à 100%?
Faudra-t-il recevoir des rappels dans notre vie comme dans le cas de plusieurs autres vaccins?
Devra-t-on l’administrer sur une base annuelle comme pour le vaccin de la grippe?
Toutes ces questions sont sans réponse pour l’instant.
Chose certaine, votre plan de résilience à long terme n’aura pas été fait en vain même si nous avons une fin heureuse à cette pandémie.
Car votre organisation sera davantage prête et outillée à faire face à une autre crise si jamais un jour un nouveau virus se pointe le nez dans un marché public à l’autre bout de la planète.